Commerce médical ou comment faire passer la pilule

Publié le 11 novembre 2015 par Edelit @TransacEDHEC

En 2012, 15 millions de Français étaient atteints d’une maladie chronique. Si l’on ajoute à cela les maladies saisonnières, nombreux sont les demandeurs de traitements médicamenteux ! Il serait dommage de ne pas en profiter pour gagner de l’argent… Prix exorbitants des comprimés, procès pour atteinte à la propriété intellectuelle, spéculation ; certains ont trouvé le moyen de s’enrichir en profitant du besoin parfois vital des souffrants en soins. Preuve que le malheur des uns fait le bonheur des autres !

Comment se faire de l’argent sur la souffrance des pauvres gens

Il a seulement 32 ans mais beaucoup le considèrent déjà comme le plus gros escroc de la planète. L’Américain Martin Shkreli, patron du hedge fund Turing Pharma, s’est rendu célèbre en septembre dernier pour avoir augmenté de 5500% le prix du Daraprim, un médicament prescrit entre autres contre le sida. Après avoir racheté le laboratoire pharmaceutique responsable de sa production, Shkreli a décidé de se faire plaisir. A l’origine vendu 13,50 dollars, le comprimé est désormais disponible pour la modique somme de… 750 dollars – et ce en dépit de sa classification par l’OMS comme « médicament essentiel ». Comme le dit l’adage, mieux vaut être riche et en bonne santé que pauvre et malade.

Puisque ces médicaments sont vitaux pour leurs consommateurs, pourquoi se priver d’une jolie marge ? Surtout que les Américains sont prêts à y mettre le prix : en 2007, plus de la moitié des faillites personnelles aux Etats-Unis étaient directement liées aux dépenses de santé. Shkreli connaît bien la technique puisqu’en 2011 il avait déjà augmenté de 2000% le prix d’un médicament destiné aux enfants atteints d’une maladie rénale rare. La rareté justifie le prix en économie… Cependant ce personnage n’est que l’un de ces nombreux profiteurs qui ont choisi de s’asseoir sur leurs principes moraux.

Les profits démesurés de l’industrie pharmaceutique

L’industrie pharmaceutique est un secteur qui se porte bien. En 2014, il a enregistré une croissance de près de 9%. La même année le marché mondial a passé la barre des 1000 milliards de dollars. Dominé par des géants comme le Suisse Novartis ou l’Américain Pfizer, le commerce des médicaments bénéficie du vieillissement de la population des pays les plus riches, et de l’augmentation des maladies chroniques nécessitant des soins sur une longue durée. Bref, de quoi amasser de jolies sommes.

Avec des taux de marge bien supérieurs aux autres industries, on serait tenté de voir dans le commerce des médicaments une poule aux œufs d’or. Les grands groupes se défendent en mettant en avant les coûts énormes de la recherche, évalués à 1,5 milliard de dollars en moyenne par médicament. Cependant, vu la profitabilité de cette industrie, les coûts élevés sont largement inférieurs aux revenus générés… Sachant que seule une infime partie des médicaments mis au point sera autorisée à la vente, on comprend mieux la cupidité des labos ! Un médicament mettant dix à quinze ans à devenir rentable, ces derniers multiplient les dépôts de brevets grâce auxquels ils jouissent d’une exclusivité d’exploitation pendant 20 ans. Un procédé souvent abusif puisqu’il leur permet de pratiquer les prix qu’ils veulent…

Les grands groupes pharmaceutiques mettent en œuvre des stratégies moralement discutables pour augmenter leurs profits et protéger leur monopole, par exemple en déposant des plaintes contre les états qui auraient le malheur de vouloir baisser les prix. En 2013, Novartis a ainsi perdu un procès qui l’opposait à l’Inde, l’un des principaux pays producteurs de génériques au monde. Les leaders du secteur ont massivement recours au lobbying pour défendre leurs intérêts, et dénigrent avec acharnement les génériques, en leur supposant des effets indésirables… qui n’ont jamais été prouvés. Et, dans un souci de rentabilité, ils n’hésitent pas non plus à focaliser leur recherche et leur production sur des médicaments destinés à la clientèle riche et âgée des pays développés, au détriment des maladies rares qui par rapportent moins et sont donc délaissées. Dommage si vous êtes atteints d’une maladie orpheline, il valait mieux avoir du diabète !

La contrefaçon de médicament, business mortel et lucratif

Le coût élevé des traitements médicaux est une aubaine pour les trafiquants, notamment dans les pays en développement. Selon une étude de 2011, les médicaments contrefaits généreraient des revenus supérieurs au commerce de marijuana et à la prostitution ! Ces faux médicaments, au mieux inefficaces, au pire toxiques, représentent jusqu’à un tiers des ventes dans certains pays africains.

En 2009, 84 enfants nigérians étaient morts pour avoir ingéré un sirop pour la toux contenant de l’anti-givre pour véhicule. Bien plus rentable que le trafic de fausse monnaie ou d’héroïne, le commerce des faux médicaments s’épanouit librement sur internet et touche de plus en plus les pays développés. Pour la plupart fabriqués en Chine ou en Inde, les comprimés sont vendus sous un nom de médicament existant, dans un emballage reproduisant à l’identique l’original. Même un pharmacien chevronné n’y verrait que du feu. Des contrefaçons moins élaborées circulent également sur les marchés de rue dans certains pays.

Depuis que la vente de médicaments sur Internet a été autorisée dans une quinzaine de pays européens, entre 2010 et 2013, les trafiquants se frottent les mains. Selon l’Institut international de recherche anti contrefaçon de médicaments (IRACM), au moins la moitié des médicaments vendus en ligne serait des faux, ou des produits de qualité inférieure. Et devinez qui bat les records de vente illégale ? Le Viagra bien sûr !