Alors que se déroule à Bonn la dernière phase de négociation préparatoire à la COP21, le sommet sur le climat qui ouvrira au Bourget le 30 novembre, deux cents scientifiques de haut niveau appellent à « un moment de vérité pour le climat et le développement durable ». Sous ce titre chargé de solennité, ils jettent un pavé dans la mare des négociations sur le dérèglement climatique. Les politiques envisagées pour rediriger l’économie mondiale vers les activités peu émettrices en CO2 doivent aussi servir de levier pour sortir de la crise et soutenir le développement des pays pauvres. Sinon, elles risquent de se révéler inefficaces et injustes, et donc, seront rejetées par les sociétés.Pour ces chercheurs, dont 71 auteurs principaux du Giec et le prix Nobel d’économie Kenneth Arrow, il faut reconnaître « la valeur économique et sociale des actions de réduction du CO2 » et l’intégrer dans diverses initiatives. Le but recherché est très ambitieux : « rediriger l’épargne des ménages, les fonds de pension, les systèmes d’assurance et les fonds souverains vers des investissements bas carbone de long terme ».Mediapart avait révélé fin septembre l’existence de ce texte, alors en cours de signature dans les milieux des chercheurs internationaux impliqués dans les sujets climatiques. Cette fois-ci, l’appel est finalisé, publié sur la liste du réseau international de chercheurs LCS-RNet, qui réunit des équipes des pays du G7 et émergents. La liste des signataires s’est enrichie. Ils sont désormais 200 scientifiques spécialisés en économie et en sciences sociales à endosser cet appel inédit. On y trouve plusieurs Français : Jean-Charles Hourcade, ex-directeur du Cired, à l’initiative de l’appel, mais aussi Michel Aglietta, Gaël Giraud, Claude Henry (ancien enseignant à Polytechnique), Roger Guesnerie (Collège de France), François Bourguignon (ancien chef économiste de la Banque mondiale), Michel Colombier (Iddri), Patrick Criqui, Marc Fleurbaey (Princeton) et Alain Ayong Le Kama (Paris-Ouest, Nanterre, La Défense).
Surtout, ils proviennent pour une grande part de pays en développement (22 signataires viennent d’Afrique, dont 12 d’Afrique subsaharienne ; 14 d’Amérique latine ; 29 d’Asie, dont 6 de Chine et 9 d’Inde). Cette diversité géographique compte beaucoup dans les milieux qui suivent les négociations sur le climat, très structurés par l’enjeu des inégalités entre pays riches et pays pauvres – un sujet à vif, comme l’a révélé l’ouverture lundi à Bonn de la nouvelle session de négociation. À l’inverse, autour de la pétition en faveur de la création d’un prix unique du carbone, emmenée par le prix Nobel Jean Tirole et l’économiste Christian de Perthuis, on ne compte que trois auteurs venus de pays en développement (contre 52 signatures françaises).

La dernière semaine de discussion pour préparer un accord international contre le dérèglement climatique avant l’ouverture du sommet de Paris vient d’ouvrir dans une grande tension à Bonn. Les pays en développement, représentés par le G77 + la Chine, ont accusé les deux coprésidents de la négociation, l’Algérien Ahmed Djoghlaf et l’Américain Daniel Reifsnyder, d’avoir produit un texte au service des intérêts des pays riches. Dans ce contexte, l’appel des 200 scientifiques pourrait être utilisé par les représentants du G77 pour renforcer leurs propositions sur le partage du fardeau financier de la transition vers un monde moins émetteur de gaz à effet de serre.http://www.mediapart.fr/journal/international/211015/climat-200-scientifiques-appellent-un-moment-de-verite