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Virginie Calmels, du bon sens en action

Publié le 27 octobre 2015 par Sylvainrakotoarison

Où il est question de la rémunération des élus chargés de gérer beaucoup d'argent public.
Virginie Calmels, du bon sens en action
Après avoir invité le 10 octobre 2015 le Président de l'Assemblée Nationale Claude Bartolone, candidat à la tête de la région Île-de-France (sans y avoir invité Valérie Pécresse, sa concurrente des Républicains, de l'UDI et du MoDem) et battu d'avance à l'élection présidentielle en considérant comme acquise la présence de Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2017, l'humoriste Laurent Ruquier a invité dans son émission " On n'est pas couché" diffusée sur France 2 le samedi 17 octobre 2015 la candidate tête de liste de l'opposition à la grande région (la plus grande du territoire) Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, à savoir Virginie Calmels.
La présence de Virginie Calmels (44 ans) donne un coup de renouveau dans la classe politique. Elle est loin d'avoir fait une "carrière" politique et apprend pas à pas les coutumes de ce milieu très particulier qu'est la politique. Il lui a manqué par exemple du répondant quand on a déploré devant elle le manque de femmes dans l'opposition républicaine, alors qu'il y a Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet, Christine Lagarde, etc. (quant à Michèle Alliot-Marie, son âge, son expérience et son échec aux législatives de juin 2012 font qu'elle n'est naturellement plus une "femme d'avenir").
Car Virginie Calmels est avant tout une femme d'entreprise. Diplômée de Sup de Co Toulouse, d'un diplôme d'expertise comptable et de l'INSEAD, elle a essentiellement mené une carrière de manager qui l'a conduite à occuper des postes de directrice financière dans de plusieurs entreprises du groupe Canal Plus avant d'être nommée directrice générale adjointe du groupe Canal Plus en 2002. Puis, elle fut directrice générale du groupe Endemol France de 2003 à 2007, présidente du groupe Endemol France de 2007 à 2013, fonction qu'elle cumulait par la suite avec directrice générale d'Endemol Monde du 11 mai 2012 au 18 janvier 2013. En 2009, elle est aussi administratrice du groupe Iliad (propriétaire de Free). Elle a été l'une des plus jeunes femmes décorées de l'ordre national du Mérite en 2008.
Virginie Calmels, du bon sens en action
Le maire de Bordeaux Alain Juppé était allé la rencontrer pour qu'elle s'engageât dans la vie municipale bordelaise (elle est née à Talence, dans l'agglomération), ce qu'elle a accepté, si bien que depuis mars 2014, elle est élue première adjointe au maire de Bordeaux chargée de l'économie, de l'emploi et de la croissance durable. Elle a été désignée sans trop de contestation candidate à la présidence du conseil régional de la grande région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes investie par Les Républicains, l'UDI et le MoDem, un pari pas facile pour des régions actuellement gérées par une gauche bien implantée. Beaucoup voit déjà en Virginie Calmels une future ministre dans un gouvernement après 2017.
Aujourd'hui, pour éviter toute interaction entre la politique et l'économie, elle a quitté toutes ses responsabilités du monde économique ou des médias sauf celle de présidente du conseil de surveillance d'Euro Disney qu'elle est depuis le 8 janvier 2013.
Écouter Virgine Calmels était donc doublement intéressant : d'une part, par curiosité car elle est nouvelle dans la classe politique et a déjà montré que son apport d'expérience est très enrichissant ; d'autre part, elle a un franc-parler qui change un peu de la langue de bois habituellement entendue dans les médias. C'est une épreuve pas très facile pour une novice en politique que de se confronter à la "bande à Ruquier" souvent sans complaisance et assez féroce. À cet égard, elle s'en est très bien sortie.
Je retiendrai un sujet intéressant car il correspond bien au fossé entre le monde des entreprises et le monde politique. Elle n'a pas caché qu'en démissionnant de tous ses mandats sociaux (sauf Euro Disney où elle n'a que des jetons de présence) pour s'investir en politique, elle a réduit sa rémunération d'un chiffre au moins. C'est assez rare pour le signaler : voici une élue qui, en s'engageant en politique, ne s'est pas enrichie, mais au contraire appauvrie !
Elle ne s'en est pas plaint d'ailleurs, puisque c'est son choix personnel, et c'est tout à son honneur. Néanmoins, elle a lancé cette question qui me paraît très pertinente. Quand un élu (à responsabilité exécutive) est en charge d'un très gros budget, cela ne paraît pas démentiel qu'il soit bien rémunéré, ce qui peut attirer ainsi des candidats compétents qui ont déjà eu beaucoup d'expérience et de responsabilités dans le monde économique.
Elle ne l'a pas expliqué dans l'émission mais c'était toute la bataille, au début du XX e siècle, pour faire accepter le principe des indemnités parlementaires. Qui avaient deux fonctions : la première, l'égalité, car des députés habitant proches de Paris n'avaient pas à se payer un deuxième logement tandis que ceux éloignés de la capitale avaient forcément plus de frais pour assumer leurs fonctions ; la seconde, la liberté, car si un parlementaire était trop "pauvre" (la notion est relative !), il serait plus facile dans certains cas que des groupes économiques puissent le corrompre (l'argument peut facilement être mis en doute car pour certains, il n'y a pas de limite à l'enrichissement).
Dans tous les cas, indépendamment des raisons évoquées, un élu à la tête de l'exécutif d'une collectivité locale importante a des responsabilités très élargies et peut même se retrouver devant un juge pour des négligences commises par un prédécesseur (par exemple, à Grenoble). On ne les plaindra pas, évidemment, puisque tous ces élus avaient la possibilité de ne pas chercher à assumer ces responsabilités, mais Virginie Calmels mettait en avant un lien de correspondance entre le niveau de rémunération et le niveau de responsabilité, qui est un lien très fréquent dans le monde des affaires (je rappelle que les chefs d'entreprises sont pénalement responsables de tout ce qui peut provenir de leur entreprise).
