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L'histoire un peu triste de Claude Lorius, le découvreur du réchauffement climatique

Publié le 28 octobre 2015 par Blanchemanche
#ClaudeLorius #réchauffementclimatique
Nicolas Delesalle Publié le 27/10/2015
Claude Lorius
Claude Lorius© LUC JACQUET/2015-ESKWAD-WILD-TOUCH-CNRSPendant des décennies, lorsque Claude Lorius alertait sur le danger des émissions de gaz à effet de serre pour le climat, il rencontrait, au mieux, de l'incrédulité. Avec “La Glace et le ciel”, Luc Jacquet rend hommage au chercheur.Comment fut récompensé le premier lanceur d'alerte de l'histoire après Cassandre ? On lui écrivit des élégies ? On lui tressa des couronnes de lauriers ? On jeta à ses pieds un tapis de pétales de roses ? Non, Claude Lorius, chercheur au fameux laboratoire de glaciologie et de géophysique de l'environnement de Grenoble, dut affronter pendant presque vingt ans incrédulité, mépris, moqueries et railleries.Il faut avoir vu le regard condescendant du commandant Cousteau, l'un de ses plus grands contempteurs (avec Claude Allègre) sur FR3, dans une émission présentée par Jean-Marie Cavada à la fin des années 80, juste après la publication dans la revue Nature de trois articles qui prouvaient la corrélation entre la concentration de gaz carbonique et l'élévation moyenne des températures du globe.Dix ans plus tôt, Claude Lorius, déjà, s'inquiétait du probable réchauffement climatique lié aux activités humaines sur un plateau télé en face d'un Cousteau sûr de lui et totalement à côté de la plaque. La postérité est cruelle. Aujourd'hui, tout le monde connaît le nom de Cousteau. Peu, celui de Lorius. « La victoire scientifique fut amère », se rappelle aujourd'hui le glaciologue depuis récompensé (médaille d'or du CNRS avec Jean Jouzel en 2002), 84 ans, œil perçant et calotte de cheveux blancs, juste avant l'avant-première du filmLa Glace et le ciel, organisée par le CNRS à Grenoble. Un film en forme de testament et d'onguent réparateur, réalisé par Luc Jacquet, en salle depuis le 21 octobre.« Certains sont dans le déni ? Et alors, on continue ! », lâche en souriant le pionnier.Plus qu'une avant-première, c'est le rendez-vous d'une vie pour le Claude Lorius. Toute la communauté de la glace est venue ce soir-là lui rendre hommage, des chercheurs, des techniciens, des hommes et des femmes qui ont travaillé avec lui tout au long de sa carrière. Carrière. Le mot est trop brut et trop bête pour définir une vie passée à se geler les miches par moins 50 degrés (une vingtaine de missions !), l'aventure, humaine et scientifique, les sacrifices, la recherche et ses tâtonnements : « Je voulais sauver ce témoignage, raconte Luc Jacquet. Je voulais que les gens connaissent sa vie. Ce film, c'est un peu une contribution du cinéma à la science. »Un travail de mémoire précieux et rendu possible grâce à un autre éminent glaciologue, Jérôme Chappelaz, disciple de Lorius et forcément grand connaisseur de sa vie et de son œuvre. Car la mémoire de Claude Lorius se carapate parfois et il faut forer un peu pour l'aider à se souvenir. Conçu comme une gigantesque mosaïque d'images d'archives (un travail de titans, Luc Jacquet et son équipe ont parfois développé des bobines oubliées, découvert des trésors), La Glace et le ciel n'a pas le charme fringant et enfantin de La Marche de l'empereur. C'est un documentaire volontairement lent, destiné à la réflexion autant qu'à l'introspection, un Vieil Homme et la glace qui narre la réalité de la recherche quand elle se mue avec l'aventure d'une vie. Bande-annonce de La Glace et le ciel, de Luc Jacquet.La glace et le ciel raconte en détail la vie du chercheur, du premier hivernage dans la base Charcot en 1957, un an d'isolement sous la glace, à trois, sans assistance, sur un continent encore inconnu, jusqu'à la découverte fondamentale, grâce aux carottages de Vostock dans les années 80, qui allaient apporter les preuves tant attendues. En chemin, on assiste à la prise de conscience morale et écologique du scientifique, quand, dans les années 60, il détecte dans la glace les traces de toutes les explosions nucléaires passées. Claude Lorius comprend que les activités humaines peuvent toucher n'importe quel endroit du globe.Le film raconte encore les tâtonnements de la recherche, le temps, très long, qu'il lui faut pour parvenir à des conclusions tangibles, les éclairs de génies qui zèbrent aussi son ciel, parfois : l'idée fondamentale de Claude Lorius lui est venue en sirotant un whisky dans lequel des glaçons antarctiques fondaient en libérant des bulles. Ces bulles emprisonnaient l'air du passé, et Claude Loris eut cette idée simple et merveilleuse : en creusant profondément, on pourrait remonter l'histoire du ciel, la genèse du climat jusqu'à presque un million d'années.Claude Lorius et Roland Schlich à Charcot entre 1957 et 1958. On goûte enfin à l'exception géopolitique antarctique, quand, en pleine guerre froide, une base russe peut accueillir des chercheurs français transportés par des américains. « Ce n'est absolument pas une étrangeté en Antarctique », expliquait Yves Frenot, le directeur de l'Institut polaire, heureux de voir un documentaire rendre hommage à la glaciologie française, leader mondial, grâce à ses Claude Lorius, ses Jean Jouzel, ses Jérôme Chappelaz.

La voix de l'Antarctique

A la fin du film, devant ses collègues touchés, Claude Lorius, a dit quelques mots simples, humbles, sans chichi : « C'est émouvant de voir dans la salle des gens que je n'ai pas vu depuis si longtemps. » Jamais une salle de cinéma n'avait accueilli autant d'arpenteurs d'Antarctique. Luc Jacquet est quant à lui reparti dans l'hémisphère Sud pour tourner un documentaire sur les écosystèmes antarctiques et filmer des bestioles cent mètres sous la glace. Pendant la COP21, il transmettra chaque jour des images de l'Antarctique, projetées sur les murs de la BNF. « Un moyen de faire “entendre” la “voix de l'Antarctique”. »Là-bas, nous a expliqué le chercheur, les bébés manchots meurent par milliers, victimes de… la pluie. Des averses tombent aujourd'hui régulièrement dans des zones où les précipitations étaient jusque-là rarissimes. Juste après leur naissance, le duvet des petits manchots n'est pas assez imperméable pour les protéger. Ils meurent de froid.A lire : La glace et le ciel. Editions Paulsen, 39,50 euros. Dans ce beau livre, Luc Jacquet, Claude Lorius, Jérôme Chappellaz et Gilles Ramstein racontent la même histoire que le documentaire, mais des explications scientifiques détaillées et particulièrement claires enrichissent le récit. http://www.telerama.fr/cinema/du-mepris-a-la-reconnaissance-l-histoire-du-decouvreur-du-rechauffement-climatique,133247.php

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