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Climat : 200 scientifiques appellent à « un moment de vérité »

Publié le 22 octobre 2015 par Blanchemanche
#COP21 #climat


21 OCTOBRE 2015 |  PAR JADE LINDGAARDIl faut reconnaître « la valeur économique et sociale des actions de réduction du CO2 », alertent ces chercheurs. Sinon, les politiques climatiques risquent de se révéler inefficaces et injustes, et seront rejetées par les sociétés.


Alors que se déroule à Bonn la dernière phase de négociation préparatoire à la COP21, le sommet sur le climat qui ouvrira au Bourget le 30 novembre, deux cents scientifiques de haut niveau appellent à « un moment de vérité pour le climat et le développement durable ». Sous ce titre chargé de solennité, ils jettent un pavé dans la mare des négociations sur le dérèglement climatique. Les politiques envisagées pour rediriger l’économie mondiale vers les activités peu émettrices en CO2 doivent aussi servir de levier pour sortir de la crise et soutenir le développement des pays pauvres. Sinon, elles risquent de se révéler inefficaces et injustes, et donc, seront rejetées par les sociétés.Pour ces chercheurs, dont 71 auteurs principaux du Giec et le prix Nobel d’économie Kenneth Arrow, il faut reconnaître « la valeur économique et sociale des actions de réduction du CO2 » et l’intégrer dans diverses initiatives. Le but recherché est très ambitieux : « rediriger l’épargne des ménages, les fonds de pension, les systèmes d’assurance et les fonds souverains vers des investissements bas carbone de long terme ».Mediapart avait révélé fin septembre l’existence de ce texte, alors en cours de signature dans les milieux des chercheurs internationaux impliqués dans les sujets climatiques. Cette fois-ci, l’appel est finalisé, publié sur la liste du réseau international de chercheurs LCS-RNet, qui réunit des équipes des pays du G7 et émergents. La liste des signataires s’est enrichie. Ils sont désormais 200 scientifiques spécialisés en économie et en sciences sociales à endosser cet appel inédit. On y trouve plusieurs Français : Jean-Charles Hourcade, ex-directeur du Cired, à l’initiative de l’appel, mais aussi Michel Aglietta, Gaël Giraud, Claude Henry (ancien enseignant à Polytechnique), Roger Guesnerie (Collège de France), François Bourguignon (ancien chef économiste de la Banque mondiale), Michel Colombier (Iddri), Patrick Criqui, Marc Fleurbaey (Princeton) et Alain Ayong Le Kama (Paris-Ouest, Nanterre, La Défense).
Surtout, ils proviennent pour une grande part de pays en développement (22 signataires viennent d’Afrique, dont 12 d’Afrique subsaharienne ; 14 d’Amérique latine ; 29 d’Asie, dont 6 de Chine et 9 d’Inde). Cette diversité géographique compte beaucoup dans les milieux qui suivent les négociations sur le climat, très structurés par l’enjeu des inégalités entre pays riches et pays pauvres – un sujet à vif, comme l’a révélé l’ouverture lundi à Bonn de la nouvelle session de négociation. À l’inverse, autour de la pétition en faveur de la création d’un prix unique du carbone, emmenée par le prix Nobel Jean Tirole et l’économiste Christian de Perthuis, on ne compte que trois auteurs venus de pays en développement (contre 52 signatures françaises).
Laurent Fabius quitte la conférence de Bonn sur le climat, le 20 octobre. (©ONU)Laurent Fabius quitte la conférence de Bonn sur le climat, le 20 octobre. (©ONU)Pour mettre en œuvre la proposition des signataires du « moment de vérité », les États pourraient, par exemple, accorder une garantie publique à une quantité totale de carbone « abattue », c’est-à-dire non émise, et évaluée à un prix donné. Les investisseurs pourraient rembourser les prêts reçus non en cash mais en certificats carbone dûment certifiés par une autorité indépendante, comme dans le cadre du mécanisme de développement propre (issu du protocole de Kyoto).Ces certificats carbone seraient acceptés par les banques centrales, qui les transformeraient en actifs et les inscriraient sur leur balance des comptes comme elles le font pour l’or, par exemple. Cela revient à émettre du crédit, donc de la monnaie, sous condition qu’elle soit dédiée aux projets « bas carbone » (retrouver ici notre article d’explication plus complet).Quel effet ce texte peut-il avoir sur la COP21 ? Ses initiateurs souhaitent voir intégrer au futur accord de Paris une référence à « la valeur économique et sociale des actions volontaires d’atténuation [réduction du CO2 – ndlr] ». Ensuite, tout restera à faire. À plus long terme,« cette phrase est décisive pour que les mécanismes de financement qui devront être mis en place au service des objectifs de réduction du CO2 ne soient pas arbitraires, explique Jean-Charles Hourcade. Aussi pour qu’ils ne deviennent pas une source de phénomènes spéculatifs, et intègrent tous le même principe directeur et les mêmes règles. Cela concerne le Fonds vert pour le climat mais surtout, la nécessaire réorientation massive vers les investissements bas carbone d’une épargne mondiale qui va aujourd’hui ailleurs, y compris dans les placements spéculatifs ».
La dernière semaine de discussion pour préparer un accord international contre le dérèglement climatique avant l’ouverture du sommet de Paris vient d’ouvrir dans une grande tension à Bonn. Les pays en développement, représentés par le G77 + la Chine, ont accusé les deux coprésidents de la négociation, l’Algérien Ahmed Djoghlaf et l’Américain Daniel Reifsnyder, d’avoir produit un texte au service des intérêts des pays riches. Dans ce contexte, l’appel des 200 scientifiques pourrait être utilisé par les représentants du G77 pour renforcer leurs propositions sur le partage du fardeau financier de la transition vers un monde moins émetteur de gaz à effet de serre.
http://www.mediapart.fr/journal/international/211015/climat-200-scientifiques-appellent-un-moment-de-verite

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