J’aurais dû m’en douter. A vrai dire, je le savais en mon for intérieur. Ma femme a fini par aller « chez elle » avec ma fille, et sans moi. En Pologne donc. Oui, c’est une « émigrée », et j’en suis très fier!
Bon ok, elle n’est partie que pour une semaine, mais ce n’est pas une raison pour ne pas me plaindre!! Et puis, une semaine, c’est long tout seul pour le papa poule et mari casanier que je suis!
Premier constat: je m’emmerde, mais grave! Personne à qui parler le soir en rentrant, personne qui me raconte sa journée en me perdant dans toutes sortes de détails de peur de rater quelque chose dans le récit des évènements du jour.
Une fois rentré, seul le chat me parle. Enfin, plutôt, il m’engueule, parce que:
- sa dernière gratouille remonte au matin,
- la litière est sale,
- il veut sortir sur le balcon pour surveiller SON territoire (note à moi-même: penser à lui présenter l’échéancier de l’emprunt pour une contribution de sa part),
- son eau n’est plus très fraiche (comme la vieille bique), et
- les croquettes sont en quantité dangeureusement basse en prévision de la nuit qui s’annonce.
Mais le plus dur en rentrant le soir, c’est l’absence du sourire qui illumine le visage de ma princesse dès que je mets un orteil à la maison. Ce sourire-là me manque cruellement. C’est CE sourire qui me fait oublier que travailler dur ne fera pas de moi le premier à être promu, que le monde entrera sous peu en guerre mondiale et que l’humanité est sur le déclin en raison de sa propre cupidité. Je profite chaque jour de ce sourire car je sais bien que sa fascination pour son père ne durera pas éternellement.
Le sourire de ma femme, qui est visiblement toujours contente que je rentre le soir, aussi. Je n’ai toujours pas compris comment elle pouvait être heureuse qu’un gros râleur comme moi rentre lui pourrir ses soirées. Mais l’amour rend aveugle après tout. Et ça m’arrange!
Deuxième constat: Mon envie de cuisiner est proche du néant quand je suis seul. J’ai pourtant repris possession de la cuisine il y a 3 ans quand j’ai changé de métier, et donc de vie. Mais pour cuisiner, il faut de l’envie et de l’amour. Et seul, il n’y a ni l’un, ni l’autre.
Je mange donc mes boîtes de lentilles précuites Carrefour avec des lardons (même pire: avec des saucisses cocktail certains soirs…) en écoutant France Info parce que je n’ai même pas le courage de passer sur RTL2 pour écouter pop-rock station by Zegut, l’innamovible animateur de cette excellente émission. Dîner insipide au bénéfice alimentaire douteux, avec pour seule compagnie le reflet de ma tête difforme dans la vitre (de quoi me couper l’apétit donc). La soirée de rêve.
Je regarde même la télé tellement je suis déprimé.
Troisième constat: la télé, c’est franchement édifiant. La courbe de l’intelligence n’est pas prête de s’inverser (un peu comme celle du chômage en fait)… Man aimerait que je regarde Arte et me dit qu’il y a des super émissions. Mais je ne sais même pas quel numéro de chaîne correspond à Arte. Dommage, il a l’air heureux Man quand il a regardé Arte la veille. A moins que son secret ne soit autre part…
J’ai quand même sauvé deux soirées avec Taxi Driver (que je n’avais encore jamais vu) et un Robert DeNiro déjà immense, et Criminal Minds, série noire qui plonge dans la violence psychologique et l’inhumanité exhacerbée de notre société. Pour le reste, nada. Le néant de l’intelligence, la prime à la bêtise pour que le Français moyen se sente supérieur pour une fois, le nivellement par le bas…
Quatrième constat: j’aurais pu faire un max de sport pour avoir un semblant de vie et voir du monde aux entraînements. Mais mon tatouage est en cours de cicatrisation (clic). Vu ce qu’il représente pour moi, et malgré l’impact fortement négatif du manque de sport sur ma santé mentale déjà bien entamée, je reste sage. D’autant que, pour la natation, je dois obtenir le feu vert officiel. Je ne vous cache pas que le fait de partir pour 11 mois d’entraînements intensifs m’aide aussi à y aller doucement…
Cinquième constat: le samedi soir sans sa femme, c’est assez dur à vivre. Surtout quand W9 déprogramme The Simpsons pour une émission toute moisie sur le Top50 des années 80. M’en fous moi, j’ai pas choppé dans les années 80 (ni dans les 35 annnées qui ont suivi d’ailleurs), je venais de naître! Je n’ai aucun souvenir whatsoever!! Remettez-moi vite les bonhommes jaunes que j’aie l’impression d’avoir un samedi soir de Français moyen!! Bon, j’ai enregistré l’émission pour Man, ça va lui rappeler des souvenirs à lui. Je filerai aussi la cassette à la vieille bique (elle ne connaît pas les DVD), ça lui rappellera ses débuts à la maison de retraite en 1980 et le commencement de son traffic de viagra qui lui vaudra son surnom de « tata« .
Sixième constat: même sans ma femme, je n’ai pas droit d’avoir le lit pour moi. Le chat profite bien sûr du vide laissé à mes côtés pour s’y allonger. Et quand un chat s’allonge, ça donne ça:
Il est donc beaucoup plus souple que la vieille bique qui galère rien qu’à monter sur un trottoir, un Everest pour elle. Faut dire, pas facile entre son arthrose et son déambulateur, surtout quand on mesure 1m45 les bras levés…
Pour couronner le tout, j’ai du mal à m’endormir. Il me manque mon rituel qui se répète inlassablement chaque soir: je dis à ma femme que je vais bientôt me coucher, elle se perd dans ses recherches Internet pour vérifier tout ce qui lui passe par la tête (donc beaucoup de choses), je vais effectivement me coucher, je lutte pour ne pas m’endormir, ma femme se prépare pour se coucher (donc un temps minimum incompressible dans la salle de bains), puis elle vient enfin se coucher, ce qui me réveillera si je me suis malencontreusement endormi. Et oui, c’est l’heure où elle a plein de questions à voir ABSOLUMENT MAINTENANT avec moi avant qu’il ne soit trop tard (ndlr: avant qu’elle n’oublie toutes les questions qui lui passent par la tête). Mais ensuite tout se déroule comme d’habitude: elle se couche afin que je puisse venir l’enlacer de mes grands bras et me blottir contre elle, pour enfin obtenir le graal d’une dure journée de labeur: mon petit bisou du soir (et plus si affinités, mais seulement si on est samedi soir). Mais là, je suis tout seul et le chat est beaucoup moins compréhensif et beaucoup plus égoïste. En plus, il pue du bec et les croquettes diététiques n’ont pas une super odeur à la digestion. Bref, c’est la loose totale.
Vivement que mes femmes reviennent. J’ai eu un aperçu de ce que serait ma vie sans elles. Et je ne la supporterais pas plus d’une semaine!