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290 – aristote, le premier moteur et la prematiere

Publié le 03 décembre 2015 par Jeanjacques

Aristote fut le dernier penseur qui incarna l’unité de la physique et de la philosophie. Il est assez fascinant de constater que 25 siècles après, la structure logique de sa physique reste toujours pertinente. On peut même se demander si la théorie sur les fondements de la physique n’avait pas régressé depuis lors, en particulier avec Einstein et sa conception du mouvement.
C’est qu’avant d’expérimenter et de mesurer, il importait de poser les concepts rationnels, les lois et les principes qui structurent les bases fonctionnelles de l’univers. Et puisque la vie et la matière ne peuvent exister sans le mouvement, il s’agissait de poser la question première : comment le mouvement est-il possible ?

EXTRAITS DU LIVRE XII

1- Nous avons reconnu qu'il y a trois substances, dont deux sont physiques, et dont la troisième est immobile. Maintenant nous allons démontrer, pour cette dernière, que, de toute nécessité, il n'y a qu'une substance éternelle qui puisse être immobile. Les substances, en effet, sont les premiers des êtres; et si toutes les substances étaient périssables, tout absolument serait périssable comme elles.
Mais il est impossible que le mouvement naisse, ou qu'il périsse, puisqu'il est éternel, ainsi que nous l'avons établi. Le temps ne peut pas davantage commencer ni finir, puisqu'il ne serait pas possible qu'il y eût, ni un Avant, ni un Après.

2 - Mais l'être capable de mouvoir, ou capable de faire quelque chose, a beau exister, s'il n'agit pas actuellement dans une certaine mesure, il ne peut pas y avoir de mouvement, puisqu'il se peut fort bien que ce qui a la puissance d'agir n'agisse pas. Il serait donc bien inutile de supposer des substances éternelles, et nous nous abstiendrions de le faire s'il ne devait pas y avoir un principe qui fût en état de produire le changement.
Mais ce principe lui-même, non plus que toute autre substance, qu'on supposerait en dehors des Idées, ne suffit pas ; car, si cette substance n'agit point, le mouvement sera impossible. Et même elle agirait, que ce n'est encore rien, si sa substance n'est qu'en puissance; car alors, le mouvement ne sera pas éternel, puisque ce qui n'est qu'en puissance peut aussi n'être pas.

3 - Il doit donc exister un principe dont l'essence soit d'être en acte. De plus, il faut que de telles substances soient sans matière; car ce sont les substances sans matière qui doivent être éternelles, s'il y a quelque chose d'éternel au monde. Donc, elles sont en acte.

4 - Mais ici on soulève un doute, et l'on dit : « Il semble que tout ce qui est en acte doit être aussi en puissance, tandis que tout ce qui est possible n'est pas toujours actuel. Par conséquent, la puissance est antérieure à l'acte. » Que si l'on admet cela, pas un seul être ne pourra plus exister ; car il est très concevable que quelque chose ait la puissance d'être, sans être cependant encore. ; Car, d'où pourra venir le mouvement, s'il n'y a pas actuellement de cause qui le produise? Certes, ce n'est pas la matière qui se donne à elle-même le mouvement

5- On peut se demander aussi : Quel est le premier de tous les mouvements ? C'est là un point d'une importance incalculable. Et. Pourtant, Platon lui-même ne peut dire que ce soit le principe qui, comme il l'affirme quelquefois, se donne le mouvement à lui-même.

6 - Mais si l'univers, dans sa périodicité, reste toujours le même, il faut qu'il y ait quelque chose de permanent et d'éternel, qui agisse toujours de la même manière. Enfin, pour qu'il y ait production et destruction des choses, il faut qu'il existe un autre principe qui puisse agir éternellement, soit dans un sens, soit dans l'autre.

7 - Donc, il y a nécessité que ce principe agisse en soi directement, et qu'il agisse aussi sur un autre que lui. Il faut, par conséquent, qu'il agisse, ou sur l'autre principe, ou sur le primitif. Or, nécessairement, c'est sur ce dernier; car, à son tour, le primitif est à la fois cause pour lui-même et pour l'autre. Le primitif est donc supérieur; car c'est lui, comme nous l'avons vu, qui est cause de l'uniformité éternelle des choses, tandis que l'autre principe est cause de leur diversité. Mais, évidemment, ce sont les deux ensembles qui sont causes de leur diversité éternelle.

