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Tattooed!!

Publié le 21 octobre 2015 par Emmanuel S. @auxangesetc

C’est fait. Depuis lundi 19 octobre 2015, je suis tatoué.

J’en rêvais depuis mes 17 ans et mes premières visites dans les salons de tatouage lyonnais.

J’entre donc dans la catégorie « camionneur » pour les uns, « metrosexuel » pour les autres, voire « rebelle« . Je vais probablement rencontrer la même incompréhension chez certains face à ce geste rédhibitoire que celle rencontrée lors de la perte de mes jumeaux. Et bien, en toute honnêteté, je m’en moque éperdument.

Mon projet initial a vécu. Dommage, ça avait vraiment de la gueule: un tatouage tribal partant du poignet, remontant l’avant-bras et le bras puis l’épaule pour venir se terminer à la base du cou. Magnifique, classe, élégant, viril. La seconde option était un dragon dans tout le dos. Mais je ne suis pas un Yakuza, donc j’ai laissé tomber.

Finalement, l’âge de la raison approchant pour moi (si si, bientôt), j’ai fait plus sobre. Un tatouage symbolisant mes jumeaux partis trop tôt. Ma femme m’a même encouragé à le faire. Elle avait déjà accepté le principe du tatouage avant que notre vie ne soit changée à jamais. Elle y a vu le même symbole que moi et a donc transformé mon envie en acte irrémédiable et irréversible.

Le choix du symbole n’a pas été facile. J’avais beaucoup d’idées, beaucoup d’envies, beaucoup de symboles en tête. Mais tout cela était confus dans ma petite tête et assez éloigné du côté graphique et sobre que j’envisageais. La rencontre avec Karina, tatoueuse talentueuse sensible au deuil et aux conséquence de la mort des être aimés, de chez Anomaly (clic), a permis naturellement de choisir. Elle a tout de suite compris. Compris ce que ce tatouage représentait, compris le symbole que je voulais, compris le symbole qu’il fallait. Elle m’a même sensibilisé aux conséquences, tant pour moi que pour ma femme. Bref, pour résumer, elle a tout compris. Je ne regrette pas les heures passées sur Internet à chercher LE tatoueur. En fait, il me fallait LA tatoueuse.

Au final, le choix se porta sur des colombes. 2 colombes, inséparables, unies à la vie à la mort, comme le furent mes jumeaux durant leur court passage sur terre, comme ils l’étaient dans le ventre de leur mère, et comme ils le sont toujours au paradis des anges.

Les colombes sont bien sûr symbole de la paix, je ne vous apprends rien (du moins, je l’espère). Cette paix intérieure qui me fuit, en raison de mon impuissance pour sauver ma famille que je ne me pardonne toujours pas bientôt 2 ans après. Seulement 2 ans après. Cette paix avec la vie que je refuse tellement la mort m’a envahie. Seule ma princesse fait revivre cette lueur d’espoir d’une vie meilleure. Cette paix avec les autres à qui je ne pardonne toujours pas leurs actes odieux ou leurs paroles volontairement blessantes au moment où je me battais pour trouver une seule bonne (ou même mauvaise) raison de vivre.

Le choix de l’endroit a aussi été source d’interrogations et de tergiversations. Je suis resté sur mon envie initiale: l’avant bras. A gauche, exceptionnellement. La raison est simple: c’est du côté du cœur. J’ai hésité un temps avec les côtes. Mais l’idée étant notamment d’avoir mes jumeaux avec moi pendant mes compétitions, l’avant bras s’imposait naturellement. Ils seront ainsi non seulement avec moi pendant toute la durée de chaque compétition à laquelle Dieu me permettra de participer, mais aussi avec moi sur les photos souvenir, ce qui était primordial pour moi.

La séance n’a pas été une partie de plaisir. A peine l’aiguille plantée dans mon bras pour atteindre l’épiderme et les deux premières lignes tracées, je me suis senti mal. Je me suis surtout pris, pleine tête, tout ce que j’avais enfoui depuis bientôt 10 mois et la naissance ma princesse. Je me suis toujours refusé à mélanger mes jumeaux et ma princesse. Elle est là et je profite de chaque instant possible avec elle. Et elle n’a pas à subir ma peine éternelle alors que la joie m’envahit quand je suis avec elle. Mais le quotidien, la fatigue, l’exigence et le temps que demande un petit bébé, la reprise du boulot de ma femme, ont fait passé mes jumeaux à une intériorisation certaine. Le début de la séance fait ressortir tout cela, toute la peine que je ressens depuis leur départ, le manque de mes fils, leur absence toujours aussi inssuportable comme au premier jour, ma culpabilité d’avoir été aussi impuissant face à leur sort. C’est un 33T que je me prends dans la tête. J’opte donc pour la position couchée pour le tatouage qui me permet d’éviter les tourbillons qui ont lieu dans ma tête.

Ajoutez à cela ma sainte horreur des aiguilles (je refuse les cathéters pendant mes hospitalisation, je mets 2 ans à faire mes analyses de sang…), et vous avez le cocktail du parfait calvaire psychologique.

Bien sûr, ce tatouage est personnel, un symbole indélébile de la cicatrice avec laquelle j’apprends à vivre depuis 2 ans. Cela me permet d’avoir mes jumeaux avec moi plus que par la seule pensée et la seule religion. De les avoir avec moi sur les courses. De les avoir avec moi tout le temps. C’est une marque pour conjurer la mort en vie, pour transformer leur absence en présence, pour faire d’un désespoir un espoir.

C’est pour cela que, quand mon tatouage a dû être repoussé de 15 jours, je l’ai mal vécu. Je suis retombé dans mes faiblesses et l’absence du tatouage n’a fait que raviver l’absence de mes jumeaux. Je crois que j’avais sous-estimé l’importance de ce tatouage pour moi et pour ma femme. Je ne regrette encore moins mon choix maintenant qu’ils sont là, avec (sur) moi.

Je vous laisse admirer le travail d’artiste, la finesse du trait, la beauté du dessin, la parfaite symétrie, l’expression d’un deuil qui ne se terminera jamais.

Tattoo_3
Tattoo_2
Tattoo_1

24h après, les traits s’affinent un peu plus et le surprlus d’encre commence à partir (mais l’avant-bras reste bien enflé!):

Tottoo_4

Quand ma princesse sera plus grande, elle voudra peut être elle aussi son tatouage. La place est déjà réservée: sur la poitrine, au niveau du cœur. En réalité, j’ai déjà en tête ce que je voudrais faire. Reste plus qu’à convaincre ma princesse (et ma femme parallèlement, c’est elle qui décide de tout, je ne fais qu’exécuter).

Le plus dur pour moi, maintenant que j’ai franchi le pas, va être de m’arrêter là…

Quant à ma femme, aucun tatouage ne sera assez beau ni assez grand pour symboliser tout l’amour que j’ai pour elle, un amour que même la mort ne pourra jamais m’enlever.


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