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Autoportraits photographiques , introspection et problématiques collectives

Publié le 28 octobre 2015 par Aicasc @aica_sc

 Alors que l’exposition  Renée Cox, an intimate retrospective va s’ouvrir à Tropiques Atrium, scène nationale, il semble opportun de se pencher sur les différents usages de l’auto – portrait que font les artistes de la Caraïbe.

Renée Cox se sert de sa propre personne  pour incarner une héroïne fictive, Raje ou une héroïne historique, Queen Nanny à la différence de Cindy Sherman qui, dans un processus similaire, devient autre pour chacun de ses clichés et incarne mille visages. Ainsi Renée Cox,  en s’identifiant à un personnage sans toutefois se métamorphoser,   dévoile sa propre identité et aborde les problématiques de genre et de race. Sa démarche est féministe et anti raciste. Elle revendique la place des femmes – et particulièrement de la femme noire – et le rôle de la communauté afro – américaine au sein de la société américaine.

Stacey Tyrell Série Bakra Build

Stacey Tyrell
Série Bakra Build 2011-2012

Stacey Tyrell dans la série Backra Bluid dont le titre associe un terme africain, backra qui désigne le maître blanc et le mot écossais bluid qui signifie parenté incarne tous ses ancêtres féminins imaginaires pour interroger sa propre identité. Photographe et modèle, elle conçoit l’ensemble de la scène à immortaliser : maquillage, décor, costume, luminosité appropriée.

D’autres artistes sont également familiers de cette pratique de l’auto-portrait photographique  sans toutefois systématiquement incarner un personnage de fiction.

Joshua Lue Che Kong Identity in post independant Trinidad & Tobago 2012

Joshua Lue Che Kong
Identity in post independant Trinidad & Tobago
2012

Stacey Tyrell série Bakra Build 2011-2012

Stacey Tyrell
série Bakra Build
2011-2012

Loin de sombrer dans l’introspection narcissique, l’autoportrait photographique contemporain privilégie en Caraïbe le questionnement des notions d’identité (Joscelyn Gardner), de genre (Raquel Païewonsky), de race (Joscelyn Gardner, Olivia Mc Gilchrist, Renée Cox, Stacey Tyrell), de sexualité ( O’Neil Lawrence) . Il aborde également des thématiques historiques (Joscelyn Gardner), sociales ou politiques ( Kelly Sinnapah Mary), écologiques ( Raquel Païewonsky) , locales ou globales et travaille à déconstruire les stéréotypes (Joshua Lue Che Kong, Renée Cox, Jean Baptiste Barret, Suzan Dayal ) . L’artiste peut insérer sa propre image dans la réalité quotidienne (Sheena Rose, Joshua Lue Che Kong) ou inventer des personnages de fiction (Ewan Atkinson, Renée Cox, Jean Baptiste Barret) comme il peut aussi quelquefois dissimuler son visage ou celui de ses modèles derrière un masque (Olivia Mc Gilchrist, James Cooper, Jean – Baptiste Barret, Robert Charlotte, Steeve Bauras, Kelly Sinnapah Mary). A l’évidence, les frontières entre ces catégories sont poreuses. Renée Cox aborde les thématiques de genre, de race pour en déconstruire les stéréotypes ; Suzan Dayal traite du corps, de la sexualité, de la condition féminine ; Joscelyn Gardner de l’histoire, de la race, de l’identité ; O’Neil Lawrence évoque la sexualité, le corps, la relation au père ; Kelly Sinnapah Mary de la condition des femmes et de la violence des relations entre les sexes.

O'Neil Lawrence The son of a champion

O’Neil Lawrence
The son of a champion 2012

Les clichés peuvent être les traces de performances publiques ou être captés dans la solitude et la stricte intimité du studio, par l’artiste lui-même comme ils peuvent être aussi le résultat d’un travail en équipe coordonné et dirigé par l’artiste. La photographie peut être le matériau vecteur prioritaire (Renée Cox, O’Neil Lawrence) ou n’être qu’une des facettes de l’expression artistique parmi d’autres comme l’installation ou la peinture ( Joscelyn Gardner, Raquel Païewonsky) .
Même lorsqu’il les artistes sont engagés dans la quête de soi comme Suzan Dayal, O’Neil Lawrence, Olivia Mc Glichrist ou Joscelyn Gardner, cette incursion dans les profondeurs du moi individuel confine aux problématiques collectives d’identité, de race, de sexualité.

Susan Dayal Doux Doux 1990-1992

Susan Dayal
Doux Doux
1990-1992

Suzan Dayal (Trinidad 1968) réalise des autoportraits avec un déclencheur automatique dans l’intimité de son atelier. Elle conçoit, confectionne et porte des costumes ancrés dans la tradition du carnaval Trinidadien, des structures en fil de fer. Elle interprète ainsi différents rôles en accord avec certaines facettes de sa personnalité ou au contraire tout à l’opposé mais toujours en relation avec les problématiques du corps, de la séduction, de la féminité, de la sexualité, du féminisme :
Chaque costume représente une partie de ma personnalité, un rôle ou un stéréotype qui devient périodiquement, consciemment ou non, un trait dominant de ma personnalité
The son of a champion de O’Neil Lawrence, évoque la relation tumultueuse de l’artiste avec son père, sacré champion de bodybuilding de la Jamaïque en 1966 et les conséquences qu’a eu cette relation sur sa conception de la virilité et la perception de son propre corps.
L’idéal masculin qu’il incarnait a profondément affecté ma propre perception de la virilité et de mon propre corps. J’essayais de me mesurer à lui et de redessiner mon corps en fonction de l’image idéalisée que j’avais de son corps de champion. J’ai longtemps perçu cela comme un problème mais progressivement, j’ai compris que c’était une partie intégrante de moi-même même si je ne partageais pas ses valeurs. J’ai pu alors commencer à me construire moi-même.

Joscelyn Gardener Womb of journey Performance 1999

Joscelyn Gardener
Womb of journey
Performance
1999

Joscelyn Gardner a elle aussi utilisé sa propre image, particulièrement dans des travaux des années quatre-vingt- dix comme In the skins of my dreaming womb of journey, alors que résidant et travaillant à Barbade, elle explorait sa propre identité de blanche créole dans une société post – coloniale en relation avec la formation historique de la population de l’île, des amérindiens aux africains et européens afin de suggérer une fusion raciale et culturelle pour la Caraïbe.

Olivia Mc Gilchrist My dear daddy 2011 -2012

Olivia Mc Gilchrist
My dear daddy
2011 -2012

La série Whitey d’Olivia Mc Gilchrist capte son double masqué au sein de divers contextes naturels jamaïcains. Originaire de la Caraïbe mais élevée en France et au Royaume – Uni, la photographe et son avatar tentent de se réapproprier leur terre natale et leur identité. Withey, alter ego photographique de l’auteur a pris vie en chair et en os en 2012, lors d’une performance à l’occasion de la présentation d’une revue.
Ces quelques  exemples démontrent comment une problématique intime, singulière trouve écho et correspondance dans une problématique élargie, simplement humaine.

Dominique Brebion

Aica Caraïbe du Sud

en image à la une : Stacey Tyrell en train de se préparer pour une prise de vue de Bakra Build

Stacey tyrell prépa


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