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Quand les artistes s’emparent des marques : Les Nuls

Publié le 03 novembre 2015 par Marketingcommunity @marketing_cmnty

Quand les artistes s’emparent des marques : Les Nuls

L'omniprésence des marques dans l'environnement quotidien leur confère un statut d'objets culturels et sociaux qui fait le bonheur des humoristes. En témoigne le film des Nuls La Cité de la peur où les marques comptent parmi les diverses sources d'inspiration au même titre que des œuvres littéraires ou cinématographiques.

La Cité de la peur, une comédie familiale est le 1er film du groupe d'humoristes Les Nuls, en tant que scénaristes et acteurs : Alain Chabat, Chantal Lauby, Dominique Farrugia avec l'apparition à titre posthume de Bruno Carette.

En 1994, lors de la sortie en salle du film, Les Nuls sont des vedettes du petit écran. Leur groupe, constitué en 1987 sur la chaîne Canal+ récemment créée, rencontre un succès immédiat, grâce à des émissions faites de sketches et de parodies comme Objectif Nul (1987) ou Les Nuls l'Émission (1990-1992). Les Nuls incarnent alors le fameux " esprit Canal ", à l'humour décalé et irrévérencieux, qui tourne en dérision et dans la bonne humeur la société matérialiste des années 1980, en utilisant notamment un de ses symboles : les marques.

Les marques, signes superficiels

La Cité de la peur raconte la promotion d'un film d'horreur pitoyable, , à l'occasion du Festival de Cannes. Comme tous les projectionnistes chargés de passer ce film se font successivement assassiner selon les mêmes procédés que dans Red is Dead, ce navet devient la vedette du festival alors que presque personne ne l'a vu.

Les Nuls procèdent ainsi à une satire de la superficialité de la société, du glamour du festival et de la recherche de la célébrité à tout prix. Surtout, le scénario est prétexte à une avalanche de gags et de situations cocasses. La Cité de la peur manie absurde, ruptures de rythme et art de la parodie, autour de monuments littéraires, cinématographiques ou musicaux.

" Les Nuls jouent ainsi avec les marques, les détournent, les montrent dans des situations décalées et insolites "

Mais Les Nuls créent un effet comique supplémentaire en ajoutant des références populaires de leur époques, de deux ordres : des films à succès récemment sortis ( Basic Instinct, Pretty woman, Terminator 2) et de nombreuses marques. Celles-ci embrassent toutes les catégories de la grande consommation ( Tampax) au luxe ( Lanvin), en passant par l'automobile ( Renault et Peugeot) et jusqu'à des marques publiques ( La Sorbonne) ! Celle qui a marqué le plus les esprits est la Renault Safrane " Palme d'Or " : " direction assistée, intérieur cuir, condamnation centrale des portes... Safrane série limitée Palme d'Or, une voiture qu'elle est bien pour la conduire. " Les marques jouent donc un rôle de premier plan dans La Cité de la peur.

Renault Safrane série limitée Palme d'Or... une voiture qu'elle est bien pour la conduire...

Les marques, clin d'œil et anecdotes

Les marques constituent un ressort central du film. Elles sont d'abord parodiées. Comme dans leurs sketches télévisés, les Nuls prennent soin de modifier le nom de la marque qu'ils détournent, sans doute pour éviter les plaintes de l'annonceur et permettre de bien différencier la parodie de la publicité réelle. Renault devient ainsi Reneault et son logo est modifié à la marge. La longue séquence de gags autour de la Safrane constitue-t-elle pour autant une dénonciation de la marque ? Pas vraiment, car la Safrane est plutôt mise en valeur : ses portières claquent du bruit caractéristique de la berline haut de gamme, elle prend littéralement toute seule les virages serrés de la route sinueuse, son intérieur cuir est célébré, même si ce sont là autant d'occasions de réaliser des gags.

En vérité, ce sont les techniques marketing qui sont raillées : le style un brin arrogant des publicités, la caractère abscons des conditions de vente (" offre valable dans la limite des stocks disponibles vu que y'en a que une. Conditions spéciales sur de nombreux autres modèles. Apport minimum 20 % au prix nc du véhicule pour 10 000 F empruntés au TEG de 5,7 % sur 15 mois au CCR sous réserve d'acceptation de votre dossier et si vous avez compris quelque chose" ), les partenariats (Renault fournit la flotte officielle du Festival de Cannes depuis 1983), et le ridicule des placements de marques dans les films.

Les marques sont ensuite utilisées de façon décalée pour susciter le rire. Ainsi, alors que le garde du corps défait très sérieusement sa valise, la présence saugrenue d'une boîte de Tampax dans ses bagages crée un effet comique. Pour cela, il est indispensable que le spectateur identifie bien qu'il s'agit de tampons hygiéniques, sinon ce gag passerait inaperçu. C'est ce que permet la marque Tampax qui, en tant que marque typique des tampons hygiéniques, joue ici le rôle de signifiant.

Les marques, référents culturels auprès du spectateur

Par l'utilisation de leur symbolique, La Cité de la peur fait une large utilisation humoristique des marques, jusque dans l'échange burlesque des deux journalistes chargés de commenter la montée des marches :
- Et voici le commissaire Bialès, très élégant dans son smoking de chez...
- Chut chut, pas de marque !
- Euh oui... De chez chut chut pas de marque, 8 avenue de la Calanque à Antibes.

" Les détournements de marques ont, sans aucun doute, participé à rendre le film culte "

Cette comédie place ainsi les marques sur le même registre que les grands auteurs russes du XIXe siècle (Dostoïevski pour les Frères Karamazov ou Tolstoï pour Guerre et paix) ou les blockbusters américains dans leur rôle de référent culturel auprès du spectateur, qui offrent par leur détournement de fantastiques leviers d'humour. Ce joyeux amalgame est en particulier les détournements de marques ont, sans aucun doute, participé à rendre le film culte. En témoignent les répliques passées à la postérité, les sites et forums décryptant les innombrables gags, et même les jeux vidéo inspirés du film. La Cité de la peur a ainsi contribué à faire de l'esprit Canal une véritable marque de fabrique, aujourd'hui défendue avec beaucoup de sérieux.

Extrait de

Quand les artistes s’emparent des marques : Les Nuls

Quand les artistes s'emparent des marques
Géraldine Michel, Stéphane Borraz
Collection: Hors collection, Dunod
2015 - 176 pages - 192×250 mm
Voir la fiche détaillée du livre


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