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Immigration : de l’universalisme à l’identité nationale

Publié le 12 octobre 2015 par Delits

Longtemps, la France s'est revendiquée universelle se traduisant par une spectaculaire ouverture sur le monde et une tradition d'accueil bien concrète. Sous le Second Empire, un juif tel que Crémieux, dont la famille était originaire d'Italie, réussissait une ascension politique jusqu'aux premières marches du pouvoir. Ailleurs en Europe, les populations juives étaient encore parfois victimes de pogroms. Quand Pablo Picasso débarqua à Paris pour l'Exposition universelle de 1900, il découvrit une ville cosmopolite. Tout ce qui deviendra l'école de Paris en peinture était largement composée d'étrangers : Utrillo, Chagall, Modigliani ou Soutine. Pendant les années 20, des afro-américains débarquèrent des Etats-Unis à Paris pour profiter de l'absence de discriminations qui les frappaient dans leur pays d'origine. Et ces phénomènes " parisiens " ne doivent pas en masquer un autre, beaucoup plus massif : des millions d'étrangers émigraient en France qui, dès la fin du XIXème siècle, les accueillit, devenant à cette époque le principal foyer d'immigration en Europe. Une immigration venue d'abord d'Europe, puis d'Afrique et d'Asie, voire d'Amérique du Sud. Une immigration qui ne se fit pas sans accrocs. Mais une immigration légitimée par la loi du sol, intégrée par le travail et assimilée par l'école républicaine et l'armée.

Une majorité de Français désormais acquis aux thèses de la préférence nationale

Aujourd'hui, les Français témoignent, par la diversité de leurs racines russe, portugaise ou congolaise, de cet universalisme. Pourtant, les sondages se succèdent et confirment la mise en avant de l'identité nationale (terme à connotation positive pour 75% des Français). Concrètement, les Français se révèlent majoritairement favorables aux mesures s'apparentant à de la préférence nationale. Pour plus des deux tiers ( 67%), il faut réserver les allocations familiales et les aides aux logements aux seuls Français et ressortissants de l'Union européenne. 61% souhaite même supprimer l'Aide médicale d'Etat (AME) permettant aux immigrés clandestins de profiter de soins médicaux gratuits en France. Un clivage gauche - droite est très prononcé sur ces questions (près de 40 points séparent Les Républicains des Socialistes en termes d'approbation). En revanche, gauche et droite se rejoignent en matière de délinquance, où la tolérance zéro prévaut sur l'ensemble du spectre politique : 83% sont favorables à l'expulsion systématique, à l'issue de leur peine, de tous les étrangers condamnés pour crime ou acte de délinquance en France.

Un autre aspect décisif concerne le droit du sol. Ce droit est en vigueur en France depuis 1889. La grandeur d'âme n'a pas été la seule inspiratrice de ce principe généreux, qui a vu le jour dans un contexte où la population allemande était en plein boom, au moment où la France, avide de revanche, connaissait une chute de ses naissances. 136 ans plus tard, le rapport de force démographique entre les deux Etats s'est inversé dans sa dynamique. Et sans surprise, c'est l'Allemagne qui ouvre désormais ses portes aux migrants, tandis que les Français se braquent sur la question migratoire, quitte à remettre en question le principe même de droit du sol. C'est ainsi qu'une majorité d'entre eux ( 59%) ne souhaite plus l'attribution automatique de la nationalité française pour les enfants nés en France de parents étrangers.

Les historiens de demain décèleront laquelle des raisons -peur de l'islamisme, ghettoïsation des banlieues, nouvelles vagues de migrants ou difficultés économiques - a été la plus décisive pour expliquer un tel changement de posture à l'égard de l'immigration, dans ce vieux pays qui s'est largement appuyé dans le passé sur celle-ci pour rebondir. Mais dans un futur proche, ce mouvement d'opinion, par sa radicalité, va amener les politiques à se (re)positionner. Ici en France, cela ne manquera pas d'hystériser le débat public. Et là-bas, notamment en Afrique où des millions d'habitants partagent une singulière familiarité avec la France, le message perçu sera cinglant : c'est fini, la France n'est plus universelle.


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