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Manipulation

Publié le 22 octobre 2015 par Malesherbes

Je viens d'assister à l'exposé d'un thésard en linguistique qui avait pris, comme sujet d'étude de la communication télévisuelle, l'enregistrement d'une émission C dans l'air. Il a constaté que le plateau semblait équilibré. Autour d'Yves Calvet, ce plateau réunissait un membre de la rédaction du Figaro Magazine, un autre de celle de l' Observateur, un journaliste et Maître Philippe Bilger, magistrat en retraite. Yves Calvi lançait le débat en faisant état de la sidération quasi-générale qui avait accueilli la mise en examen de l'ancien président Nicolas Sarkozy dans ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire Bettencourt. Je remarquai qu'ainsi l'animateur négligeait une règle s'imposant à tout journaliste : au lieu de traiter un fait, la mise en examen de Nicolas Sarkozy, il s'attachait à examiner des opinions, celles des personnes sidérées par cette décision.

Alors que presque tous les participants discouraient sur le caractère exceptionnel de cette mise en examen, c'est Maître Bilger qui provoqua la surprise en justifiant cette décision avec des arguments juridiques. Classé à droite, considéré comme généralement favorable à l'ancien président, voilà qu'il venait jouer les trouble-fêtes en rejoignant le camp des adversaires de Nicolas Sarkozy. On l'avait invité à titre d'expert, afin qu'il apportât la caution du professionnel tout auréolé d'autorité, et il se mettait à soutenir la thèse inverse de celle apparemment préférée par l'arbitre du débat. On tenta alors de le discréditer, arguant qu'il ne s'était prononcé ainsi que par un réflexe corporatiste. Tel est le sort des experts. Si, forts de leur expérience, ils soutiennent la thèse en cause, nul ne saurait mettre en doute leur compétence. Par contre, s'ils sapent la position privilégiée, ils sont accusés de plaider pour leur chapelle.

Pour reprendre le contrôle des échanges, l'animateur affiche alors le témoignage d'un téléspectateur s'indignant de l'injure ainsi faite à un ancien président de la république, traité comme n'importe quel justiciable. Combien des téléspectateurs auront-ils noté qu'il s'agissait non d'une intervention quelconque mais plutôt d'une réaction choisie avec soin parmi toutes celles adressées à l'émission ?

Au contraire, dans un véritable souci d'information, il eut fallu se féliciter du fait que, dans notre démocratie, on pouvait constater que la loi s'appliquait à tout un chacun, fût-il même ancien président. On eut d'ailleurs été en parfaite harmonie avec les nobles paroles prononcées par le candidat Sarkozy à Tours, le 10 avril 2007, noyées dans une marée d'anaphores : " Il ne faut pas être candidat à la Présidence de la République si l'on n'est pas prêt à s'imposer davantage de devoirs que les autres. Parce qu'un Président de la République c'est quelqu'un qui n'a pas plus de droits, plus de privilèges et moins de devoirs. Mais quelqu'un qui au contraire a moins de droits, moins de privilèges que quiconque et plus de devoirs . "


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