Il n’est pas rare de lire que la médiation est un mode de résolution des conflits familiaux qui ne convient pas lorsque la violence est présente dans la famille. Dans le centre d’investigations familiales et de rencontre dans lequel je travaille, je suis régulièrement confronté à des couples qui se disputent les conditions de rencontre ou d’hébergement de leur(s) enfants, et qui connaissent ou ont connu des épisodes de violence.
Je me pose aujourd’hui la question de savoir si violence et médiation sont vraiment incompatible. Ma réflexion est guidée par les quelques principes suivants:
- chaque fois que cela est matériellement possible, il est important qu’un enfant sache qu’il a deux parents et qu’il garde un minimum de contact avec chacun d’eux;
- comme systémicien, je ne peux m’empêcher de percevoir la violence comme un mode de relation - sans doute inacceptable - dans lequel l’ensemble des participants jouent un rôle;
- confier à la justice un débat sur l’hébergement des enfants face à une situation de violence présente un risque de stigmatisation: vous êtes coupable de violence, et la punition est que vous êtes privés du contact avec vos enfants.
Et c’est bien ce dernier point qui me met mal à l’aise: si je suis celui qui se sent régulièrement entraîné à la violence (et qui devient violent, ce qui est inacceptable), et que l’on me dit: “face à votre violence, nous répondons par cette autre violence qui consiste à vous priver du contact avec vos enfants”, je suis sans recours et ne pourrai sans doute que sentir monter en moi encore plus de violence.
La médiation peut-elle apporter une alternative à une telle situation ? Selon moi, cela dépend de la volonté des parties à aborder le problème de la violence, et de la disponibilité du médiateur pour gérer un tel débat. Reconnaître sa propre violence doit être un mouvement sincère et crédible pour les autres. Le médiateur doit pouvoir diriger un débat qui permette au violent d’avouer sa violence, et à la victime (aux victimes) d’exprimer les craintes que cette violence implique pour le futur.
La personne accusée de violence doit pouvoir comprendre les craintes de ses “victimes”. Il devient alors possible de travailler sur le thème des besoins des enfants (connaître l’existence de ses deux parents, respecter leur rôle de “fondateurs” de leur existence et donc leur commune autorité, refuser la violence comme moyen de communication, assurer leur sécurité physique et psychologique,…) pour dégager des solutions qui répondent à ces différents besoins et à ceux des deux parents.
On crée alors un espace de médiation dans lequel la “faute” de la violence peut être reconnue et faire l’objet d’une forme ou l’autre de compensation, sans que la punition ne crée un dommage à la relation avec les enfants.
Bien entendu, une telle affirmation n’ira pas sans créer des réactions. C’est pourquoi je serais heureux de voir se développer ici un débat constructif avec mes autres consoeurs et confrères médiateurs…