Face au succès grandissant des MOOCs et au coût prohibitif de certaines écoles, la tentation de se former seul en ligne peut-elle être une menace pour les universités et grandes écoles ?
Alors que les formations dans les grandes écoles sont de plus en plus coûteuses sans offrir d’assurance d’embauche à l’issue de celles-ci, les mentalités commencent à évoluer et certains se demandent si le jeu en vaut vraiment la chandelle. La déferlante des MOOCs, à partir de 2012 notamment, a rendu l’accès à différentes formations très aisé, il suffit d’une connexion internet pour suivre des cours des meilleures universités mondiales sur des plateformes comme Coursera.
Cependant, jusqu’à récemment, ces formations en ligne n’étaient pas vraiment reconnues ni même tout simplement connues par les employeurs. Comme l’explique Clément Lhommeau, auteur de L’apprentissage à l’épreuve du numérique : “Un recruteur préférera souvent un candidat sortant d’une Grande Ecole ayant pignon sur rue mais n’ayant pas fait de MOOC face à un candidat venant d’une petite école ou autodidacte mais ayant suivi dix MOOCs d’HEC et d’Harvard.”
Des certifications en ligne qui commencent à être reconnues
La tendance actuelle est aux badges et aux certificats de cours en ligne. On peut par exemple après une session d’exercices sur l’application Duolingo afficher un badge sur son profil LinkedIn donnant une estimation de son niveau dans la langue étrangère pratiquée. Des initiatives venant de tiers se développent afin d’assurer toutefois l’impartialité du badge en ligne, Open Badges de la fondation Mozilla en est un bon exemple.
Quelques exemples de certifications sur Open Badges de Mozilla
Il en est de même du côté des programmes dits “bootcamps” comme l'offre de General Assembly pour apprendre à coder en quelques semaines. Depuis 2015, General Assembly propose d’obtenir un certificat vérifié. Intéressant quand on sait que ceux qui suivent ces programmes ont un taux d’embauche de 75 à 95% à la sortie.
Cependant, Clément Lhommeau tempère ce constat: “la plupart des certificats délivrés à l’issue des MOOCs ne sont que des certificats de validation du bon suivi de ceux-ci, ils sont par contre loin d’être sûrs à 100% car ils ne permettent pas de prévenir la triche en ligne.”
Les cours en ligne, l’alternative alliant flexibilité et crédibilité
Le compromis concernant le risque de fraude et l’aspect certifié pourrait venir des universités. En effet, de plus en plus choisissent le format des cours en ligne qui autorisent l’étudiant à étudier depuis chez lui sur son ordinateur mais avec un format d’examen en présentiel surveillé.
La prestigieuse université américaine Georgia Institute of Technology permet par exemple à ses étudiants de suivre entièrement en ligne le premier semestre d’un master d’informatique et d’en obtenir les crédits avant de suivre le deuxième semestre sur place, le tout pour 6000$. Et pour éviter les fraudes, des services de surveillance des étudiants à distance émergent en complément. On peut ainsi suivre l’étudiant pendant qu’il passe le test par webcam pour suivre son regard ou encore traquer sa vitesse de frappe pour s’assurer qu’il est bien l’auteur d’un texte même si aucun système seul n’assure une fiabilité totale. ProctorU est une entreprise qui permet de réaliser des examens à distance avec l’alliance de toutes ces méthodes pour assurer une cohérence entre identité physique et identité numérique. Cependant, le titre obtenu n’est encore qu’un certificat non reconnu par l’Etat.
Le format “blended” est par ailleurs très prisé, les étudiants ont accès au cours en ligne depuis chez eux et viennent ensuite aux cours pour échanger, poser des questions ou encore faire des cas pratiques. Clément Lhommeau le confirme: “Le présentiel reste essentiel à l’apprentissage. Les étudiants auront toujours besoin d’interagir avec les enseignants, la formation ne se limite pas qu’à une mémorisation de contenus.” Le MOOC reste plutôt quant à lui une preuve de la motivation de l’étudiant à apprendre sur de nouveaux sujets et de son autodiscipline s’il le termine. Les services de ressources humaines continuent souvent à favoriser les grandes écoles qu’ils connaissent bien pour éviter de prendre des risques même si les mentalités évoluent.
Alors est-ce vraiment la fin du diplôme ?
A l’ère du Big Data où tout est chiffré et analysé, chaque compétence d’un potentiel candidat pourra donc elle aussi être ramenée à un score facilitant le travail des recruteurs et donnant une meilleure visibilité à ce lui qui postule. Mais face à un monde du travail toujours plus difficile pour les jeunes, les diplômes universitaires vont probablement coexister avec les certificats en ligne vérifiés pour les années à venir.
En attendant pendant cette période de transition, des start-up comme I-Def(x) proposent une “traduction” diplôme/compétences et poste/compétences à destination des jeunes et des entreprises. Le but : trouver une solution aux titres de diplômes obscurs ou trop généralistes pour les entreprises, et aider les chercheurs d’emploi à comprendre la réalité que recouvrent certains intitulés de poste.
Le marché de l’éducation valant aujourd’hui mille milliards de dollars, c’est sur un segment attractif que se lancent tous ceux qui travaillent autour des MOOCs et des cours en ligne dont une part toujours plus importante devient payante.