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Design sonore et film – Interview avec Bob Humid

Publié le 14 octobre 2015 par Magix @Magix_FR

Dans cette interview, Bob Humid nous donne un aperçu de son travail de designer sonore et d’ingénieur de mastering. Né en Amérique du Sud, ce DJ spécialisé en Electro est chargé de cours à l’atelier de Cologne Private Audio Class et produit, mixe et réalise le mastering de toutes sortes de musique dans son Fat of Excellence Studios (Fatex). Il travaille avec le logiciel audio professionnel Samplitude depuis 1995. Et ne jure que par la post-production sur Sequoia.

Il est l’auteur de la bande originale du film indépendant « VATERUNSER », du réalisateur allemand Sascha Syndicus, qui vient d’être récompensé par le très en vue « Accolade Award » dans la catégorie « Expérimental ».

Quelles différences y-a-t-il entre la production d’une musique de film et d’une simple chanson ?

La musique de film accompagne, soutient ou renforce le caractère émotionnel d’une scène ; une composition de film est toujours synthétique. Au cinéma, un plan de caméra rectangulaire nous présente une prétendue « réalité ». Mais nous ne pouvons pas sentir, goûter ou toucher le film. C’est pourquoi on peut on l’on doit souvent utiliser la musique pour rendre les scènes plus intenses ou réalistes. Je préfère parler d’une « hyper-réalité », car le mot réalité ne convient plus vraiment, en définitive, nous ne marchons pas dans les rues accompagnés par un thème musical. Parfois, et ce n’est pas peu courant à Hollywood, l’émotion est entièrement interprétée par la musique et traduite au spectateur, afin qu’il sache exactement comment se sentir à chaque instant, ce qui est assez énervant et moins fréquent dans les films européens.

Comment abordez-vous la composition d’une musique de film ? À quel moment commencez-vous à composer ?

Je ressens quelle musique convient à la scène après l’avoir vue. Au niveau du mixage du son, c’est différent : je souhaiterais que les designers sonore et compositeurs soient impliqués avant le tournage des films indépendants également. Malheureusement, seules les grosses productions fonctionnent ainsi. J’aurais aimé par exemple réaliser des prises de son MS de mes Atmos et n’avoir aucun écrêtage dans les dialogues. J’ai dû patiemment supprimer quelques cas extrêmes. Cela n’a été en partie possible qu’en combinant la fonction interne Declipper de Sequoia et iZotopes RX. En revanche, l’éditeur spectral de Sequoia est excellent pour supprimer les bruits indésirables impulsionnels. Je l’ai beaucoup utilisé.

Quels ont été les véritables défis de la bande originale de « VATERUNSER » ?

Toutes les scènes du film ont un caractère immersif très intimiste. Cela signifie que nous sommes très proches des protagonistes et de leurs émotions, car pendant environs 2 ans, Sascha Syndicus a tourné la plupart des prises caméra au poing. Cette spontanéité servait très bien le film et rendait de nombreuses scènes authentiques. Ce procédé a vraiment bien fonctionné pour les quelques plans fixes également, rendus encore plus entiers et absolus. De ce point de vue, Sascha a adopté pour son film une approche similaire au style prédéfini de quelques classiques du cinéma moderne, de Caspar Noë (« Irréversible », « Enter The Void ») par exemple. Bien sûr, Sascha a apporté sa touche personnelle. C’est en particulier justement ce côté intimiste qui intervient à tous les niveaux. Ces scènes se déroulent souvent dans des endroits bruyants : en boîte, dans la rue , etc. Il était donc nécessaire de rendre le son des dialogues compréhensibles, mais il était également important de les mixer à l’ambiance (musique de club, bruits de verres, conversations…) de sorte que le spectateur ait l’impression d’être à côté des personnages. L’héroïne est une adepte frénétique de rave-parties et aime fréquenter les soirées bruyantes. Il n’est donc pas possible de mixer la musique simplement en la baissant au profit des dialogues. Cela peut fonctionner seulement si vous disposez d’un espace excellent (ici la réverbération à convolution de Sequoia), avec lequel il est possible de définir les dialogues comme dans une pièce réelle, perçus comme « naturels » par le cerveau. Cela améliore aussi l’intelligibilité des voix.

Le film aborde des sujets très sérieux. Est-ce que la gravité du film vous a initialement écarté du travail, avez-vous eu besoin d’un temps d’adaptation pour ne plus être « surpris » par le film et pouvoir vous concentrer réellement sur le travail ?

Non, pas particulièrement. Rien de ce qui est humain m’est étranger. Je ne sais pas d’où cela vient, mais je ne suis pas aussi rapidement effrayé par les abîmes que le sont les autres personnes. Je les regarde volontiers, et j’ai un faible pour l’horreur, la science-fiction dystopique et le psychodrame. Les univers sonores sinistres sont en tous les cas l’une de mes spécialités, mais d’autres musiciens peuvent avoir des difficultés avec ceux-ci. Je ne m’intéresse par ailleurs pas du tout aux mélodies pleines d’espoir ou joyeuses. Vous pourriez dire que composer de la musique sombre est facile pour moi.

Quel est donc votre thème de musique de film favori ?

Oh, il y en a plusieurs : j’adore la bande originale signée John Charles de « Quite Earth », qui reste très difficile à trouver. J’ai trouvé les musiques et le design sonore de « Under The Skin » et de « Breaking Bad » impeccables et conséquents. Et bien sûr, John Barry est mon compositeur de musiques de film absolument préféré. J’ajouterais également la bande originale créée par Jerry Goldsmith pour « Legend », le premier morceau « The Goblins » est incroyablement atmosphérique…

Une dernière question : Vous avez déclaré précédemment avoir une réelle aptitude pour les univers sonores sombres. Pour quel « méchant » aimeriez-vous composer un thème ?

Ce serait de toute évidence pour le robot cowboy complètement fou du remake du classique « Westworld » (Crichton / HBO) de 1973, dont la sortie est prévue pour 2016. Malheureusement, tous les postes semblent avoir déjà été attribués. Ça va sûrement être énorme.

Vous pouvez écouter la bande originale du film « VATERUNSER » sur Bandcamp.

Si vous souhaitez lire l’interview complète de Bob Humid, veuillez consulter la nouvelle page web audio de MAGIX. Vous y découvrirez encore plus d’infos sur ses autres projets, ainsi que de nombreux détails sur le mixage avec Sequoia.


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