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Kepler observe ce qui ressemble à la destruction d’un système planétaire

Publié le 30 octobre 2015 par Pyxmalion @pyxmalion

Au cours de la première campagne d’observation du satellite Kepler réorienté, en 2014, le disque de débris qui entoure une naine blanche a attiré l’attention d’une équipe d’astrophysiciens. Les courbes de luminosité et la signature spectrale suggèrent qu’un gros astéroïde a été pris en flagrant délit de désintégration.

Malgré des complications créées par le dysfonctionnement d’une deuxième roue à réaction qui remit sérieusement en question la mission de Kepler dédiée à la découverte d’exoplanètes (plus de 150.000 étoiles épiées entre 2009 et 2013), l’équipe du télescope spatial ne s’est pas découragée et a réussie à le reconvertir pour de nouvelles séries d’observations, cette fois dans le plan de l’écliptique plutôt qu’exclusivement en direction du Cygne et de la Lyre, au sein de la Voie lactée. Plusieurs objectifs astrophysiques ont été ajoutés à ce nouveau programme baptisé K2. Il n’est plus seulement question d’identifier de nouveaux mondes lors de leurs passages devant leur étoile-parent (par transit), Kepler est aussi chargé d’espionner l’activité de diverses étoiles, qu’elles soient jeunes ou âgées, afin de mieux appréhender les différents processus d’évolution stellaire.

Lors de sa première nouvelle campagne de recherches, entre le 30 mai et le 21 août 2014, au sein de la constellation de la Vierge, Kepler a fait une découverte très intéressante autour d’une étoile en fin de vie. Les astrophysiciens qui ont étudié cette naine blanche désignée WD 1145+017 ont en effet mis au jour ce qui ressemble à un système planétaire en cours de démolition. Ces observations étayent selon eux une théorie développée voici plusieurs années quant aux processus à l’œuvre au cours de la fin d’histoires d’étoiles qui furent, autrefois, plus ou moins comme notre Soleil (après épuisement des réserves d’hydrogène). Celles-ci semblent engloutir sans vergogne leurs planètes ou du moins des astéroïdes (des planétésimaux ?), après les avoir mis en pièce.

Pour Andrew Vanderburg, le principal auteur de cette étude publiée dans Nature :« Nous avons espionné pour la première fois une planète miniature déchirée par l’intense gravité, en cours de vaporisation par la lumière et tombant en pluie de roches sur son étoile. »

Lorsqu’une étoile comme le Soleil arrive en fin de carrière, elle gonfle jusqu’à devenir une géante rouge et éjecte progressivement son enveloppe externe. En même temps son cœur se contracte jusqu’à atteindre une taille équivalente à celle de la Terre. L’étoile résiduelle, plus petite et plus chaude, est devenue une naine blanche capable de briller encore des milliards d’années… Leur surface est supposée se composer exclusivement d’hydrogène et d’hélium, les autres éléments, plus rares, coulant rapidement vers le centre. Mais ce n’est pas le cas dans environ 4 % des naines blanches observées. Celles-ci apparaissent effectivement, « polluées » d’autres matériaux plus lourds. Certes, dans des proportions plus faibles que les deux éléments dominants mais leur présence est souvent vue comme un possible indice de planètes, d’astéroïdes ou de comètes en train d’être cannibalisés.

Si une planète bien ronde passait devant la naine blanche, la courbe de luminosité serait bien symétrique (tracé en rouge). Or les mesures de Kepler montrent une courbe asymétrique qui suggère qu’un objet qui transit est accompagné d’une queue de débris

Si une planète bien ronde passait devant la naine blanche, la courbe de luminosité serait bien symétrique (tracé en rouge). Or les mesures de Kepler montrent une courbe asymétrique qui suggère qu’un objet qui transit est accompagné d’une queue de débris

Dans le cas de WD 1145+017, les observations sont plutôt convaincante. Les mesures réalisées avec Kepler de la luminosité de la naine blanche trahissent en effet la présence d’un astéroïde supposé être un gros reste de planètes. L’objet qui passe entre le satellite et cette étoile compacte occulte jusqu’à 40 % de sa lumière toutes les 4 heures et demie. (Il n’est d’ailleurs peut-être pas le seul.) Il est très proche et semble tomber (pleuvoir ?) en spirale. Les chercheurs ont relevé que les courbes de luminosité du transit ne dessinent pas de grands U ou V symétriques, une des pentes étant plus allongée que l’autre, ce qui de fait, suggère que ce corps n’est pas sphérique. Il est plutôt accompagné d’une longue trainée de débris, telle une comète. Un gigantesque anneau de poussière entoure l’astre-parent. « Le moment eurêka vint au cours de la dernière nuit d’observation quand on a soudainement réalisé ce qu’il y a autour de la naine blanche, a déclaré le jeune diplômé de Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, Andrew Vanderburg. La forme et les changements de profondeur du transit étaient d’indéniables signatures. »

Par la suite, la signature spectrale réalisée à l’observatoire de l’université de l’Arizona a révélé des traces sur la naine blanche de calcium, aluminium, silices, magnésium, de fer et de nickel comme prédit dans la théorie. Pour les chercheurs, c’est une preuve encore « fumante » (smoking gun, en anglais) qu’un corps en déliquescence tombe en spiralant vers l’étoile qui lui donna naissance plusieurs milliards d’années auparavant. Une désintégration prise en flagrant délit.


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