Semblable au papillon, nous sommes attirés par la lumière qu’irradie l’argent. En sanskrit, ce mot signifie « brillant ».
Contrairement à l’or dont l’aspect ne subit aucune modification tel le soleil se levant dans le ciel de l’aurore, le sien se ternit. Utilisé dans la pharmacopée, sous forme de nitrate, il favorise la cicatrisation. Il fut à l’origine d’une maladie, l’argyrisme, dont la couleur bleu ardoise du patient en constituait le symptôme physique. Il est également facteur de pollution de l’eau.
Il brille et se ternit, soigne, rend malade et pollue ! Serions-nous gagnés par cette étrange dualité de l’argent qui dévoile notre part d’ombre entre blanc et noir, bien et mal, dieu et diable, égoïsme et générosité, détachement et jalousie, avarice et sobriété . (…..) Nos comportements ne sont pas figés mais reflètent des dosages plus subtils entre peur, réticence, bien-pensance, jalousie, colère et culpabilité. Ces réactions et émotions traduisent toute l’ambiguïté entre l’attraction et la répulsion que nous inspire l’attrait profond vers l’argent : sa possession.
Nous aimons l’argent pour les perspectives sympathiques dont nous profitons, les plaisirs et les charmes d’une existence agréable. Nous ressentons alors un état de joyeuse gourmandise. Seulement si la goinfrerie cause quelques désordres, l’ivresse de l’argent n’a aucun effet. Il semblerait plutôt illusoire de combattre l’apparence tellement flatteuse qui en résulte. Car nous obtenons considération, reconnaissance, statut. Nous accédons à beauté, séduction, jeunesse. Nous nous laissons tenter par une quête insatiable du plus : plus de salaire, plus de biens, plus de consommation, et nous nous laissons glisser dans la mer de l’accumulation voire de l’accaparement. L’appétit ne nous laisse aucune paix, à la fois pour contempler un trésor qui resplendit de mille feux, et accéder non plus à un pouvoir mais au Pouvoir et à la Gloire.
On devient dieu et tout est possible même l’excès de luxe ou luxure.
Notre ego s’en flatte, pénétré d’une opinion très avantageuse de nous-mêmes. L’argent nous incarne pleinement. L’arrogance nous envahit. La vanité nous étreint.
Cette concupiscence trouve son pendant logique dans la frustration, écho d’un manque que nous exécrons. Inquiets, dévalorisés, amoindris, jaloux, nous ressentons l’exclusion d’une destinée à laquelle nous rêvons et qui nous échappe. Le désespoir et la tristesse nous abattent tandis que l’envie et la rage nous rongent.
"Aimez-vous l'argent", extrait
Hélène de Montaigu