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Laurence Predo, créatrice de " Lorette & Jasmin " : "Je ne suis plus la femme de l'ombre"

Publié le 09 novembre 2015 par Montaigu

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Dans la série un entrepreneur nous est conté, rencontre avec Laurence Prédo, fondatrice du dépôt-vente loretteetjasmin. Un chemin pavé de rebondissements.

Dans la famille Cochon, les cartes du père et de la fille ne seront jamais réunies

Mon parcours est lié à une histoire familiale très forte. Mon grand-père a fondé en 1920 la société PREDO spécialisée dans la charcuterie. Mon père lui a succédé à la fin des années 50. Il a eu des idées très novatrices pour l’époque. Tout d’abord, il a imaginé une stratégie de marque.  Pour gommer l’aspect industriel et retirer ce qui semblait résonner étranger (alors que la famille est bien française), il a changé la dénomination de la société en "Prédault". Ensuite il a initié un marketing  du jambon : qui n’a jamais entendu parler du «  Foué de Paul Prédault »?

J’étais très proche de mon père que j’adorais, et l’ambition de ma vie, dès mon plus jeune âge, a été de travailler à ses cotés. Dès l’âge de 12 ans, une fois sifflé le signal des vacances scolaires, je me précipitais dans son entreprise. Je me suis ainsi familiarisée  avec différents services : le standard, l’administratif, la production à la chaîne. Après  mon bac, papa estimait nécessaire de me voir entreprendre des études commerciales. Je me suis donc inscrite dans une école idoine pour m’apercevoir assez vite que ce n’était pas fait pour moi. J’ai laissé tomber en cours d’année et parce qu’il pensait que c’était une punition, mon père m’a envoyée travailler à Rungis pendant 6 mois. J’étais aux anges bien que l’expérience se soit révélée assez dure.

A la rentrée suivante, j’ai entamé un cursus d’expertise comptable que j’ai abandonné (je le reprendrai plus tard) pour cause de rencontre avec l’homme qui allait devenir le père de mon fils. Il possédait un laboratoire de prothèses dentaires pour lequel je me suis impliquée dans la communication et le management. Et je suis devenue « la femme de l’ombre ». Nous nous sommes séparés et mon père m’a dit : « J’ai du travail pour toi ». Il m’a confiée les relations publiques et les contacts avec la presse avec pour mission, entre autres, de faire découvrir les produits auprès du secteur de la restauration « hors foyer ».

Pour différentes raisons, j’ai senti que le scénario que nous souhaitions ardemment tous les deux, ne s’écrirait malheureusement jamais. 

Une agence de communication m’a alors contactée pour suivre le secteur de l’agro-alimentaire. Le patron est devenu mon compagnon et à nouveau, je me suis muée en « femme de l’ombre ». L’inévitable rupture a suivi. J’ai ensuite fait un détour peu passionnant dans une autre structure de RP qui a mis la clé sous la porte. 

Puis ma vie professionnelle a pris un tournant très différent. J’ai proposé à un de mes copains qui avait une boîte de BTP de prendre en charge le recouvrement de ses impayés (je n’avais pas suivi un cursus dans l’expertise-comptable pour rien). De fil en aiguille, j’en suis arrivée à monter ma propre affaire et l’aventure a duré joyeusement 7 ans.

Et le hasard s’est invité.

J’ai emménagé en 2004 dans un nouvel appartement. Ma voisine me voyant encombrée de cartons de vêtements m’a indiquée un dépôt-vente de quartier, une boutique située dans une petite rue. J’y suis allée et j’ai sympathisé avec la propriétaire, une dame d’un certain âge qui tenait ce commerce depuis 40 ans. Elle avait un style assez « Puces » et une clientèle d’habituées. En 2009, elle m’a proposée d’acheter. Alors que tout était pratiquement finalisé, j’ai eu peur et quatre jours avant la signature, je me suis désistée. Pourtant l’idée me trottait toujours dans la tête. Moins d’un an plus tard, je me suis manifestée auprès d’elle. Elle avait alors quasiment vendu. Attachée à l’idée de me voir reprendre son bébé, nous avons conclu. 

J’ai choisi le jasmin pour la fraîcheur et la senteur. Quant à Lorette, c’est venu de mon dada pour les noms un peu vieillots comme Louisette, Colette. Et Lorette n’est pas loin de Laurence. Lorette & Jasmin est né. 

Les bonnes et mauvaises nouvelles...

Au travers de ce choix, j’ai accompli mon rêve d’enfant : travailler enfin avec mon père, disparu depuis peu, et qui était mon partenaire financier. La boucle était bouclée, enfin !

Les débuts se sont montrés difficiles. Cette femme, à qui j’avais rachetée cette boutique, souhaitait la continuité pure et simple : même décoration, même sélection, mêmes clientes. La transition a été très tendue. Au cours de la première année d’exploitation, je flottais totalement et ne me sentais d’aucune manière dans mon élément. Si quelqu’un m’avait de but en blanc offert de reprendre, j’aurais donné les clés sans hésiter et serais partie en courant.

J’ai repris ma respiration et j’ai réalisé qu’il me fallait donner un sens à cette histoire en marquant cette petite boutique de mon empreinte ; en lui attribuant une âme. Je me suis attaquée à une identité visuelle et la mise en place d’un site. J’ai mis sur pied un service de location de sacs à mains que les journalistes ont baptisé « premier bar à sacs de Paris ». L’émergence de la marque « Lorette & Jasmin » m’a permise de me l’approprier et je suis devenue Lorette.

Quelles ont été les répercussions dans votre vie ? 

Cette aventure a bouleversé ma vie. Je ne suis plus la femme de l’ombre. Mais je me suis heurtée à mon cercle immédiat qui ne m’a pas soutenue, en dehors de mon père. L’homme qui partageait ma vie m’a traitée de « petite épicière de quartier sans envergure » et nous nous avons mis un terme à notre relation. Mon fils m’a regardée avec stupeur.

J’ai pris goût à ce petit business. J’aime l’harmonie qui s’en dégage. Je propose une offre large et variée.  Cet endroit fonctionne comme un point de rencontres de femmes très différentes qui poussent la porte pour parfois, simplement, passer un bon moment. Je n’ai pas l’objectif de gagner des mille et des cents, je suis heureuse si mes clientes sont contentes. Et ma trésorerie est parfaitement saine, ce qui ne gâche rien.

L’organisation de tout ça est évidemment très chronophage. Par chance, je suis dotée d’une grosse capacité de travail. Il y a une démultiplication des tâches. La gestion des stocks ne peut être standardisée parce que chaque pièce est unique. Je vends aussi des articles de très grande marque par l’intermédiaire de sites de haut de gamme, ce qui bien sûr m’oblige à suivre le réassort. Je gère les comptes de clientes à qui j’accorde des facilités de paiement quand elles m’achètent des sacs Chanel, par exemple. Etc. Bref, je suis une fourmi courant après le temps.

Le mot de la fin : j’ai exulté le jour où mon fils m’a gratifiée d’un « bravo, maman! ».


 
 


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