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Les banques centrales jouent au poker menteur

Publié le 11 juin 2008 par Mercure

Depuis mon dernier article « Ben Bernanke et Jean-Claude Trichet abattent leurs cartes », une sorte de poker menteur verbal se déroule entre Bernanke et Trichet. L’enjeu est l’augmentation des taux d’intérêt interbancaire que l’un et l’autre menacent d’augmenter pour maîtriser l’inflation qui monte de jour en jour pour diverses raisons, mais surtout en raison de l’augmentation du prix des matières premières, et plus spécifiquement du pétrole.
Pour Trichet, c’est indiscutablement la stabilité de l’euro qu’il veut défendre par un relèvement du taux d’intérêt, car cette stabilité conditionne dans une large mesure le niveau des prix intérieurs. Déjà, le taux actuel de 4 % a-t-il permis de limiter la hausse du pétrole en euro. Aux Etats-Unis, l’essence se sert actuellement à 2 $ le litre contre 0,50 il y a à peine deux ans. En pourcentage il s’agit d’une augmentation bien plus considérable que celle que les Européens subissent, bien que les taxes sur l’essence soient insignifiantes aux É-U.
Depuis le 3 juin, le cirque médiatique ne cesse pas de l’autre côté de l’Atlantique. Tous les jours Bernanke se rend à une nouvelle conférence et dans un nouveau lieu pour asséner sa nouvelle doxa : « Il faut augmenter le taux d’intérêt pour sauver le dollar à tout prix ! », et il a bougrement raison. Bush en parle également à tout instant, Paulson, le Secrétaire au Trésor le fait aussi de son côté et les gouverneurs de la Fed, chacun dans son siège respectif, ne s’en privent pas non plus. Les Étasuniens sont soumis à un matraquage médiatique étonnamment soutenu. Mais pourquoi à ce point-là ?
La réponse coule de source. Il suffit de regarder les cours du dollar, de l’or et du pétrole depuis vendredi pour le comprendre, depuis que la « Parole » est lâchée. Ces trois valeurs ont repris du poil de la bête, car les Étasuniens sont persuadés que le dollar va bientôt remonter face à l’euro, que l’or va reprendre gentiment sa nature ésotérique, et que le pétrole va baisser. Ouf ! Il était temps ! ils vont pouvoir partir en vacances avec leurs 4×4 sans perdre trop d’argent ; peut-être même pouvoir partir en Europe, ce à quoi ils avaient dû renoncer jusqu’ici, et exhiber à nouveau fièrement leur dollar retapé. Finalement, pour eux, cette chute n’aura été qu’un entracte sans importance. Sacrés Américains ! Impayables !
Et prodigieux !
Alors Bernanke va-t-il tout de même hausser son taux d’intérêt ? Pas du tout ! Sa parole a soulevé des vagues d’espoir chez ses compatriotes, faisant remonter le dollar et baisser l’or et le pétrole. Tout va bien pour le moment, grâce au mystérieux pouvoir de la parole, sans même avoir eu besoin d’agir. Qui a dit que la finance était un problème mathématique ? La parole est d’or, voyons !
Alors tous les problèmes des É-U sont-ils résolus pour autant ? Pas du tout ! Bernanke a simplement gagné un mois ou deux, le temps que ce renouveau de confiance s’épuise, au retour des vacances, devant les relevés des cartes de crédit.
À la prochaine réunion du comité monétaire des gouverneurs de la FED, fin juin ou début juillet, je ne sais plus trop, Bernanke aura beau jeu de dire que les choses se sont améliorées, que les exportations frétillent, et que l’on peut attendre encore un peu, mais pas trop, avant de véritablement porter le couteau dans la plaie. Il pourra aussi lâcher 0,25 %, histoire de montrer que ça pourrait monter doucement. Le temps est tellement facile à acheter quand on sait s’y prendre !
Mais les conditions profondes de la situation économique des Etats-Unis resteront les mêmes, et le resteront encore longtemps : prodigieux endettement, déficits insondables, et j’en passe. Mais pour le moment, il s’agit simplement de tenir jusqu’aux élections, en utilisant tous les subterfuges possibles, y compris la falsification des statistiques si c’est nécessaire. Ne pas oublier que les Républicains sont en campagne ! Une chose à la fois bon sang !
En tous les cas, je ne renonce à aucun des termes de mon précédent article, dont j’ai rappelé le lien en tête de celui-ci.
© André Serra


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