Comprendre comment les réponses du cerveau à l’anesthésie évoluent avec l’âge pourra permettre d’offrir des stratégies personnalisées, spécifiques au patient, permettant d’épargner le cerveau grâce à un dosage fin des anesthésiques. Cette connaissance nous permettra de nous rapprocher de soins d’anesthésie dépourvus d’effets indésirables, écrit l’un des auteurs de ces 3 études publiées dans le British Journal of Anæsthesia. 3 études qui précisent en effet les différences d’effets sur le cerveau chez les enfants et chez les personnes âgées.
De récentes études en neurobiologie, d’équipes du Massachusetts General Hospital (MGH) ont révélé à l’EEG, comment les agents anesthésiques peuvent modifier certains signaux électriques du cerveau. Ces premiers résultats qui peuvent déjà contribuer à améliorer les techniques de surveillance de la conscience des patients sous anesthésie générale, ont majoritairement été obtenus chez des jeunes adultes. Il existe donc à ce jour peu de données sur ces effets sur le cerveau de patients âgés ou de jeunes enfants. Ces nouvelles études vont donc contribuer à améliorer la sécurité de l’anesthésie générale chez ces groupes de patients plus fragiles.
Le Dr Emery Brown, professeur au Service d’anesthésie du MGH explique qu’on sait déjà que les doses nécessaires pour obtenir le même état d’anesthésie chez des patients âgés sont à peu près la moitié des doses nécessaires pour des patients plus jeunes. Et si les raisons de ces doses réduites avec l’âge portent plutôt sur la baisse des fonctions cardiovasculaires, respiratoires, du foie et de la fonction rénale, il ne faut pas oublier que les cibles primaires des effets de l’anesthésie sont le cerveau et le système nerveux central. Le Pr Patrick Purdon, du même service, rappelle qu’on en » sait moins » sur les effets des anesthésiques sur le cerveau des enfants, et la norme actuelle d’évaluation est la surveillance des signes vitaux comme la fréquence cardiaque et la pression artérielle. Ce manque de connaissances est particulièrement troublant, compte-tenu de données récentes suggérant une association entre les chirurgies chez l’enfant nécessitant une anesthésie générale et le risque de troubles cognitifs plus tard dans la vie.
Des signatures des niveaux de conscience : Cette équipe de recherche identifie des signatures à l’EEG indiquant le moment où les patients perdent et reprennent conscience et des tracés EEG – appelé oscillations – produits par des agents spécifiques associés à l’inconscience. Ainsi, ils rappellent que chez les jeunes adultes, l’inconscience induite par l’anesthésie est associée à des oscillations de fréquence moyenne (environ 10 Hz), appelées ondes alpha frontales, synchronisées entre le cortex cérébral et le thalamus. On pense que ce modèle d’activation bloque la communication entre ces structures cérébrales.
3 études apportent de nouvelles données sur les effets de l’anesthésie sur le cerveau des patients âgés.
· Une première étude des Drs Brown et Purdon, basée sur les enregistrements EEG de 155 patients âgés de 18 à 90 ans ayant reçu du propofol ou du sévoflurane, révèle que les oscillations EEG des patients âgés sont 2 à 3 fois plus petites que celles des jeunes adultes. La synchronisation entre le cortex et le thalamus se fait sur des fréquences plus faibles chez les patients âgés. Les patients âgés sont plus susceptibles d’atteindre une phase d’anesthésie profonde avec seulement de faibles doses d’anesthésiques.
· Une seconde étude sur l’animal, menée par un autre anesthésiste du MGH, Ken Solt, MD, constate que les animaux plus âgés mettent 2 à 5 fois plus longtemps que les animaux plus jeunes à se remettre de doses anesthésiques égales. L’observation des modèles d’oscillations est similaire à celle de la première étude chez des patients humains.
· Une dernière étude des Drs Purdon et Oluwaseun Akeju, toujours du MGH analyse les tracés EEG de 54 patients allant de l’enfance à l’âge de 28 ans pendant l’anesthésie avec sévoflurane. L’étude constate que les signaux EEG induits par l’anesthésie triplent de puissance de la naissance jusqu’à 6 ans, puis retombent au niveau des jeunes adultes. Les ondes alpha frontales ne sont pas détectées chez les enfants de moins de 1 an, ce qui suggère que leur cerveau ne possède pas encore les circuits de synchronisation entre le cortex cérébral et le thalamus.
Ces différentes études viennent illustrer la nécessité d’une surveillance spécifique à l’âge afin d’éviter au maximum à la fois la neurotoxicité induite par l’anesthésie chez les enfants et le dysfonctionnement cognitif chez les personnes âgées.
Source: British Journal of Anæsthesia, 2015
doi: 10.1093/bja/aev213The Ageing Brain: Age-dependent changes in the electroencephalogram during propofol and sevoflurane general anaesthesia
doi: 10.1093/bja/aev112Ageing delays emergence from general anaesthesia in rats by increasing anaesthetic sensitivity in the brain
doi: 10.1093/bja/aev114 Age-dependency of sevoflurane-induced electroencephalogram dynamics in children
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