(André Malraux, suite) La deuxième partie de sa vie est marquée par la période de la guerre froide qui l'éloigne des communistes. Serra évoque : " l'immédiat après-guerre, quand d'homme de lettres-politique il se transforme en politique lettré ".
Malraux va alors jouer un rôle majeur auprès du général de Gaulle, d'abord mezza voce sous la IVe République pendant la traversée du désert (1947-1958), période où, infatué de sa personne, il disait aux journalistes : " L'entourage du général de Gaulle c'est moi ", puis en qualité de ministre des affaires culturelles de la Ve de 1958 à 1969, date de la démission du général auquel il restera fidèle dans la défaite et le retrait de la vie publique. Il ne sera plus jamais membre du gouvernement.
Il publiera Ces chênes qu'on abat ... semi-alexandrin emprunté à un poème de Victor Hugo, Á Théophile Gautier, et livre qui relate sa visite à Colombey-les-Deux-Eglises après le départ de de Gaulledu pouvoir.
Son parcours se termine par la geste romantique de l'expédition au Bangla Desh qu'il veut aider dans sa guerre pour accéder à l'indépendance (indépendance d'un Etat qui se crée en sécession du Pakistan dont il constituait la partie orientale). L'affaire du Bengale avait ému l'opinion internationale, un concert pour le Bangla Desh (1) permettra de lever des fonds au bénéfice des populations civiles.
La dépouille mortelle d'André Malraux † est transférée au Panthéon le 23 novembre 1996, le quotidien La Croix titre en cette occasion : " Le gaullisme romantique entre au Panthéon ".
> Louis AragonPoète, militant engagé sa vie durant au parti communiste, Aragon est peut-être celui des trois dont l'œuvre littéraire est la moins oubliée, sans doute en raison de l'adaptation par Jean Ferrat de plusieurs de ses poèmes inclus dans le répertoire du chanteur à textes dans les années soixante-dix ; il était d'ailleurs considéré par Drieu La Rochelle comme le premier écrivain de leur génération (2).
Il y avait une faille dans la vie d'Aragon, une blessure. Il était le fils naturel d'un préfet, ou plutôt d'un préfet de police. Sa mère était donc ce qu'il était convenu de nommer à l'époque une "fille-mère" : difficile à assumer. Il eut la chance cependant de rencontrer en 1928 Elsa Triolet, belle-sœur du poète Maïakovski (1893-1930) : ce fut le coup de foudre, ils formeront un couple fusionnel. Pour elle il écrira :
" Comme une étoffe déchirée
On vit ensemble séparés
Dans mes bras je te tiens absente
Et la blessure de durer
Faut-il si profond qu'on la sente
Quand le ciel nous est mesuré
C'est si peu dire que je t'aime "
( Le Fou d'Elsa, Journal de Moi)
Peu le savent, Serra nous l'apprend, le roman d'Aragon Aurélien ne ferait que reprendre un thème développé par Elsa Triolet dans Le Cheval blanc, autre roman écrit en 1943.
On se souvient que l'héroïne d' Aurélien s'appelle Bérénice, titre éponyme de la pièce de Racine. Aragon a voulu inscrire ce roman, où il peint son ami Drieu La Rochelle, et au-delà son œuvre, dans la filiation d'un grand écrivain classique, mais il surprend dans l'incipit du roman :
" La première fois fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide "
Cette filiation avec le classicisme et la pièce de Racine est encore affirmée jusqu'à devenir un leitmotiv :
" Il y avait un vers de Racine que ça lui remettait en tête [...] un vers qu'il ne trouvait même pas beau [...] mais qui l'avait obsédé, qui l'obsédait encore [...] c'était peut-être le sens de cette réminiscence classique : " Je demeurai longtemps errant dans Césarée " ... ".
Aragon veut montrer que l'écrivain qu'il est revendique pour son parti, via Racine, l'héritage littéraire de la France, France éternelle aurait dit de Gaulle, là aussi l'écrivain Aragon ne peut pas être séparé du militant. Militantisme qui confine à l'orthodoxie la plus détestable dès lors qu'il conduit à chanter les louanges de Staline à tel point que l'on attribuera à Aragon des vers, je cite :
" Et Staline pour nous est présent pour demain
Et Staline dissipe aujourd'hui le malheur
La confiance est le fruit de son cerveau d'amour
La grappe raisonnable tant elle est parfaite "
qui sont de ... Paul Eluard, Ode à Staline (1950) mais qu'il aurait pu tout aussi bien écrire ; militantisme qui le conduit aussi à dénigrer Paul Nizan (3), brillant intellectuel, qui a rompu avec le parti communiste immédiatement après la signature du pacte germano-soviétique, Nizan tué en mai 1940 par des balles allemandes est attaqué post-mortem dans Les Communistes, ouvrage en trois volumes ; Nizan est traité de renégat et qualifié de traître ; militantisme qui le conduit enfin à rompre avec les surréalistes à partir du moment où Moscou exige des écrivains occidentaux d'adopter les canons esthétiques du réalisme socialiste contre une avant-garde décrétée définitivement petite-bourgeoise, donc individualiste, donc incapable d'être une alliée fidèle et loyale de la classe ouvrière et de la paysannerie.
A-t-il oublié à ce moment-là que c'est lui qui avait fondé le mouvement surréaliste avec André Breton et Philippe Soupault?
