Que dire après une tuerie ? Que répondre à la terreur ? Une réponse est relayée sur les réseaux sociaux depuis que nous sommes, nous aussi, touchés par des actes terroristes meurtriers. La seule qui m'est audible, et que je regrette de ne pas entendre de la part de nos politiques. Et qui tourne en boucle dans ma tête, depuis que la France n'est plus capable de proposer mieux que des mesures liberticides. Je capte la lumière ailleurs :
" J'ai un message pour celui qui nous a attaqué et pour ceux qui sont derrière tout ça : vous ne nous détruirez pas. Vous ne détruirez pas la démocratie et notre travail pour rendre le monde meilleur. [...] Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d'ouverture et de tolérance [*]. "
C'est la réponse du premier ministre norvégien, Jens Stoltenberg, suite au massacre de 77 personnes, à Oslo et sur l'île d'Utøya, le 22 juillet 2011. Il n'est pas seul, puisque le lendemain, le roi poursuit dans la même direction : Je m'accroche à la croyance que la liberté est plus forte que la peur, je m'accroche à la croyance en une démocratie et une société norvégienne ouverte. Je m'accroche à la croyance en notre capacité à vivre librement et en sécurité dans notre propre pays.
Faisant écho à ces mots de Benjamin Franklin, que nos gouvernants semblent oublier : Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux.
Surtout pas de naïveté
Certain·e·s jugeront cette réponse naïve. Dangereusement angélique. Voire même que cette ouverture, trop permissive, est propice à la barbarie. Qu'il faut craindre. Se protéger. Renforcer la sécurité, les contrôles, les frontières, se méfier des migrants et mieux armer les forces de l'ordre, voire même les citoyens, rétablir la peine de mort et buter ces fils de p...
C'est ainsi que l'extrême-droite, en la personne de Jean-Marie Le Pen, affirme que le problème n'est pas le massacre mais la " naïveté " du gouvernement norvégien, sa tolérance et son ouverture, et la société qui en résulte, pacifique et multiculturelle.
C'est tout au contraire, ici, dans la suspicion de naïveté, dans ces pensées dictés par la crainte du danger, que se niche ce qui nourrit les inimitiés et radicalise peu à peu les esprits, au risque du pire. Si nous laissons passer dans nos discours ces phrases ignobles, si nous laissons passer cette idée que l'Europe d'aujourd'hui ne peut pas être une société multiculturelle, alors nous faisons tous ensemble le lit de ceux qui font les choses les plus horribles. [...] Nous créons le climat où des fous, des cinglés, puissent agir de cette manière.
répondait Daniel Cohn-Bendit, lors d'un vif échange au Parlement Européen, en septembre 2011.
La naïveté est de croire, comme les gosses, que l'on répond à la violence par la violence. Que la réponse à ces massacres sanglants peut être la fermeté prônée par notre président, avec le renforcement des contrôles de sécurité, la fermeture des frontières et même, déjà, des bombardements punitifs... Ne soyez pas si naïfs ! Ne tombez pas dans le piège terroriste : ne laissez pas la peur dicter vos réactions.
Le discours du premier ministre norvégien - puissions-nous l'entendre et en tirer enseignement - est disponible intégralement en vidéo sous-titrée. Il se terminait par ces mots :
La réponse à la violence, c'est encore plus de démocratie, encore plus d'humanité, mais surtout pas de naïveté [*]. C'est ce que nous devons aux victimes et à leurs familles.
Des jeunes qui se mélangent
" Nous étions intéressés par le socialisme et fascinés par le modèle scandinave. " dit Natia Chkhetiani, rescapée d'Utøya, venue de Georgie pour s'installer en Norvège, y vivre le modèle scandinave : " je voulais comprendre et participer pour avancer. " Les victimes et rescapés d'Utøya étaient des jeunes à l'image de ces sociétés multiculturelles qui existent en Europe. Comme les rescapés et victimes des récents attentats, qui endeuillent aujourd'hui Paris : français, chiliens, algériens, espagnols, roumains... Des jeunes qui se rassemblent, heureux d'être ensemble, se rencontrent, s'aiment. Des jeunes qui se mélangent.
C'est la réalité de l'Europe d'aujourd'hui. Je veux continuer à vivre en paix avec ceux qui m'entourent. Les Blancs, les Noirs, les Jaunes, les Arabes, ceux qui prient et ceux qui picolent, celles qui se voilent et celles qui se teignent les cheveux en bleu
témoigne Armance Ageorges, rescapée du Bataclan. Elle nous demande :
Dites non au gouvernement lorsqu'il essaiera de faire passer des mesures d'urgence liberticides et horribles pour ceux qui en seront les victimes.
Plus d'ouverture
Le problème, c'est notre peur. Légitime. Humaine. Comment calme-t-on la peur ? En réconfortant. En ouvrant la porte. Comme l'ont fait spontanément tant de parisien·ne·s en cette nuit terrible. Le problème, ce sont nos peurs, de l'autre, des migrants, du danger. On les désamorce par plus d'ouverture et d'humanité. En accueillant.