Vivre dans un palais
Il y a tout juste un an durant notre road trip marocain, nous avons fait escale dans un lieu magique.
Au coeur de la médina de Fès dans le quartier Andalou et non loin de l’authentique marché de Rcif, le Karawan Riad nous a ouvert ses portes alors qu’il était encore fermé au public.
En exclusivité, nous avons profité du charme de ce lieu colossal et partagé avec les propriétaires l’histoire vivante de cette nouvelle adresse de la ville impériale !
Rare
Le Karawan Riad n’est pas un lieu comme les autres, c’est tout d’abord un bâtiment chargé d’histoire construit au XVIIe siècle qui faisait partie d’un palais d’environ 8 000m2 dont l’ensemble était composé de plusieurs bâtiments et jardins, dont ce riad réservé aux femmes.
Le palais hébergea jadis un Pacha qui s’enrichissait du commerce des caravaniers dont il avait la charge. Malheureusement entre les années 50 et 70, la plupart ou la quasi-totalité des authentiques familles Fassis ont abandonné la cité Idrisside pour rejoindre Casablanca, la nouvelle capitale économique.
Les jardins qui séparaient tous ces bâtiments ont été transformés en habitations «modernes». Au fil du temps, les propriétaires ont été remplacés par des habitants venus des campagnes avec moins de moyens. De ce palais, il ne subsistait donc plus que le riad qui fut à son tour transformé en école dans les années 80 avant d’être occupé par une famille et un imprimeur qui le laisseront à l’abandon.
En 2004, Lionel et Lionnel, deux pilotes de ligne visitent la médina, la plus vaste du Maroc.
Ils découvrent ce riad en ruine néanmoins riche des vestiges du savoir-faire marocain des anciennes demeures de Fès.
Ils tombent sous le charme du lieu et de l’incroyable patio où sont érigées de grandes colonnes surplombées d’une
magnifique Halka [auvent] sculptée en cèdre. Les pilotes décident alors d’en faire l’acquisition ensemble pour réaliser un projet de maison secondaire suffisamment grande pour recevoir leurs amis et les rencontres faites lors des escales aux quatre coins du monde.
C’est à mesure de la restauration et de la qualité des travaux engagés que les Lion(n)els décident en 2010, de transformer cette résidence secondaire en maison d’hôtes tout en conservant l’idée originelle d’en créer un lieu de rencontres et d’échanges entre les visiteurs.
Le projet d’une vie
Leur histoire rappelle la citation de Mark Twain « ils l’ont fait car ils ne savaient pas que c’était impossible ».
Pendant 10 ans, dès lors qu’ils le peuvent, les deux Lion(n)els se rendent alternativement à Fès pour manager les artisans locaux. Lionel devient alors maître d’ouvrage avec tous les aléas que cela comporte pour façonner le lieu à leurs envies en respectant le subtil mélange de traditions et de modernité.
Grâce à leurs voyages, les Lion(n)els étudient et se documentent sur les constructions traditionnelles en Orient et glanent des informations un peu partout pour les transmettre aux ouvriers et aux malems [apprentis]. Notamment certains savoir-faire en voie de disparition comme les Badgir, une sorte de climatisation naturelle, qu’ils ont découvert en Iran.
Cette culture architecturale vieille du IIIe millénaire avant J.C consiste à capter le vent grâce à des cheminées pour ventiler chaque pièce selon un procédé simple : l’air ambiant est canalisé dans des colonnes creusées dans le mur puis il est humidifié par des matières poreuses pour qu’il descende jusqu’au sous-sol où se trouve un bassin d’eau qui le rafraichit avant d’être redistribué dans les étages par une fente située au niveau du sol. L’air qui en sort « peut tout à fait rafraîchir une bière au passage » comme le précise curieusement l’explorateur Richard Francis Burton dans son livre Unhappy Valley écrit en 1855.
En 2008, Valérie la compagne de Lionel arrête son travail au ministère des affaires étrangères pour se consacrer pleinement à la bonne marche de l’entreprise et donner naissance à l’esprit « Karawan ».
« Nous nous sommes intéressés à un sujet peu traité, les caravanes sur la route du sel qui circulent de l’Afrique noire à l’Europe en passant par le Sahara et la Méditerranée. Fès est directement concernée. La maison était celle d’un Pacha dont la charge était le commerce des caravanes. Le thème était tout trouvé. »
Valérie s’inspire de la littérature arabe et des récits d’explorateurs du XVIIIe et du XIXe siècle pour diriger Stéphanie Lanskin, styliste de métier en charge de la décoration des sept suites et des salons du riad.
Ensemble, elles vont chiner des objets et des tissus élégants pour les marier avec ceux accumulés pendant plusieurs décennies de voyages et décorent de façon unique les volumes de cette demeure dans un style ethno-contemporain.
« Le choix du style s’impose de par la structure même du bâtiment. Il est simple mais son siècle nous contraint. Nous voulons quelque chose qui nous ressemble. Notre vie est nomade tant sur un plan personnel que sur le plan professionnel. Le monde est le nôtre et nous nous l’approprions. »
Havre de paix
Passée la porte du Karawan Riad, le temps s’arrête et le joyeux tintamarre de la médina disparaît.
Le riad est une invitation à l’évasion. De nombreux ouvrages sont à disposition dans le salon des voyageurs et le bureau privatif de chaque suite est propice au calme et à la réflexion.
Derrière les bāb [portes] massives du patio se cachent aussi un spa et un restaurant.
La cuisine d’inspiration « fusion » est riche en couleur et en goût, le chef étonne les convives avec des mélanges de saveurs audacieux toujours agrémentés de suggestions orientales. Un vrai régal de l’entrée au dessert et une réelle originalité pour la ville impériale où l’on vous propose rarement ce genre de cuisine.
Le salon de thé « Ispahan » est déjà ouvert au public et propose une sélection de thés Mariage Frères et de délicieuses pâtisseries maison. L’occasion de s’offrir une pause raffinée dans le patio ou sur le toit-terrasse qui domine toute la médina et offre un magnifique panorama sur Fès la prestigieuse.
Vous l’aurez compris, les voyageurs retrouveront ici toutes les attentions de l’hôtellerie de luxe dans un cadre authentique propice au dépaysement.
Nous avons été conquis par le Karawan Riad, par son style unique, son ambiance chaleureuse et la passion des acteurs qui ont donné vie à ce projet. C’est avant tout une histoire humaine, à laquelle le visiteur est invité à prendre part, un véritable concept à l’opposé de hôtellerie de luxe impersonnelle.
Au-delà de la maison d’hôtes, le Karawan Riad est voué à un bel avenir culturel et accueillera des manifestations locales ou des expositions.
Informations et contact : www.karawanriad.com
Karawan Riad
21 rue Ourbia
Makhfia Fès Medina
Texte : Nicolas Salet + Emma
Photos : © Nicolas Salet