Publié le 07-12-2015
Par Arnaud Gonzague
Onze pays pourraient décider mardi de mettre en place une taxe sur les mouvements financiers. Une démarche réclamée par Nicolas Hulot, qui y voit un financement pour "verdir" l'économie mondiale.
Nicolas Hulot, envoyé spécial du président pour la protection de la planète, en conférence lors de la COP21 au Bourget, le 1er décembre 2015. (Eric FEFERBERG / AFP)
C'est une Arlésienne à gauche depuis qu'un jour de 1995, le mensuel "le Monde diplomatique" a émis l'idée d'une taxe dite "Tobin" sur les transactions financières. Voila deux décennies que cette infime taxation prélevée sur les milliards de dollars circulant sur la planète finance doit voir le jour, essuyant le dédain de "spécialistes" persuadés que c'est une chimère dont se bercent les altermondialistes.Pourtant, ce mardi 8 décembre à Bruxelles, la taxe européenne sur les transactions financières (TTFUE) sera au menu du groupe Ecofin, la réunion des ministres des Finances du Vieux Continent. Et 11 pays (dont la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et l'Autriche) semblent disposés à la mettre en place.L'un de ses ardents promoteurs, Nicolas Hulot, envoyé spécial du président pour la protection de la planète, explique sa nécessité pour construire un monde libéré de sa dépendance aux énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon).Cela fait 20 ans que l'on parle d'une taxe sur les transactions financières. Pourquoi verrait-elle le jour ce mardi 8 décembre ?- C'est vrai qu'elle revient de loin : à la fin de l'année 2014, honnêtement, on s'attendait plutôt à ses obsèques... Mais le président Hollande a compris sa nécessité et il est parvenu à en convaincre Michel Sapin [ministre de l'Economie, très longtemps réticent, NDLR]. Le sujet est aujourd'hui plus à l'ordre du jour que jamais, car la situation que connaît le monde rend cet outil indispensable.11 pays d'Europe qui s'engagent, ça ne fait tout de même pas lourd...- Vrai mais ce qui compte, c'est que le mécanisme s'enclenche. Il faut bien que cela démarre quelque part, non ? Si 15 pays européens se décidaient à les suivre, eh bien cela changerait la face du monde ! Dans un premier temps, il est possible que les marchés, contrariés, choisissent de se déplacer, mais c'est un premier pas vers une révolution inexorable.Quel taux d'imposition réclamez-vous ?- Ce n'est pas le taux qui importe, mais plutôt l'assiette, c'est-à-dire : qui va s'en acquitter ? Il est impératif que cette assiette soit la plus large possible, donc qu'elle n'inclue pas seulement les actions et obligations, mais aussi les produits dérivés et spéculatifs, qui ont assez démontré leur toxicité. Certains pays sont frileux sur ce point, mais il ne faut rien lâcher. Si l'assiette est large, une taxe ne serait-ce que de 0,01% pourrait générer 100 milliards par an !100 milliards, c'est justement la somme promise chaque année pour le Fonds vert qui, à partir de 2020, doit aider les pays du Sud à orienter leur développement sur les énergies vertes...- La TTF est, de fait, un outil décisif pour aider ces pays à ne pas miser, comme nous l'avons fait par le passé, sur une économie basée sur le tout-pétrole. On sait bien que les marges de manœuvre financières sont très limitées dans les pays développés, tous soumis à l'austérité. Si l'on n'est pas inventifs, on n'arrivera pas à financer durablement le Fonds vert. Tout le monde comprend aujourd'hui qu'un développement harmonieux au Sud, c'est la garantie de la paix dans les pays du Nord, qui ont souvent construit leurs économies sur le dos des autres. Soyons audacieux !
Propos recueillis par Arnaud Gonzaguehttp://tempsreel.nouvelobs.com/planete/cop21/20151207.OBS0850/hulot-la-taxe-sur-les-transactions-financieres-pourrait-changer-la-face-du-monde.html