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444ème semaine politique: Valls, Sarkozy, et Hollande dans les pièges de la com'

Publié le 07 novembre 2015 par Juan
444ème semaine politique: Valls, Sarkozy, et Hollande dans les pièges
de la com'

Où il est question de Manuel Valls qui fait à son tour son discours de Grenoble; de Nicolas Sarkozy surprenant de "Rantanplitude" sur RTL. De François Hollande embarqué par un désastre de com' "de terrain" avec une certaine Lucette, 69 ans.

Où il est question de cette com' qui remplace l'action, affaiblit les idées, et tue la politique à petit feu.

La politique mérite mieux. En Espagne, Podemos a redonné des couleurs à l'engagement citoyen. Au Portugal, la gauche plurielle s'unit. En France, des élus et sympathisants font campagne, parfois avec l'énergie du désespoir ou l'envie de convaincre. Mais en France, nos seniors du combat politique paraissent désemparés.
Valls et le discours de Moirans
Il fait paraît-il un "duel", de surcroît à distance, avec Nicolas Sarkozy. A-t-il le choix ? Manuel Valls tente de survivre. Aspiré par Hollande, coincé au gouvernement, abimé par l'enfer de Matignon, le premier ministre se place sur un horizon politique plus lointain que cette présidentielle. Et quoi de mieux que de s'affronter à un ancien monarque qui sera peut-être son adversaire de 2022 ?
Les meilleurs duels sont aussi ceux qui opposent des proches. Les meilleurs westerns cinématographiques ont de cet acabit.
Cette semaine, voici donc Valls sur le terrain sécuritaire. Il s'est rendu à Moirans, près de Grenoble, où des gens du voyage le 20 octobre dernier avaient incendié 35 voitures, détruit du mobilier public, dégradé un restaurant et bloqué une voie ferrée après le refus par un juge de libérer l'un des leurs pour qu'il assiste à un enterrement. En juillet 2010, Sarkozy alors président était venu dans la région dans des circonstances similaires. Son fameux discours de Grenoble, xénophobe et vichyste, pronant la déchéance de nationalité et la chasse aux roms, avait horrifié jusqu'à l'Eglise, la Commission et le Conseil européens, et même l'ONU, et fracturé pour la première fois sa propre majorité entre centristes et sarko-fans.
A son tour, Valls vient avec son discours, il livre sa tribune sur Facebook. A la différence de Sarkozy,  Valls ne délivre aucune outrance. Les mots sont importants dans un mots où l'hégémonie culturelle semble avoir été abandonnée à l'extrême droite et la droite furibarde. Valls cite Hobbes et Hannah Arrendt. Il s'inquiète de "l'effondrement plus ou moins général, plus ou moins dramatique de toutes les autorités traditionnelles". Il critique cette droite qui coupe dans les moyens de la justice et de la police mais braille en parallèle ses arguments anxiogènes et démagogiques.
Les mots sont importants, mais ils ne suffisent plus. Dans son (trop) long texte, Valls se livre aussi à une auto-défense qui ne résiste pas à l'examen de la réalité. Il n'est plus convaincant quand il loue sa politique de l'offre. Même les médias conservateurs commencent à l'avouer. Cette dernière est un flop.  Et  les signaux faibles d'une reprise économique molle et fatiguée n'écartent pas le constat principal: la France sortira du quinquennat Hollande avec des comptes un peu redressés, mais davantage de chômage et d'inégalités sociales.
Valls est aussi silencieux sur ses propres dérapages à l'encontre des immigrés, ou de l'atonie française à l'égard des réfugiés du Moyen-Orient. Il se félicite d'une Europe qui vient pourtant de mettre à genoux la Grèce.
Last but not least, Valls reprend l'antienne libérale confusionniste selon laquelle il y a trop d'impôts en France: "Oui, il y a une rupture de confiance entre les Français et l’impôt. Oui, les impôts ont trop augmenté" martèle-t-il. Mais de quels impôts parle-t-on ? La plus forte progression fiscale des 3 dernières années ont touché les revenus du capital et des couches les plus aisées. Par cynisme ou amateurisme, Valls entretient la confusion la plus complète entre les impôts des riches et les impôts des modestes. Avec l'amateurisme le plus complet, le gouvernement vient ainsi de supprimer la taxe foncière que quelque 250.000 retraités modestes s'apprêtaient à payer pour la première fois à cause d'un abaissement de seuil décidée par la majorité sarkozyste. Le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert, a même appelé ces contribuables à ne pas payer leur impôt s'ils avaient déjà reçu l'appel du fisc. Quel cirque !
A l'inverse, le fisc est tombé sur deux des rares médias indépendants, Arrêt sur Images et Mediapart. La fiscalité a ses raisons que la justice ignore. Les deux sites n'appliquaient pas la bonne TVA depuis quelques lustres. Ce redressement peut leur coûter la survie.
Sarkozy, mensonges et omissions.
