Être // De Fara Sene. Avec Bruno Solo, Salim Kechiouche et Benjamin Ramon.
Le film chorale a toujours été un risque. Le risque est de raconter des destins divers mais de ne jamais vraiment savoir comment les lier les uns avec les autres. Être c’est un peu ce problème là. On est très loin d’un film comme Collision de Paul Haggis qui pour moi est un modèle de film chorale (c’est d’ailleurs l’un de mes films préférés). Je pense que le film est submergé très rapidement par ses ambitions et qu’il ne réussi donc pas forcément à être à la hauteur de son engagement de départ. On sent l’inspiration chez Alessandro Gonzalez Inarritu (Babel notamment) mais le film enchaîne les problèmes narratifs sous une mise en scène bien pâlichonne. L’affiche, déjà bien pâle et peu réfléchie était un signe avant-coureur qui aurait dû me permettre de me rendre compte de l’erreur qu’était Être. Mais j’ai tenté car avec un casting d’acteurs inconnus, le film aurait pu séduire. Le vrai avantage de ce film c’est surtout l’évènement qui va rassemblé tous ces personnages et leur permettre de se rencontrer. Au début, on ne sait pas trop à quoi s’attendre, on ne sait même pas ce que l’on vient chercher. On sait juste qu’à un moment donné les destins vont se croiser. C’est aussi le but du film chorale. Ce qui me fait le plus de peine c’est la mise en scène très terne. Fara Sene n’a pas réussi à offrir à son film quelque chose d’autre que l’impression de voir une sous production destinée au prime time de France Télévisions.
Un policier au bout du rouleau, François.
Une fille adoptive mal dans sa peau, Ester.
Un provincial qui rêve de visiter le monde, Christian.
Un garagiste qui rêve de fuir sa cité par tous les moyens, Mohamed.
Et une SDF.
Ils ne se connaissent pas, pourtant, en 24 heures, leurs destins vont se croiser, transformant leur existence douloureuse en un chemin vierge où tout reste à construire...
Et c’est là l’erreur d’Être, de ne pas avoir réussi à rassembler. Parmi les bons points du scénario, je pourrais aussi parler du fait qu’il évite certains poncifs. Cela peut apparaître comme peu de choses et pourtant, je pense que c’est très important d’avoir réussi à ne pas tomber dans les sentiments trop clichés et dans les discussions de café du commerce qui peuvent rapidement devenir pompeuses. C’est un reproche que j’ai déjà pu faire à des films chorales parisiens. Celui-ci a d’ailleurs l’avantage de ne pas avoir été tourné dans notre belle capitale mais à Liège (principalement) en Belgique. Cela change énormément de ce que l’on a pour habitude de voir. J’ai aussi beaucoup aimé le message que Fara Sene tente de faire passer en évitant de tomber dans le cliché des adolescents qui agressent les gens dans le métro parisien. L’un des personnages demande alors innocemment comment fonctionne une machine. Si le tout est presque un peu too-much, le cliché est évité et l’idée est presque cocasse. Mais derrière ces atouts (et ils sont déjà nombreux), se cache un film qui a énormément de mal à rendre ses personnages véritablement intéressants. Une fois que l’on a passé l’introduction des personnages, s’installe alors une sorte de brume épaisse où l’on a l’impression de nager avant de véritablement plonger.
Le film se perd dans ses idées, enchaînant les scènes sans donner de vraisemblance à un ensemble qui me promettait d’être un peu différent. Le casting, composé d’inconnus (sauf Bruno Solo) n’est pas toujours très bon non plus. C’est bien de donner sa chance à des jeunes, surtout quand on est aussi un réalisateur débutant, mais justement la direction d’acteurs ce n’est probablement pas le fort de Fara Sene et du coup, le résultat est parfois très étrange et pas aussi efficace que je n’aurais probablement pu l’espérer. Ce que j’aurais peut-être apprécié aussi c’est un film un peu plus personnel alors que Fara Sene semble vouloir toucher à tout à la fois. Je me demande si au fond le film chorale ce n’est pas le délire de tous les jeunes réalisateurs qui veulent se lancer car cela permet de raconter plein d’histoires différentes dans un seul film. Mais il faut être à la hauteur des ambitions et ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile. Finalement, derrière une idée louable et probablement sincère se cache un film qui n’est malheureusement pas à la hauteur de ses ambitions. En échappant cependant à certains clichés (quitte à faire dans l’invraisemblance douteuse) Être garde tout de même un peu de son intérêt.
Note : 4/10. En bref, pas totalement dénué d’intérêt, Être manque d’être à la hauteur de ses ambitions.
Date de sortie : 10 juin 2015