Débarquement programmé de l’institution vingtennale du Vingt Heures, l’attachant Patrick Poivre d’Arvor. Je le revendique volontiers, comme sept à huit millions de téléspectateurs, c’est son journal télévisé que je préfère : douceur familière d’une voix, présence chaleureuse pour annoncer les sujets, calme olympien apaisant et incontestable professionnalisme malgré quelques imprécisions langagières qui, finalement, rassurent sur son humaine imperfection. A soixante balais, son intégrité capillaire maintenue vaille que vaille, le Salarié Premier de TF1 est brusquement remercié.
Nonce Paolini imprime sa marque saignante dans la destinée de la première chaîne en virant quelques mastodontes de l’information : après le, certes, plus très jeune Charles Villeneuve, c’est le directeur de l’information Robert Namias qui est prié d’aller renifler d’autres univers audiovisuels.
Dans la cas PPDA, l’une des motivations sous-jacentes de la direction serait la peu appréciée remarque du journaliste lors d’un entretien avec le suractif chef de l’Etat. Imageant son ressenti d’un frénétique Sarkozy embrassant l’Elysée, Poivre d’Arvor s'est risqué, avec le ton bon enfant qu’on affectionne, à faire le parallèle avec un petit garçon excité par la découverte de la place suprême dans le Royaume Politis. Vexation du grincheux Nicolas et pression pour accélérer la fin de carrière du ponte télévisuel.
Rumeur ? Médisance ? Fantasme ? Peut-être. Certaines pratiques antérieures (Paris Match, au premier chef) s’en rapprochent pourtant malignement.
L’audiovisuel comme chose du pouvoir, rien de nouveau sous les antennes et les paraboles, mais bien plutôt au cœur des fibres… politiques. A la censure officielle d’une ORTF aux ordres, aux diktats imposés aux chaînes publiques se substitue, pour le privé prétendument libre, l’insidieuse pression fardée d’une hypocrite proclamation de non interventionnisme.
Pas là pour plaindre le PPDA qui vivra pleinement une retraite en or massif agrémentée de quelques collaborations pépères. Plutôt un amusement, un chouia inquiet, du congru seuil de tolérance du pouvoir exécutif à l’égard de la liberté des médias historiques. Internet contrebalance, heureusement, cette ringarde rigidité de TF1 qui n’assume pas une pique homéopathique de son journaliste vedette.
Qu’elles sont loin les périodes d’affranchissement d’un cathodique hérissé ; l’ère est bien au plasma plat, fade, insipide, dans le rang ! Aux abysses l’indomptable Droit de Réponse – irremplaçable Michel Polac ! – aux catacombes le vitriolé Bébête Show, aux oubliettes les quelques niches non-conformistes qui musclaient le cortex. La chaîne encore leader a fait de sa grille un tamis nivelant où ne passent que les séries ripolinées aux intrigues mécaniques dans leur créneau exploité, récuré même ! où ne sont tolérées que les gentilles pitreries d’un Cauet élevé dans les salles de garde, le tout truffé de quelques confrontations sportives élevées au rang d’événements... sponsorisés.
Alors, quelles que soient les coulisses de cette décision contre Poivre d’Arvor, la texture de la chaîne Bouygues se dévitalise inexorablement : pas grand-chose à retirer de sa petite musique convenue qui ne doit plus être troublée par le moindre frétillement réfractaire.