8 - Donc, le premier ciel est éternel; donc, il existe aussi quelque chose, qui lui donne le mouvement. Mais, comme le mobile intermédiaire est mû et meut à son tour, il faut concevoir quelque chose qui meut sans être mû, quelque chose d'éternel, qui est substance et qui est acte. Or, voici comment il meut : c'est comme le désirable et l'intelligible, qui meut sans être mû.

9 - Mais, du moment qu'il existe une chose qui donne le mouvement, en étant elle-même immobile et en étant actuelle, cette chose-là ne peut absolument point être autrement qu'elle n'est; car la translation est le premier des changements ; la première des translations est la translation circulaire; et c'est elle que produit le premier moteur.

COMMENTAIRES

1 - Il nous faut éclaircir et actualiser la pensée d’Aristote en reformulant la logique de son raisonnement. Le premier constat est que : « Ce n’est pas la matière qui se donne à elle-même son mouvement ». Il faut donc qu’existe une substance autre qui ne soit pas elle-même en mouvement, un premier moteur immobile, car s’il l’était il serait également mu et ainsi, en régressant à l’infini.
Aristote met à jour un paradoxe : le mouvement est rendu possible par l’inertie, l’immobilité car : « Il n'y a qu'une substance éternelle qui puisse être immobile ». Cette substance doit être éternelle car : « si toutes les substances étaient périssables, tout absolument serait périssable comme elles ».

Cette éternité implique que : « Le temps ne peut pas davantage commencer ni finir, puisqu'il ne serait pas possible qu'il y eût, ni d'Avant, ni d'Après, si le temps n'existait pas.» Dans la cosmogonie aristotélicienne, il n’y a pas de début du temps, de genèse : l’avant et l’après du temps relèvent du non être.
Dès lors : « S’il est impossible que le mouvement naisse, ou qu'il périsse, puisqu'il est éternel, ainsi que nous l'avons établi Il doit donc exister un principe dont l'essence soit d'être en acte ».

« Etre en acte » qu’est-ce à dire ? C’est ici la thèse la moins comprise d’Aristote. Cela veut dire que cette substance éternelle n’est pas en puissance, comme potentialité, mais EST présente. Et en effet, ce premier moteur, s’il doit être à l’origine du mouvement éternel, ne saurait s’absenter une fois le top départ donné, auquel cas le mouvement faute d’énergie permanente cesserait : il ne serait pas éternel. Il faut donc :

« concevoir quelque chose qui meut sans être mû, quelque chose d'éternel, qui est substance et qui est acte, qu’existe une chose qui donne le mouvement, en étant elle-même immobile et en étant actuelle »

2 - Il nous faut aujourd’hui compléter la démonstration d’Aristote en donnant sens et « réalité » à cette substance que nous avons nommé : prématière. Cette découverte résulte du même raisonnement que lui et part d’une analyse du mouvement. Celui-ci n’est envisageable qu’à partir d’un état d’inertie absolue d’une substance dont les propriétés sont assez radicalement différentes de la matière. Car : « il faut que de telles substances soient sans matière; car ce sont les substances sans matière qui doivent être éternelles, s'il y a quelque chose d'éternel au monde. ». Et effectivement la prématière est absolument continue et ne se présente pas sous forme de corps isolés, séparables.

Celle-ci doit être incréée et donc éternelle et surtout qu’elle soit en acte, CAD présente ici et maintenant puisque toute la matière en est issu. Cette genèse de la matière se produit à l’occasion d’une rupture interne à la prématière puisque nous la concevons comme totalement homogène et rigide. Sa présence se manifeste sous la forme d’ondes EM qui résultent de sa mise en mouvement.

Dans différents articles sur ce blog et sur notre site, nous avons montré et démontré les très nombreuses propriétés originales de la prématière et n’allons pas y revenir.

Notons simplement pour finir l’intérêt que présente la démarche qui fut celle d’Aristote et la nôtre, d’une physique axiomatique construite a priori à partir de principes et de lois, en raison acceptables. Nous ne pouvons qu’exprimer notre extrême admiration pour ce penseur hors norme qui su atteindre les profondeurs ultimes de la physique, jamais dépassées depuis lors.

voir :

http://positioncritiqueastrophysique.blogs.nouvelobs.com/archive/2015/04/14/242-la-prematiere-amorphe-et-continue-560502.html
http://positioncritiqueastrophysique.blogs.nouvelobs.com/archive/2014/09/04/184-rigidite-de-la-prematiere-541051.html


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