Blood and Oil est une nouvelle série de 13 épisodes diffusée depuis la fin septembre sur les ondes d’ABC aux États-Unis et CTV au Canada. Au tout début, on y suit le couple formé de Billy (Chance Crawford) et de Cody (Rebecca Rittenhouse) LeFever qui vient tout juste de quitter son patelin natal dans le but d’ouvrir plusieurs buanderies dans un village du Dakota du Nord qui est en plein boom pétrolier. Mais voilà qu’un imprévu les laisse complètement fauchés et Billy se trouve un médiocre emploi dans une pétrolière. C’est sa rencontre peu de temps après avec son richissime propriétaire Hap Briggs (Don Johnson) qui pourrait bien changer le cours de sa vie. ABC a décidé de ne pas en démordre et d’offrir à son public les dimanches soirs un soap, dans la continuité de Revenge s’étant terminé l’année dernière. Cependant, Blood and Oil n’arrive pas à la cheville de sa prédécesseure dans la mesure où on note un manque criant d’intrigues et de personnages à la hauteur. De plus, c’est à se demander si en 2015, une saga pétrolière a encore sa place dans nos écrans.
De trop à néant
Lorsque Cody et Billy sont victimes d’un accident de la route, c’est toute leur cargaison de machines à laver qui se brisent et en raison de tous les prêts consentis par leurs proches, leur orgueil les pousse à rester dans la ville de Rock Springs et d’y faire fortune… différemment. En effet, il y a de belles opportunités étant donné le développement rapide de la région dû à l’or noir qui jaillit de partout. Justement, Cody dont la stabilité est plus importante que jamais depuis qu’elle vient d’apprendre qu’elle est enceinte, entend entre les branches que le ranch McCutching, regorge de pétrole et Billy, usant de plusieurs entourloupettes réussit à s’approprier le territoire, mais pour cela conclut une entente avec Hap. Le fils de ce dernier, Wick (Scott Michael Foster) en est fortement jaloux, au point ou un soir avec des complices, il prévoit (muni d’une cagoule) de voler une importante cargaison de pétrole Briggs, mais son père et Billy arrivent sur les lieux au même moment et s’ensuit un violent incendie qui heureusement fait plus de peur que de mal. Reste que c’est désormais le shérif de la ville qui mène l’enquête et que l’étau se resserre.
De tous les genres que l’on peut attribuer à une fiction, Blood and Oil est sans conteste un soap… par défaut. En effet, certaines intrigues dont la lutte du pouvoir, l’argent qui coule à flot, les querelles intestines au sein d’une famille, les retournements d’alliance et évidemment les histoires de couchette s’apparentent à ce genre, mais sont très mal développées dans la nouveauté d’ABC. Le principal problème vient du fait que les personnages principaux manquent de panache d’autant plus qu’ils ne sont pas assez nombreux. Les Briggs sont les seuls à posséder une fortune quelconque si bien qu’après trois épisodes, on n’a trouvé aucun rival de leur trempe capables de s’opposer réellement à leurs desseins. Le fils d’Hap, Wick, a beau jouer aux rebelles dans le pilote, c’est davantage un pleutre qui a tôt fait de rentrer dans le rang et quant à sa sœur Lacey (Miranda Rae Mayo), terne, on ne s’intéresse pour le moment qu’à elle parce qu’elle couche avec le chauffeur de la famille A.J. Menedez (Adan Canto), lequel espionne les Higgs pour on ne sait qui.
Le soap est aussi un terreau fertile à des rôles féminins marquants; pensons justement à Emily Clarke et à Victoria Grayson de la défunte Revenge ou à Cookie d’Empire, qui dès leurs premières répliques, avaient tôt fait d’annoncer leur couleur. On est rapidement déçu avec Blood & Oil. Cody ne fait preuve d’aucune espèce d’ambition sinon sa volonté d’avoir un toit convenable pour son enfant à naître et reste Carla (Amber Valletta), la seconde épouse d’Hap, qui est certes une tête forte, mais beaucoup trop dans l’ombre de son mari et pour le moment pas assez glamour. En effet, de manière plus générale, le faste fait défaut ici alors que l’on évoque des fortunes colossales, mais visuellement, dénué de diamants, Rolls-Royce ou de vêtements de marque; une véritable déception pour les amateurs du genre.
Les intrigues sont à l’image de toutes ces faiblesses, c’est-à-dire peu engageantes. On ne sait toujours pas sur quel arc narratif s’appuyer pour nous donner envie de se rendre jusqu’à la fin de la saison. L’enquête concernant celui qui a menacé Hap est une fausse distraction tandis qu’on termine l’épisode #2 sur une note totalement insipide, indigne d’un soap américain qui se doit de carburer aux cliffhangers. Quand finalement on a quelque chose d’intéressant à se mettre sous la dent, nous sommes malheureusement rendus à la toute fin de l’épisode #3. Avec toute la compétition télévisuelle que l’on connaît, trop peu trop tard?
Le western de 2015
Dynastie; Dallas; ces soaps de luxe qui ont ralliés des millions de téléspectateurs durant plus d’une décennie mettaient toutes deux en avant-plan des familles richissimes tirant la majorité de leurs revenus de l’exploitation du pétrole. Comme si le remake de Dallas en 2012 sur TNT n’avait pas été un avertissement suffisant (annulée après seulement deux saisons), plus de vingt ans après ces créations originales, ABC base encore son concept sur l’or noir. S’il est vrai que le boom pétrolier est d’actualité au Dakota du Nord, la mise en scène dans la série nous offre un portrait en décalage avec son temps, mettant l’accent sur des images qui parlent davantage au niveau de la mémoire collective, mais qui n’ont aucun sens en 2015. Les protagonistes à chapeaux de cowboys qui boivent du whisky, le shérif avec son blouson brun qui tire en l’air dans son ranger; même Rock Springs avec ses tavernes et ses têtes d’orignal sur les murs a des allures de ville fantôme. Ses habitants désirent tant faire fortune qu’ils couchent sous des tentes crasseuses comme au temps de la ruée vers l’or du Klondike plus d’un siècle auparavant et notons aussi que l’usage de la technologie (iPhones, ordinateurs, etc.) y est minimal, que les plus importantes ententes financières se font encore à coup de poignées de main et que c’est seulement dans ce contexte archaïque qu’on puisse avaler la prémisse de départ : Billy et Cody se rendant dans cette ville pour y faire fortune… dans l’industrie des machines à laver.
Alors que Quantico, l’autre nouveauté d’ABC lancée le même jour dans la case horaire suivante a déjà trouvé son erre d’aller, le fossé se creuse pour Blood & Oil. Après avoir connu départ correct avec 6,36 millions de téléspectateurs et un taux de 1,4 chez les 18-49 ans, on est passé à 5,27 (taux 1,3) en deuxième semaine et à 3,91 (taux 0,9); ce qui est clairement insuffisant. Même Vengeance qui a connu ses pires scores les dimanches durant sa dernière saison n’est que très rarement tombée aussi bas. À ce stade-ci, il faudrait qu’ABC nous donne plus de sang et moins d’huile parce qu’on sent déjà l’annulation poindre à l’horizon.