Beaucoup d'erreurs, par conséquent, dans ce parcours que ne peut équilibrer au trébuchet de l'Histoire la condamnation de l'intervention des chars soviétiques et du pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie, en août 1968, qui met définitivement fin au Printemps de Prague et à l'espoir d'un socialisme à visage humain (A. Dubcek). Aragon dans Les Lettres françaises dénoncera un " Biafra de l'esprit ". En 1968, des enfants biafrais, d'une République créée en sécession de l'Etat du Nigéria, moururent de faim en masse après le blocus qui fut imposé à cette province.
Dans l'introduction de son livre Maurizio Serra écrit :
" Si Aragon s'est beaucoup aimé et Drieu beaucoup haï, en narcissiques opposés mais classiques, chacun lové dans son "mentir-vrai", Malraux a tenté de camoufler la part de sa vie qui n'était pas à la hauteur de son mythe "
Chacun de ces frères séparés, que rapprochait également une aspiration commune au dandysme, présente à mes yeux, et je serai donc subjectif, un intérêt différent :
- au point de vue de l'écriture, j'aime le style élégant du Drieu La Rochelle de Journal d'un homme trompé (nouvelles),
- si je recherche une approche lyrique de la littérature la poésie d'Aragon me convient tout à fait, telle qu'elle s'exprime, par exemple, dans Le Crève-cœur,
- à la rencontre d'un romantisme échevelé, avec, et malgré, sa part d'artifice, Malraux ne peut que croiser mon chemin : j'élis à mon Panthéon Le Triangle noir, brillant essai consacré à un peintre, Goya, un écrivain, Choderlos de Laclos, et un révolutionnaire, Saint-Just.
(1) un film, que j'ai vu à Londres en 1972, montrera ce concert organisé à l'initiative de George Harrison
(2) cf. Emmanuel Berl, Interrogatoire par Patrick Modiano suivi de Il fait beau allons au cimetière, Gallimard, 1976
(3) je consacrerai un prochain billet au roman de Nizan " Aden Arabie "
À propos de mfrontere
Vous en une ligneNé près des rives de la Méditerranée, je me sens des affinités particulières avec les gens qui vivent le long de l'ancienne Via Domitia romaine, quelque part entre Rome et BarceloneBiographieNé à Béziers (Hérault) dans une famille ouvrière de quatre enfants, père : maçon, mère au foyer, dont je suis le 3ème, je vis dans le sud de la France Cadre en relation avec la vie des collectivités locales, je suis titulaire des diplômes suivants : - jusqu'au baccalauréat : certificat d'études primaires élémentaires (1968) ; brevet d'études du premier cycle du second degré (B.E.P.C., 1971) ; baccalauréat de l'enseignement du second degré, série philosophie-lettres, diplôme obtenu avec mention du jury (1975) - universitaires : * Diplôme de l'Institut d'études politiques (I.E.P.) de Grenoble-II (Université Pierre Mendès France), section politique et sociale (octobre 1982) * Diplôme d'études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en administration économique et sociale, option administration locale, de l'Université Paris-XII, diplôme obtenu avec mention du jury (novembre 1986) * Licence de lettres, option "lettres modernes", de Montpellier-III (Université Paul Valéry, mai 2006) Je prépare actuellement le master (anciennement maîtrise) de "Littératures française et comparée" Réussite examens et concours : - concours de l'Ecole normale d'instituteurs de Montpellier, 1971 (j'ai démissionné de l'Education Nationale pour reprendre mes études à l'Université) - examen professionnel d'attaché principal territorial, reçu avec mention du jury (1991) - rapports et études : "Le contrat insertion - revenu minimum d'activité : étude de mise en oeuvre dans le Gard et perspectives" (2004) ; "Un mécanisme précurseur de la décentralisation : le fonds départemental d'équipement des communes (F.D.E.C.) dans la Nièvre" (1986) Pour soutenir le journal, je suis actionnaire de la Société des Lecteurs du "Monde" et de son groupe de presse "LMPA" (Le Monde Partenaires Associés) Avertissement : 1/ Le blog "fragments.fr" © est hébergé sur le site du quotidien "Le Monde" 80 boulevard Auguste-Blanqui 75707 Paris Cedex 13 ; les articles, opinions et points de vue exprimés sur ce blog ne sauraient en aucun cas engager la rédaction du journal ni la responsabilité du "Monde" 2/ Les photos et extraits d'oeuvres publiés sur ce site, qui ne sont pas de mon fait, sont réputés avoir acquis un caractère public. Si vous êtes un ayant-droit d'une de ces photos - ou de l'une de ces oeuvres - et que vous ne souhaitez pas qu'elle apparaisse sur mon blog, merci de me l'indiquer par e-mail. Je la retirerai à réception de votre message ; ce site entend en effet se conformer aux dispositions du Code de la propriété intellectuelle, notamment les articles L.111-1 et L.122-4 Le même principe vaut pour les sites auxquels renvoient les liens hypertextes 3/ Conformément à l'article 6.IV 1er alinéa de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, les personnes qui s'estimeraient mises en cause sur ce blog bénéficient d'un droit de réponse que je leur propose d'exercer selon des modalités à définir en commun 4/ Certains liens hypertextes sont susceptibles de ne plus fonctionner correctement après un certain temps Centres d'intérêtJ'aime la littérature (Walter Benjamin, Balzac, Valéry Larbaud, Patrick Modiano, Alberto Moravia), et surtout la poésie ; j'aime aussi les Chinoises ; Emmanuelle Béart ; Alain Bashung que j'ai vu trois fois en concert en 2004 (Théâtre de Nîmes, Printemps de Bourges et Paris, salle de l'Elysée-Montmartre) ; William Sheller ; les traités de ponctuation