Virginie Calmels, du bon sens en action
Alors, j'ai voulu prendre quelques comparaisons. J'ai eu un peu de mal car il n'existe pas encore la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et je suppose que la personne qui présidera ce conseil régional ne cumulera pas les rémunérations des trois précédents présidents. La grande région aura un budget annuel d'environ 2,5 milliards d'euros, qu'on peut comparer avec le budget de l'UEFA de 2,3 milliards d'euros.
J'ai donc pris l'exemple le plus caricatural puisque c'est la collectivité la plus importante, la mairie de Paris. Je rappelle que la maire de Paris est à la fois maire mais aussi présidente du conseil départemental, les conseillers municipaux sont en même temps des conseillers départementaux, et à ce titre, ont "double" salaire. Dans les données qui suivent, je prendrai le total des deux, évidemment.
Le budget primitif de la ville de Paris pour 2015 annonce 7,7 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement (dont 2,3 milliards d'euros de charges de personnel) et 2,1 milliards d'euros d'investissement. Cela veut dire pour arrondir que la maire de Paris est responsable de la gestion de 10 milliards d'euros.
Par ailleurs, selon certaines sources, 51 240 agents travailleraient pour le compte de la ville de Paris (le budget primitif indique cependant 45 576). On peut arrondir à 50 000 personnes pour simplifier.
La rémunération d'Anne Hidalgo, qui, certes, a baissé de 15% par rapport donc au seuil légal, aurait été, selon la presse, de 8 684 euros brut par mois pour 2015, que je vais arrondir (en surestimant légèrement) à 105 000 euros par an (brut en plus).
La question est simple : quel manager accepterait-il la proposition du conseil d'administration d'une entreprise qui fait 10 milliards de chiffre d'affaires et qui emploie 50 000 salariés de le nommer président-directeur général avec un salaire de 105 000 euros brut annuel ?
Évidemment, j'imagine que certains lèveraient quand même le doigt. Alors, on peut reformuler la question ainsi : quelles seraient alors les compétences d'un manager qui accepterait de telles conditions ? Et là, c'est plus parlant et cela peut donner aussi une idée de la compétence des élus chargés de gérer, j'oserais presque dire, de brasser, des milliards d'euros ...qui proviennent des contribuables, pas de clients, mais de contribuables, donc, de l'argent beaucoup plus sacré, qui nécessite beaucoup plus de précaution dans son emploi, de respect aussi.
Virginie Calmels, du bon sens en action
Pour faire une comparaison, le groupe Areva a eu un chiffre d'affaires de 8,3 milliards d'euros en 2014 et employait fin 2014 environ 42 000 salariés. C'est donc une structure de gestion sensiblement de même taille que la ville de Paris (très différente par ailleurs, bien sûr). Combien gagne le patron opérationnel d'Areva ? Il se trouve que depuis deux ans, le gouvernement a limité à 450 000 euros la rémunération annuelle pour les entreprises où l'État a une participation majoritaire. C'est déjà cinq fois plus que la maire de Paris. Mais en 2012 (avant cette limitation), le patron d'Areva (pour ne donner qu'un exemple) recevait une rémunération d'environ 972 000 euros (soit neuf fois plus).
Dans le secteur complètement privé, si l'on prend la société Atos, qui a fait 9,1 milliards de chiffre d'affaires en 2014 et qui emploie environ 93 000 salariés (le double de la ville de Paris), la rémunération de son patron (qui fut ancien Ministre des Finances) était, selon "Challenges" du 3 avril 2014, de 4,9 millions d'euros en 2013 (soit près de cinquante fois plus élevée que pour la ville de Paris !).
L'idée ici n'est évidemment pas d'augmenter concrètement les indemnités des élus, car ce ne serait pas populaire et surtout, pas juste dans une période où on resserre les budgets et limite les salaires (les élus doivent rester exemplaires).
L'idée est surtout de pointer du doigt les discours particulièrement démagogiques qui critiquent la rémunération des élus, qui, comme je viens de l'expliquer, sont plutôt "sous-payés" par rapport aux très grandes responsabilités qu'on leur donne en les élisant.
Démagogie notamment au plus haut niveau de l'État puisque le Président de la République François Hollande, comme tout premier acte présidentiel (le tout premier, dans un pays avec autant de chômage !), a été de baisser de quelques pourcents sa rémunération officielle. Ou encore de se déplacer en TGV pour se rendre à Bruxelles alors qu'un avion a été spécialement affrété pour le suivre avec les bagages !
Bref, tout cela est de la vitrine et de la communication. Ce que les citoyens attentent de leurs élus, c'est de bien gérer l'argent des contribuables, d'avoir une vision à long terme des enjeux de leurs collectivités et de mener le pays ou leurs collectivités dans un plus grand confort économique et social (et peut-être moral ?). Après, qu'ils gagnent beaucoup d'argent ou pas, s'ils font "le job", cela ne me gêne pas beaucoup tant qu'il est gagné légalement et en toute transparence.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (27 octobre 2015)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Alain Juppé.
Réforme territoriale.
2017.
Mathématiques militantes.
Le nouveau paradigme.
Virginie Calmels, du bon sens en action
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20151017-virginie-calmels.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/virginie-calmels-du-bon-sens-en-173364
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2015/10/27/32833405.html


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