Il dérape, il dévie, détonne à peine sur RTL un 4 novembre au matin. Une trop longue interview, et voici que l'on retrouve l'ancien monarque sans filtre ni parachute. Sarkozy est resté Rantanplan, comme avant. Le même, inchangé, figé dans le temps et ses bourdes, incapable de réaliser combien il s'auto-détruit par ses propres bêtises. Ce mercredi-là, le déni dont il fit preuve a surpris: il n'a donc vraiment pas changé.
"J'aimerai savoir quelle est la promesse de 2007 que je n'ai pas tenue".
Il fallait l'entendre pour croire à une telle audace. Nicolas Sarkozy vit dans un monde parallèle.Sur le reste, le candidat est déjà lui aussi en campagne pour 2017: création de 200.000 places de prisons, maintien de la centrale de Fessenheim, suppression des 35 heures, affaiblissement du rôle syndical.
Dans son monde, on peut aussi dépenser deux ou trois fois plus que tous les plafonds légaux de financement de campagne présidentielle. Les enquêteurs de l'affaire Bygmalion - une fraude de 18 millions d'euros portant sur la campagne de 2012 - ont mis la main sur d'autres documents à charge... et une seconde agence de communication qui, selon Mediapart, surfacturait également ses frais.
L'actuel président de LR n'attire plus les foules, son autorité est contestée. C'est peut-être le seul changement par rapport à l'ancienne et glorieuse époque de Sarkofrance. Alors il sur-joue la com'.
Sarkozy est pourtant seul sur l'estrade de  la Mutualité, à Paris, pour son discours au conseil national du parti. Ses rivaux Fillon, Le Maire et Juppé sèchent, les sarkozystes fulminent. Et Sarkozy est défié dans le Sud-Ouest par un ancien politologue devenu tête de liste LR aux élections régionales, Dominique Reinié. Ce dernier vient d'éjecter un sarkozyste de son équipe. L'ancien monarque ne sait plus tenir son propre parti...
Hollande et le syndrome de Lucette
Tout concourt à préparer un duel Sarko/Le Pen au second tour de l'élection présidentielle. Et la course aveugle de l'équipe Hollande n'y change rien, bien au contraire.
Même sur le terrain sociétal, cette dernière commet des sorties de route sur le chemin du progrès. Cette semaine, Marisol Touraine a légalisé le don du sang par les homosexuels à condition d'une abstinence sexuelle ... de 12 mois (contre 4 mois pour les hétérosexuels). La ministre de la Santé abroge une interdiction pour officialiser une discrimination, la belle affaire !
A quelques semaines du scrutin régional et quelques jours de l'ouverture de la COP21, le même gouvernement laisse le préfet de Loire-Atlantique engager la « reprise » des travaux de l'aéroport controversé à Notre-Dame-des-Landes. Quel signe !
Engagés têtes baissées dans des efforts de com' tous azimuts comme pour masquer la réalité inaudible ou inexistante de leur action sur le terrain, les ministres prennent des coups ou trébuchent. Interrogée sur RMC, la ministre du travail confesse ainsi qu'elle ne sait pas combien de fois un CDD peut être renouvelé (une fois, madame la ministre; une fois). Sa consoeur de l'Education nationale est elle victime d'une violente diatribe misogyne à souhaits par le sous-chroniqueur d'un hebdomadaire conservateur qui raille son rouge-à-lèvres et son soutien-gorge. Najat Vallaud-Belkacem pouvait pourtant se féliciter pour sa campagne récente contre le harcèlement à l'école, une campagne qui a énervé ... des syndicats d'enseignants. Le monde tourne à l'envers...
La com' artificielle de la Présidence fait autant de ravages. L'effet Boomerang de la rencontre Hollande avec une retraitée dénommée "Lucette", le 29 octobre en Lorraine, est manifeste. Dans un appartement nettoyé et sécurisé de fonds en comble, décoré de multiples bouquets de fleurs,devant des caméras et les flashes crépitants de la presse,  l'échange "populo-présidentiel" a tout du pré-fabriqué daté et creux, c'est de la télé-réalité d'Etat dénonce Mélenchon. Lucette a tout balancé après: on lui avait soufflé les questions, on lui ne avait interdit d'autres.
"Le petit génie de la com qui a trouvé cette idée à deux balles nous prend vraiment pour des demeurés." Jean-Luc Mélenchon
Giscard invitait des éboueurs pour le petit-déjeuner matinal à l'Elysée, Sarkozy faisait embaucher des figurants pour des visites dans les usines, Hollande joue au café improvisé. Nous sommes en 2015, à l'heure des réseaux sociaux, de la sur-transparence médiatique, de l'instantanéité de la communication, et certains communicants élyséens déroulent encore des plans de com' hérités des années 70.

L'affaire Lucette n'est pas seulement risible, elle abime encore davantage la politique. Sommé de s'expliquer sur cette mise en scène, Hollande se justifie:

"Sur le contact direct, je sais que les Français savent me trouver."

Oui, les Français savent où vous trouver.


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