Illustration médicaments - AIRIO/LEHTIKUVA OY/SIPAProfesseure en biologie et spécialiste des questions de santé publique, la députée européenne EELV Michèle Rivasi sort la sulfateuse face à l’industrie du médicament, dans un livre
Le racket des laboratoires pharmaceutiques, et comment s’en sortir, à paraître jeudi 22 octobre…
Votre livre s’intitule le « racket » des laboratoires. Comment le justifiez-vous ?
C’est un vrai racket. A l’heure actuelle, 99 % de la formation des médecins est payée par l’industrie pharmaceutique. 90 % des publications des médecins le sont. Les agences sanitaires qui payent les évaluateurs sont également payées par l’industrie pharmaceutique. Ils sont partout. Et nous, on n’a que nos yeux pour pleurer en espérant ne pas tomber malade parce qu’il y a une démission des politiques.
Si vous étiez Marisol Touraine, que feriez-vous aujourd’hui ?
Première chose, je demande à
la haute autorité sur la transparence et la vie publique de contrôler tous les fonctionnaires et leurs conflits d’intérêts. Après je créerais un comité d’experts indépendants qui évalue les médicaments. Ensuite, sur les médicaments à plus de 1.500 euros la boîte, j’imposerais la licence obligatoire pour demander à plusieurs laboratoires pharmaceutiques de fabriquer les molécules. Il faut aussi réorienter la recherche vers les besoins thérapeutiques et non le profit exclusif.
Selon vous, certains médicaments ne servent strictement à rien ?
Exactement. Énormément ne servent à rien. Quand le brevet expire, les labos trouvent un médicament très voisin, il est remboursé alors que le code de la Sécurité sociale indique qu’on ne doit pas rembourser un médicament qui n’a pas de valeur ajoutée. Ce n’est pas appliqué et ce n’est pas normal.
Pour quelle raison selon vous ? Est-ce une hypocrisie de la part des autorités ?
Je dirais que c’est une connivence. C’est lié au chantage que font les labos par rapport à l’emploi. On a aussi des ministres très liés aux labos, même si ce n’est pas le cas de Marisol Touraine.
Vous parlez de dérive financiariste. Mais peut-on vraiment reprocher à l’industrie pharmaceutique de faire des profits ?
Oui, mais l’industrie pharmaceutique est la première industrie mondiale quand on voit ses bénéfices par rapport à son chiffre d’affaires. Une des conséquences est que 70 % des dividendes reviennent aux actionnaires. Elles investissent moins au niveau de la recherche, elles délocalisent en Inde ou en Chine leur production…
Pourquoi les génériques sont-ils plus chers en France qu’en Italie ?
Parce qu’il n’y a pas d’appels d’offres en France. On limite la vente des génériques. C’est la faute de l’Etat qui doit imposer des appels d’offres. Après il y a l’utilisation des génériques.
On en utilise très peu en France. Il y a une pratique des médecins qui préfèrent utiliser le
princeps que le générique. Pourquoi ? Parce qu’il y a énormément de visiteurs médicaux qui poussent à cela. En disant que le générique est moins bien parce qu’il rapporte moins aux labos.
Vous dénoncez aussi un problème de surprescription…
Oui, grosso modo, vous avez 7 médicaments par ordonnance alors qu’il y en a 2 aux Pays-Bas. En France, on culpabilise aussi beaucoup le patient. On active les peurs des gens pour les obliger à prendre tel ou tel médicament ou vaccin. Le Gardasil par exemple, c’est incroyable.
Je n’ai jamais entendu un président de la République (François Hollande)nommer un médicament pour vacciner les jeunes filles.
Dans votre position de députée européenne, comment pouvez-vous agir ?
Moi je me bats contre les conflits d’intérêts. On a un levier très fort avec l’agence européenne de médicament. On peut ne pas voter les subventions européennes. On avance sur la transparence des études cliniques.
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