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Ballet: les Frankfurt diaries présentent une approche analytique du travail de William Forsythe.
Publié le 25 novembre 2015 par Luc-Henri Roger @munichandcoAvec son spectacle Frankfurt diaries, les danseurs du Theater-am-Gärtnerplatz nous permettent d´approcher dans une nouvelle perspective le travail de William Forsythe, l´un des plus grands chorégraphes contemporains. Le spectacle comporte deux volets distincts mais qui en raison même de leur contenu sont joués d´un seul tenant. En première partie, les 'chroniques de Francfort', les Frankfurt diairies, présentent la réflexion chorégraphiée de cinq danseurs qui ont longtemps travaillé avec Forsythe et qui se sont réunis sous la houlette d´Antony Rizzi pour créer un spectacle qui approche leur travail avec le chorégraphe américain au cours des 18 années où il fut successivement directeur artistique puis directeur du Ballet de Francfort. Vient ensuite, en première munichoise, la chorégraphie que William Forsythe créa en 2000, One flat thing-Reproduced, une oeuvre particulièrement emblématique du travail du chorégraphe dont les Frankfurt diairies détaille pour partie la genèse, et que les amateurs connaissent notamment par l´excellent tournage qu´en fit Thierry De Mey en 2006, un film actuellement accessible sur la toile.
Antony Rizzi longtemps l´assistant de Forsythe à Francfort. Dans les 'Chroniques de Francfort', avec ses comparses, il nous donne à voir comment Forsythe incitait ses danseurs à produire l´émergence de la danse, tant dans ses mouvements les plus simples que dans ses compositions les plus complexes, à partir du néant qui précède le geste. Peut- une manière de traduire dans le langage de la danse la question philosophique de l´être et du néant. Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien? Et concrètement, comment le geste vient-il à se produire? Comment le laisser naître dans le jaillissement créateur. Un travail primal qui tient de la germination. Forsythe attache une important énorme à l´improvisation et, si l´on en croit la chorégraphie de Rizzi qui le met en scène, travaillait en accoucheur, accompagnant le travail de conception des danseurs de ses encouragements. Ainsi leur donne-t-il un thème ou un mot, une semence que les danseurs laissent travailler en eux et dont va émerger le geste, simple d´abord, complexe ensuite, élaboré enfin dans le rapport à d´autres danseurs, en duo ou en groupes. La réflexion conceptuelle se poursuit dans le rapport aux objets. Ainsi du rapport à un objet simple et quasi linéaire comme une table que les corps des danseurs sont amenés à redécouvrir dans des interactions et des manipulations des plus diverses, qui réinventent l´objet et en démultiplient les utilisations. Le chorégraphe n´est plus simplement un créateur qui demande à ses danseurs de concrétiser sa vision mais le directeur d´un laboratoire de recherche qui comporte autant de chercheurs qu´il y a de danseurs. Le processus de création est commun et expérimental.
Et c´est dès lors en pleine continuité, sans qu´une transition se ressente, qu´on est conviés à la deuxième partie du spectacle, One Flat Thing, reproduced, qui est à la fois le prolongement et comme l´aboutissement du projet scénique des Franfurt diairies. Les vingt tables qui servent de support scénique à la chorégraphie font office de chose plate, reproduite. Elle étaient déjà utilisées dans la première partie, et sont progressivement rassemblées en fond de salle, pour revenir en front de scène, propulsées d´abord avec fracas par les 14 danseurs puis impeccablement alignées en quatre rangées de cinq tables. Un ordre parfait qui définit un espace exploratoire neutre et comme aseptisé que les regards échangés et les mouvements des corps, entre retenue et explosions, vont animer et rendre à première vue chaotique, mais plus profondément, organique, les corps fécondant la spatialité.
Le spectacle a dès la première remporté un énorme succès auprès d´un public où l´on aperçoit de nombreux professionnels du monde de la danse. La chorégraphie de Forsythe est portée par la troupe de danseurs du Theater-am-Gärtnerplatz avec un enthousiasme qui n´a d´égal que la qualité de leur travail, d´une précision millimétrée dans l´espace restreint et contraignant des alignements de tables. Une soirée qui permet d´approcher la substantifique moelle du travail de William Forsythe.
Prochaines représentations les 25, 26, 27 et 28 novembre, à 19H30, à la Reithalle de Munich. Places restantes! Cliquer ici pour réserver en ligne.
A noter que la recette la soirée du 27 sera attribuée à la Münchner Aids-Hilfe (entraide munichoise pour les personnes atteintes du sida).
Crédit photographique: Marie-Laure Briane