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Avraham Burg, l'enfant terrible du judaïsme

Publié le 10 juin 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Mardi, 10 Juin 2008 11:32

Avraham Burg, l'enfant terrible du judaïsmePar Laurent Pfaadt
L'ancien président de la Knesset et de l'Agence juive, retiré du monde de la politique, revient sur le devant de la scène médiatique avec son nouveau livre, Vaincre Hitler, dans lequel il s'attaque à quelques dogmes bien établis. Portrait d'un esprit redevenu libre.
L'homme semble inquiet.

Ayant plus l'air d'un golden boy bronzé des années 80 qui aurait veilli qu'un politicien aguerri et terne, Avraham Burg est à l'image d'une société israélienne, plongée dans le doute alors que les responsables politiques affichent tant de certitudes érronées et de confiance sur la place et l'avenir d'Israël.

A l'époque de notre rencontre, en novembre dernier, à la veille de la conférence d'Annapolis, dans ses bureaux situés au sommet de l'un des nombreux grattes-ciel de Tel Haviv, Avraham Burg exprimait déjà ses réserves sur le succès de ce qui était alors présenté comme le point de départ d'un nouveau processus de paix.

L'histoire lui donne aujourd'hui raison.

C'est avec le même pessimisme qu'il abordait avec érudition et humour l'évolution de l'Etat d'Israël et la nature du judaïsme véhiculé par ce dernier. Docte et drôle à la fois, c'est exactement le sentiment qui ressort de son nouveau livre, Vaincre Hitler, véritable pavé jetté dans la marre. L'auteur y assène ses critiques face à un Etat devenu selon lui ethnique et guerrier.

Dans un pays où la critique médiatique va bien au-delà de la liberté d'expression, le livre serait presque passé inaperçu. Sauf que son auteur n'est pas n'importe qui.

Avraham Burg, l'enfant terrible du judaïsme


Avraham Burg est le fils de Yossef Burg, fondateur du Parti National Religieux et membre de onze gouvernements, autant dire un mythe de la politique israélienne. Les critiques formulées par le fils sur l'identité sioniste d'Israël sonnent avec d'autant plus d'échos.

Pourtant, Avraham Burg, qui revient dans son livre sur sa jeunesse, ne s'est jamais construit contre ce père qu'il dépeint toujours comme juste et tolérant, en tout cas différent de ces militaires conquérants et nationalistes qui finirent par s'imposer au sommet de l'Etat.

"Mon père sauvait. Il était l'antihéros israélien par excellence, un héros humble à l'image même du juif dans l'histoire."

Suivant son propre chemin au sein du parti travailliste comme conseiller du premier ministre Shimon Peres (1985-1986) chargé de la diaspora puis président de la Knesset, le parlement israélien entre 1999 et 2003, Avraham Burg explique avoir cherché des réponses dans le comportement de son père. Les discussions ont été tendues, notamment en 1982 en pleine guerre du Liban entre un père ministre de l'intérieur du gouvernement Begin et un fils militant au mouvement la Paix maintenant. Avraham Burg trouva bien plus tard dans les archives de la Knesset, des réponses aux questions laissées sans réponses par son père, avare en explications, à la manière d'un sage, pour s'apercevoir de la modestie et de la grandeur d'esprit de ce père qui proposa même sans succès de ne pas exécuter Adolf Eichmann !

Le portrait qu'il brosse de son père montre aussi la cohabitation de deux générations, celle des juifs venus d'Europe, pétris de culture européenne et fuyant les persécutions, et les sabras, ces juifs nés sur la terre d'Israël et défenseurs acharnés de la jeune nation. Lorsqu'il présente sa future femme Yaël, originaire de Strasbourg, à son père, né à Dresde, ce dernier s'exclame : "Ah, notre Strasbourg !" comme pour réaffirmer cette identité allemande, européenne qu'il ne l'avait jamais quitté et qui tranchait tellement avec ces jeunes juifs nationalistes et aveuglés par la puissance et la force d'un Etat victorieux en 1967.


Burg s'interroge surtout, sans jamais minorer ou nier historiquement la Shoah, sur la portée et l'utilisation à des fins plus ou moins inavouables de cette dernière par les responsables politiques de tout bord. "Vis-à-vis du reste du monde comme de la communauté juive, la nécessité de préserver l'existence de l'Etat d'Israël se traduit par un chantage affectif incessant : nous exigeons un soutien inconditionnel parce que nous avons vécu ce drame." dit-il sans langue de bois. C'est tout le sens du titre, Vaincre Hitler, car l'auteur estime qu'Israël ne s'est toujours pas débarassé de cet ennemi et qu'elle continue volontairement à vouloir l'affronter ou d'aposer le masque du dictateur nazi sur ses ennemis, anciens et futurs.


Et en même temps que la recherche perpétuelle d'un nouvel ennemi, Israël est devenu un Etat nationaliste, ce qui l'a poussé à glorifier la puissance et l'armée. "Quel lien cimente les différentes composantes de la société israélienne ? La réponse est simple : la guerre." La réussite politique des Rabin, Barak et Sharon, anciens héros militaires devenus premiers ministres, s'explique alors parfaitement. A tel point que l'auteur n'hésite pas à comparer l'Israël d'aujourd'hui à l'Allemagne de la fin de la République de Weimar lorsque cette dernière commença à se remilitariser ! Les évènements fondateurs de l'Etat d'Israël, la capture d'Adolf Eichmann (1960), les guerres des Six Jours (1967) et du Kippour (1973) et leur portée symbolique ont contribué à renforcer, selon l'auteur, cette dérive étatique et à transformé en profondeur la société israélienne.

Avraham Burg, l'enfant terrible du judaïsme
Avraham Burg condamne également l'égoïsme d'Israël qui a instauré une hierarchie des souffrances dominée par la Shoah, minorant et excluant toutes les autres, aussi bien celles des juifs que les génocides à l'encontre d'autres peuples (Arméniens, Rwandais). Sujet souvent tabou, Burg aborde également sans complexe le judaïsme américain qu'il n'hésite pas à qualifié de lobby pro-israélien nécessaire à tout candidat désireux de se faire élire à la Maison blanche tout en montrant également la naissance et l'évolution de ce judaïsme particulier.

Ce livre est donc moins un état des lieux purement critique des défis auxquels doit faire face Israël qu'un plaidoyer pour nouvelle politique israélienne plus humaniste et moins tournée vers un passé tragique qu'elle ne cesse de réutiliser cyniquement.
Avraham Burg, Vaincre Hitler, Fayard, 2008.

Laurent PFAADT, fonctionnaire européen, essayiste, comité editorial de relatio-europe

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