Chronic // De Michel Franco. Avec Tim Roth, Tate Ellington et Bitsie Tulloch.
Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, Chronic a reçu le Prix du Scénario et c’est un prix que je ne comprends pas du tout. Le scénario de Chronic est particulièrement minimaliste, l’histoire étant plutôt basée sur des images que des dialogues. Il n’y a d’ailleurs rien de véritablement percutant dans les dialogues proposés, tout se joue dans les images, souvent touchantes. Michel Franco (Después de Lucia) a beau raconter une belle histoire, aussi touchante soit-elle, il manque tout de même un petit quelque chose qui aurait peut-être pu la rendre un peu plus intéressante. Je comprends d’ailleurs un peu mieux pourquoi le prix a été critiqué à l’époque étant donné que le scénario est justement l’une des choses les moins flagrantes dans ce film qui préfère en grande partie se concentrer sur bien d’autres choses et notamment l’impact des moments où David, le héros et aide-soignant, se retrouve à tenter d’apporter un peu de vie à cet homme, John, victime d’un AVC et qui tente de se raccrocher à la vie simplement par un besoin de sexe, puis il y a au début Sarah victime du SIDA qui est en train de passer ses derniers jours sur cette Terre, et puis Martha dont le concer est maintenant généralisé et qui a besoin d’abréger ses souffrances.
Aide-soignant, David travaille auprès de personnes en phase terminale. Méticuleux, efficace et passionné par son métier, il noue des relations qui vont bien au-delà du cadre médical et instaure une véritable intimité avec ses patients. Mais dans sa vie privée, David est inefficace, maladroit et réservé. Il a besoin de ses patients tout autant qu’ils ont besoin de lui.
Les histoires sont dures mais très peu dialoguées. Il n’y a rien de vraiment percutant dans la façon dont les personnages sont associés étant donné que l’on a plus l’impression de naviguer au milieu de trois histoires différentes avec pour seul lien le héros, David. La seule morale de ce film, est probablement que la meilleure mort est soit la plus lente soit la plus rapide. C’est plus ou moins ce que semble signifier la dernière image du film, choquante et percutante comme jamais aucune autre image du film. Enchaînant les longs plans-séquence, Michel Franco utilise le silence pour faire passer des émotions. Si les choses que l’on nous dépeint ici sont assez dures, je trouve que le résultat n’est peut-être pas aussi passionnant que je n’aurais probablement apprécié qu’il ne soit. Tim Roth (Lie to Me) tente de son côté de porter ce film et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est bien mieux dans un rôle tout en retenue qu’un rôle où il gesticule dans tous les sens pour brasser de l’air (c’est ce qu’il a tendance à faire assez souvent au cinéma). C’est donc probablement l’un des meilleurs rôles de l’acteur ces dernières années, une façon de revenir à une composition plus sombre et correspondant ainsi à ce que l’on peut attendre de lui. C’est lui notre guide durant tout le film et bien évidemment, ce n’était pas gagné d’avance. En effet, j’ai eu peur au départ qu’il n’aille pas au bout, qu’il soit parfois un peu trop long à la détente et ne parvienne donc pas vraiment à séduire.
Son interprétation vaut bien mieux un prix que le scénario. Chronic a donc pas mal de faiblesses qu’il tente de camoufler derrière les émotions faciles (après tout, avoir des histoires aussi dures avec des silences aussi poignants, c’est facile pour créer de l’émotion) mais la retenue du spectateur se fait autant que celle du réalisateur. Ainsi, on se retrouve donc avec de l’émotion qui ne transperce pas le coeur du spectateur. Je n’ai pas réussi à verser une seule larme alors que j’ai tendance à le faire dès qu’il film se veut larmoyant. Par malchance. Quoi qu’il en soit, certaines scènes particulièrement crues (dont une scène de douche au début du film, ou une autre de vomissement devant la télé) permettent de rappeler que l’homme est vulnérable. Chronic est une sorte d’ode à la mort rapide plutôt qu’à la mort lente, qui est là pour montrer à quel point l’on peut être seul dès que l’on tombe suffisamment malade pour que l’on doive s’occuper de nous. J’espère vraiment ne pas souffrir autant que ces trois personnages ont pu souffrir. Chronic n’a donc pas atteint la charge émotionnelle qui lui incombait et n’a pas non plus réussi à placer complètement ses personnages dans son univers mais cela reste acceptable dans son ensemble.
Note : 5.5/10. En bref, le film choque mais divise. Son prix n’est pas facile à justifier et le résultat, bien que cru et fort, n’impose pas toujours l’émotion qu’il devrait.