Par Nicolas Stiel Publié le 27-10-2015La centrale nucléaire de Nogent-sur-Marne, le 5 décembre 2011Photo Francois Nascimbeni. AFP
Construction de dizaines d'EPR, contribution du nucléaire à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre: plusieurs ONG ont démonté mardi le discours d'EDF sur le nucléaire.
Vendredi dernier, Jean-Bernard Lévy avait surpris son monde en indiquant qu’EDF comptait construire "30, 35 ou 40" EPR en France d’ici à 2050. Ce matin, les oreilles du PDG de l’électricien ont dû siffler, car lors d’une conférence de presse, plusieurs organisations anti-nucléaires -Réseau Sortir du Nucléaire, Réseau Action Climat, Greenpeace…- ont démonté son discours.Pour les ONG, l’annonce de Lévy est à restituer dans le contexte de l’EPR anglais d’Hinkley Point, où contrairement au scénario initial, EDF va devoir prendre une participation majoritaire de 66,5% dans la future centrale. Un coup dur, car l’électricien qui affiche déjà une dette nette de 37,5 milliards d'euros devra consolider l'investissement dans ses comptes. "EDF est aux abois et les brokers anglais conseillent à leurs clients de vendre leurs actions", s’est exclamé Benoît Hartmann, président de France Nature Environnement. "L’annonce de Jean-Bernard Lévy, c’est de la gesticulation vis-à-vis du marché français a ajouté Denis Baupin, député EELV. Elle vise aussi à mobiliser en interne à EDF."Quelques minutes avant ce tir de barrage, Yves Marignac, directeur de Wise, un cabinet d’étude spécialisé dans les énergies, avait présenté une étude sur les incidences du nucléaire sur les changements climatiques. Le document indique que l'industrie surévalue systématiquement le rôle du nucléairedans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre en appliquant un double biais. "Le premier est de comptabiliser des émissions nulles ou quasiment nulles pour le nucléaire lui-même. Le second consiste à considérer que le nucléaire vient exclusivement en remplacement de centrales thermiques fossiles (...). Le kilowattheure que vient remplacer lenucléaire apparaît alors plus carboné qu'il ne l'est en réalité."
"Pas la solution contre le réchauffement climatique"
Comme le photovoltaïque et l'éolien, le nucléaire n'émet pas directement de CO2, mais il en produit indirectement sur l'ensemble de son cycle de vie, notamment lors de l'extraction de l'uranium et sa fabrication en combustible et lors de la construction et du démantèlement des réacteurs. "L’atome a permis d’éviter 1,5 milliard de tonnes de CO2 dans le monde sur un total de 35 milliards, indique Yves Marignac. En 2000, il évitait 6% des émissions de CO2. Mais aujourd’hui avec le boom des renouvelables, le pourcentage est descendu à 4%." Conclusion: "le nucléaire n’est pas la solution pour lutter contre le réchauffement climatique".Le directeur de Wise et les représentants des ONG estiment que le salut réside dans les solutions d’efficacité énergétique (l’énergie que l’on ne consomme pas) et dans le déploiement des renouvelables. Leur crédo est d’ailleurs le 100% renouvelable. Une douce utopie ? A long terme, sans doute pas. La très sérieuse Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ne vient-elle pas de dévoiler le scenario d'une France avec une électricité 100% issue des renouvelables ? C’est pour 2050.http://www.challenges.fr/challenges-soir/20151027.CHA0946/le-scenario-nucleaire-d-edf-conteste.html