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Même les assassins ont une mère

Par Pandora



Pendant longtemps, je me suis imaginée vivre dans un monde difficile mais dont les atrocités étaient très éloignées de mon quotidien. Je n’ai jamais été adepte de la lecture de la rubrique des faits divers et si les informations me rapportaient chaque jour le pire, je pensais ne jamais y être confrontée volontairement sauf à regarder de mon plein gré les séries policières de la 6, à une époque où j’avais encore une télé.

Je le croyais jusqu’au jour où les aléas d’un tirage au sort (pour une fois que je gagne quelque chose) m’ont désignée comme gagnante sans que j’ai besoin d’envoyer le montant des frais d’envoi ou de commander quelque chose. Non il me fallait au contraire écrire si je voulais refuser le cadeau, mais en avançant des arguments valables. J’avais été tirée au sort sur les listes électorales pour être jurée d’assises.
Ce cadeau ne m’a absolument pas fait plaisir.

J’évite toujours et autant que possible de porter un jugement sur les choix et les actes des personnes qui m’entourent, même si ce n’est pas forcément ce que je ferais à leur place (mais je n’y suis pas, justement). Je n’aime pas le devant de la scène, je n’ai aucune recherche de pouvoir ou de puissance pour satisfaire mon égo et je n’ai surtout aucun désir de décider de l’avenir d’un homme ou d’une femme, même au nom du peuple français. C’est pourtant ce qu’on attendait de moi dans le cadre de cette lourde responsabilité, juger quelqu'un alors que je me l'interdis dans ma vie.

Et le sort s'est acharné et a voulu que je soit retenue comme jurée pour une sordide affaire d'assassinat (au début de chaque affaire jugée pendant la session où l'on est convoqué, il y a un nouveau tirage au sort parmi les jurés présents, avec en outre possibilité de récusation par l'avocat de la défense ou le procureur si bien qu'on peut être "réquisitionnée" sans avoir à siéger dans un jury, c'est le hasard qui le détermine).
Sans revenir sur les détails puisque je n’en ai ni le droit, ni l’envie, je brosserai cependant un rapide tableau de cette affaire. Un plongée au cœur de la noirceur humaine, du sang, des coups de fusil, des morts, de la drogue et beaucoup de mensonges avec tout le monde qui se renvoie la balle. Une noirceur écœurante à quelques kilomètres de chez moi chez des gens que je pourrais croiser dans la rue. Un voyage dans un monde que je n’imaginais pas et que je ne voulais pas croire possible. Un monde qui n’avait plus rien de familier. Le procès a été long puis le vote a été éprouvant avec la lourde responsabilité qui nous incombait (combien ce devait l'être encore plus quand la peine de mort existait encore...)

J’ai décidé en mon âme et conscience. L’homme a été reconnu coupable et condamné à une lourde peine de prison. Je ne me souviens plus de son visage qui est resté impassible à l'anoncé du verdict. Mais je me souviendrai toujours du cri et des pleurs de la mère de celui qui a été reconnu comme l'assassin. Les cris d’une mère pour son enfant.
Si les victimes ont une mère, les salauds et les assassins aussi.


J’espère ne pas m’être trompée.

J’espère ne plus jamais être tirée au sort.

Si vous vous demandez comment ça se passe exactement, voici quelques explications


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