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L’État aide les taxis contre votre avis et avec votre argent

Publié le 23 octobre 2015 par H16

Bon, l’État n’est pas parfait, convenons-en. Mais il a quand même quelque chose pour lui, c’est son indéniable côté justicier qui lui permet de remettre un peu l’église la mosquée la mairie au milieu du village et de rappeler aux Libéraux, ces rêveurs qui poursuivent « une utopie qui se saborde dès qu’elle est en contact avec la réalité », selon le mot maintenant célèbre d’un exégète du libéralisme journalistico-compatible, que sans lui, ils seraient bien enquiquinés dans leur monde injuste où règnerait à n’en pas douter la loi du plus fort.

Heureusement, donc, l’État est là, ce qui lui permet de rendre justice, embrasser la Veuve, instruire l’Orphelin et redresser les torts, à grands coups de pied au derche s’il le faut.

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Prenez la « nouvelle économie », ou disons plus exactement pour éviter d’utiliser ce concept un peu creux, l’économie capitaliste habituelle qui utilise les technologies de l’information pour se passer de l’État : en s’introduisant progressivement un peu partout, y compris dans le domaine de la solidarité, ces nouvelles entreprises offrent des gains de productivité, de nouveaux modes de consommations et de nouveaux développements commerciaux qui viennent percuter de façon directe (et parfois violente) les petites habitudes de nos sociétés post-industrielles dont beaucoup se sont accommodées d’un rythme d’adaptation assez pépère aux innovations techniques. Ici, on peut bien sûr penser aux hôteliers, aux restaurateurs ou, si l’on veut monter crescendo en violence, aux taxis dont quelques croupières sont actuellement taillées par des entreprises comme Uber.

Et pour tailler, ça taille puisqu’avec l’arrivée d’Uber en France en général et à Paris en particulier, ce sont des quasi-monopoles installés depuis des décennies (en tout bien tout honneur, n’est-ce pas) qui se sont fait rapidement remettre à leur place. Nul doute que les chiffres d’affaires des principales centrales de taxis parisiens ont ressenti les effets de l’arrivée des VTC Uber puis d’UberPop dans la capitale, poussant leurs chauffeurs à des exactions relatées dans ces colonnes.

cat wait what
Mais mais mais attendez quelques secondes ! Une corporation en danger ? Des petits arrangements entre amis, qui remontent à loin, sont le cul dans les ronces ? C’est intolérable ! Vite, il faut que l’État intervienne, pardi ! Après tout, n’est-ce pas le rôle de l’État de venir en aide aux faibles et aux opprimés ? Et qui, mieux que la corporation des taxis, représente mieux les faibles et les opprimés devant les conducteurs Uber et UberPOP ?

C’est décidé, et l’action se déroulera en deux temps, trois mouvements, ou à peu près.

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Déjà, pour commencer, il s’agira de revoir de fond en comble les lois et les décrets histoire de museler une application qui rendait les clients heureux et permettait de résoudre un vrai problème (celui de trouver des moyens de transports efficaces, sûrs et peu coûteux dans une capitale mise en coupe réglée par un nombre volontairement limité et contrôlé de taxis). Pour cela, il suffira de faire gratter une solide loi par un député irréprochable, par exemple Thévenoud. Question immaculé conception, y’a pas plus blanc. Cette loi rendra particulièrement complexe le bon développement et la croissance des VTC, tout en mettant un frein définitif aux tentatives d’utiliser sa voiture particulière pour arrondir ses fins de mois (via UberPoP).

Dans un second temps, parce que justice doit être faite et parce que les contribuables sont d’humeur badine, l’État ira mobiliser une partie de leur argent pour développer puis déployer une application directement concurrente à celles déjà en place. Oui, monsieur, c’est bien là le rôle de l’État de se lancer dans les applications mobiles ! Oui d’abord, et même qu’ensuite c’est bien évidemment le rôle de l’État de favoriser une corporation et ses lobbies, même que je vous ferai dire que de toute façon, cette application était justement envisagée dans la loi Thévenoud évoquée juste avant (ça tombe bien, non ?). Nananère.

Et voilà comment vous, contribuables, participez directement à la création de Le.Taxi, petit bijou de technologie moderne et innovante développé — pour un budget pour le moment inconnu — par la Délégation à la Sécurité et à la Circulation Routières ainsi que l’indispensable Secrétariat Général pour la Modernisation de l’Action Publique, parce qu’en République Française du Bisounoursland, l’Action Publique est sans cesse modernisée, et que pour la moderniser, il faut absolument un Secrétariat Général.

En plus, Le.Taxi, c’est une application aux données accessibles via l’open data pour créer des services à valeur ajoutée, qui ne devrait pas trop espionner les taxis qui l’utiliseront (c’est Bercy qui le dit) et qui ne devrait donc pas non plus être utilisée pour permettre de déduire les revenus des artisans. Tout va bien.

Vous (consommateur, contribuable, artisan taxi) ne l’aviez pas demandé ? Vous l’avez quand même. Vous n’en aviez pas besoin ? C’est pas grave, si vous saviez vous en passer avant, vous pourrez toujours vous en passer maintenant, plus les frais. Les autres applications étaient gratuites ? Celle-là aussi, modulo vos impôts. Vous ne comprenez pas du tout pourquoi l’État se lance une fois encore dans l’informatique alors que de nombreux et coûteux exemples précédents montrent qu’il s’y prend comme un manche de pioche ? Ce n’est pas grave, lui, il le sait et c’est tout ce qui compte.

Oui, grâce à vous, grâce à Thévenoud, grâce aux mous du genou qui nous gouvernent, vous allez adorer Le.Taxi, une application étatique qui tente la concurrence de ce que le privé fait déjà, en mieux, gratuitement. 🎼 Et tout ceci sera un succès, tout ceci se passera bien, 🎵 tout ceci n’ira pas au drain, tsoin tsoin 🎶 …

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Et le plus beau, dans tout ça, c’est qu’en favorisant ainsi outrageusement les taxis, l’État remplit une fois encore avec brio sa mission de créer des richesses, de l’emploi et d’aider les masses laborieuses, les sans-dents sans-travail et les peu diplômés en … les empêchant purement et simplement de bosser ! Eh oui : l’analyse des données, réalisée ici avec soin, tend bel et bien à suggérer que l’émergence d’Uber a bien profité aux milieux (relativement) modestes, ce qui donne un éclairage franchement bizarre à cette nouvelle tentative de l’État dans l’informatique mobile.

Bon, résumons-nous : certes, l’État n’est pas parfait, mais il assure bel et bien la Justice, celle du plus fort, du plus corporatiste et du plus riche. Et c’est bien le principal, non ?

dos equis - applications mobiles

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