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Sans être « docteur », le ministre est très ausculté ! Helmy Namnam en charge de la culture en Égypte

Publié le 13 octobre 2015 par Gonzo

Sous Moubarak, le poste fut occupé une bonne vingtaine d’années par Farouk Hosny. Mais depuis la révolution de 2011, la valse des ministres de la Culture, inaugurée par Gaber Asfour en poste une semaine seulement à la toute fin de l’ère Moubarak, ne s’est jamais vraiment interrompue. On a vu ainsi se succéder à la tête du ministère, dans des parcours parfois entremêlés, un critique littéraire grand défenseur des Lumières (Gaber Asfour), le fondateur d’un centre culturel associé à la Culture business (Muhammad al-Sawi), un historien plébiscité sur les réseaux sociaux (Emad Abu-Ghazi), un apparatchik honni par une bonne partie des intellectuels (Shaker Abdel Hamid), un insubmersible routier de la politique (Muhammad Saber Arab), un proche des Frères en butte à la plupart des acteurs culturels (Alaa Abdel Aziz), un ancien responsable des Archives nationales dont l’histoire retiendra peut-être le seul surnom : « le ministre de la goujaterie » (wazîr qillat al-adab), un sobriquet gagné à la suite de ses remarques sur la plastique de ses collaboratrices…

Le dernier nommé à ce jour se nomme Helmy Namnam (حلمي النمنم), un « journaliste » comme le soulignent avec une bonne dose de mépris certains de ses détracteurs pour souligner le fait qu’il n’est pas « douctour » de l’Université. Est-ce à cause de cela ? L’homme tranche avec nombre de ses prédécesseurs par son côté modeste et affable. Il a aussi occupé nombre de fonctions importantes. Avant d’être récemment nommé (par Gaber Asfour) à la tête des Archives nationales, il avait été retenu en 2009 comme vice-directeur de la Gebo (les éditions nationales), un poste où il avait exigé – une décision assez ébouriffante au regard des usages – que les cadres cessent d’y auto-publier leurs œuvres impérissables aux frais du contribuable !

A peine nommé, Helmy Namnam est en butte à pas mal de critiques. Sans surprise, elles viennent en partie de ce bouillon de culture un peu rance qu’est le milieu intellectuel local pour lequel d’autres candidatures étaient plus attendues. Plus intéressante, en revanche, est la campagne médiatique menée depuis l’étranger en particulier par Jamal Khashoggi, un journaliste saoudien autrefois respecté qui n’est plus désormais, en tant que Directeur-Général de la chaîne Al-Arabiyya, qu’un des innombrables plumitifs stipendié par la famille saoudienne.

Sur Twitter notamment, ce dernier a fait part des réserves qu’on avait chez les protecteurs des Lieux saints vis-à-vis de ce nouveau responsable de la culture, bien connu pour ses critiques virulentes à l’encontre des interprétations extrémistes de l’islam, à commencer par les différentes lectures inspirées par le wahhabisme. Tout cela n’est pas bon pour les relations entre les deux pays, souligne-t-on du côté saoudien, en laissant planer de vagues menaces de rétorsions financières, tandis que des députes salafistes du parti Al-Nour s’efforcent déjà de rameuter l’opinion en criant à l’atteinte à la sacro-sainte charia. Fidèle à ses idées, le tout nouveau ministre de la Culture n’a pas craint de plaider pour un partage de l’État et de la religion en affirmant à la télévision que « l’Égypte était laïque bil-fitra » (quelque chose comme naturellement, spontanément ou encore instinctivement laïque)…

Bien entendu, tout est réglé au millimètre entre, d’un côté, ces protestations et ces menaces voilées et, de l’autre, ces réaffirmations solennelles de l’indépendance nationale. Cela fait bien deux ou trois décennies, depuis Farouk Hosny déjà, qu’on rejoue en Égypte (et ailleurs dans la région) la même pièce avec, dans leurs rôles respectifs, les gardiens impeccables de l’authentique tradition et les intègres champions de la modernité. Il reste que dans le grand chambardement géopolitique au Moyen-Orient, le choix d’une personnalité comme celle de Helmy Namnam souligne, s’il en était besoin, que l’Égypte du maréchal Sissi s’efforce, autant qu’elle le peut, de prendre ses distances avec un Royaume saoudien lancé dans des aventures stratégiques, en Syrie comme au Yémen, qui pourraient hâter le déclin de son influence régionale.

En prime, ce clip pour inciter les électeurs égyptiens à se mobiliser. Il vient d’être réalisé par les détracteurs du nouveau ministre, les responsables du parti salafiste Al-Nour. Comme vous pourrez le constater, tout est parfaitement halal – dans l’optique wahhabite – dans ce clip où n’apparaît même pas l’ombre (voilée) d’une électrice !


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