gr??ve des enseignants, ou la question des heures de "premi??re chaire"

Je voudrais dire un mot des gr??ves qui toucheront l???Education nationale aujourd???hui, gr??ves dont je ne suis pas solidaire. Le but, pour les gr??vistes, est d???abord de s???opposer au d??cret Robien, qui supprime un certain nombre d???heures de d??charges pour les enseignants, et de fa??on plus g??n??rale, comme pour chacune des gr??ves de la fonction publique, de demander une revalorisation des salaires.

Commen??ons par expliquer en quoi consiste le fameux d??cret Robien. Depuis 1950 existe dans l???Education nationale ce qu???on appelle ?? l???heure de premi??re chaire ??. Par cette expression qui doit para??tre curieuse ?? ceux qui ne sont pas familiers avec le milieu de l???enseignement, il faut comprendre qu???est accord??e ?? tout professeur exer??ant au moins six heures en classes de premi??re ou de terminale une diminution d???une heure de son service hebdomadaire, en raison du surcro??t de travail qu???impose la pr??paration au baccalaur??at. Autrement dit, le maximum de service du certifi?? b??n??ficiant de l???heure de premi??re chaire est donc de 17 heures au lieu de 18, et pour l???agr??g??, de 14 heures au lieu de 15. Il arrive cependant fr??quemment que la 15??me ou la 18??me heures soit assur??e tout de m??me par l???enseignant, mais elle est alors pay??e en tant qu???heure suppl??mentaire-ann??e (l???heure suppl??mentaire ?? l???ann??e est r??mun??r??e en moyenne 1600 euros par an pour un agr??g??).

Le minist??re de l???Education Nationale, suite ?? un audit commun avec l???inspection des finances, a estim?? pouvoir moderniser les d??crets de 1950 pour les adapter ?? la situation actuelle. Cela signifie en clair que le minist??re cherche (l??gitimement, lorsqu???on voit le poids de la dette en France) ?? faire des ??conomies. Le d??cret Robien n???est pas, me semble-t-il, aussi scandaleux qu???on veut le faire croire, dans la mesure o?? il ne supprime pas en soi l???heure de premi??re chaire, mais la maintient d??sormais uniquement pour les professeurs qui enseignent une discipline obligatoire ??valu??e au baccalaur??at.

En 1964, en effet, le baccalaur??at en deux parties a ??t?? supprim??, si bien que depuis cette date, un certain nombre de professeurs continuent ?? b??n??ficier de l???heure de premi??re chaire (pour des heures en classe de premi??re) tout en enseignant moins de 6 heures hebdomadaires dans des classes ??valu??es au baccalaur??at. Il ne semble donc pas en soi incoh??rent de revoir ?? la baisse l???attribution de ces heures de premi??re chaire. Au-del?? de l?????conomie ?? r??aliser, on peut ??galement consid??rer que c???est une mesure d?????l??mentaire justice vis-??-vis des professeurs qui enseignent effectivement leurs six heures hebdomadaires dans les classes de baccalaur??at.

Je donne quelques chiffres qui feront comprendre combien l???enjeu est important. Selon l???audit du minist??re, la totalit?? des heures de d??charges repr??sente l?????quivalent de 28000 postes ?? temps plein ! En juin 2006, le ministre d??l??gu?? au budget estimait que la modification de l???attribution des heures de premi??re chaire permettrait ?? terme la suppression de 10000 emplois (entendez par l??, le non remplacement de 10000 d??parts ?? la retraite). Par cons??quent, Gilles de Robien pouvait d??clarer ?? la presse en septembre dernier : ?? Le budget 2007 se traduit donc par la remise en cause de 10% de ces d??charges, soit 2300 ??quivalents temps pleins d???enseignants qui seront invit??s ?? faire des cours devant des ??l??ves, ce qui explique la suppression ??quivalente de 2300 emplois. C???est de la bonne gestion. ??

Je comprends que certains enseignants ayant toujours b??n??fici?? de cette heure de premi??re chaire soient m??contents : ceux qui n???assuraient que 14 ou 17 heures devront en assurer une de plus, et ceux qui effectuaient tout de m??me 15 ou 18 heures perdront le b??n??fice d???une heure suppl??mentaire ann??e. Cependant, l???int??r??t g??n??ral doit toujours primer sur l???int??r??t particulier. Le budget de l???Education nationale, - qui est le plus ??lev?? d???Europe en proportion du nombre d?????l??ves et pour des r??sultats qui ne sont pas meilleurs -, peut et doit ??tre diminu??. Cette r??forme des heures de premi??re chaire est justement un moyen de le faire sans porter atteinte ?? la qualit?? du service public.

En disant cela, je ne nie pas pour autant la r??alit?? de la d??valorisation du salaire enseignant depuis 20 ans. Mais il faut ??tre honn??te, on ne peut pas vouloir ?? la fois toujours plus de fonctionnaires et demander des augmentations. Les salaires des fonctionnaires ne pourront augmenter que de deux mani??res : seule, d???abord, la r??duction du nombre des fonctionnaires permettra de d??gager des marges de manoeuvre - soulignons que N. Sarkozy, avec le plus grand bon sens, propose le non remplacement d???un fonctionnaire sur deux partant en retraite, l???argent ainsi ??conomis?? devant pour 50% servir au remboursement de la dette et pour 50% ?? l???augmentation du salaire des fonctionnaires. Ensuite, la seconde mani??re de gagner davantage pour les fonctionnaires ne pourra ??tre que de travailler davantage. Il n???y a aucune raison qu???il y ait en ce domaine deux poids deux mesures entre le secteur priv?? et le secteur public.

Enfin, pour conclure, je rappellerai que le gouvernement a accord?? des hausses de salaire non n??gligeables depuis 2005 ?? l???ensemble des fonctionnaires : le point d???indice a ainsi successivement ??t?? augment?? de 0,5% au 1er f??vrier 2005, 0,5% au 1er juillet 2005, 0,8% au 1er novembre 2005, 0,5% au 1er juillet 2006, 0,5% au 1er f??vrier 2007. A cela il faut ajouter l???attribution d???un point d???indice suppl??mentaire ?? l???ensemble des fonctionnaires au 1er novembre 2006. M??me si l???augmentation est inf??rieure ?? l???inflation, il ne faut pas non plus, je crois, dramatiser la situation !

J'imagine que mes propos vont susciter de vives r??actions, mais la politique n'a pas pour objet de faire plaisir ?? une cat??gorie de population, mais d'assurer au mieux le bien de tous. C'est ce dont l'enseignant que je suis a plus que jamais conscience.

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