Par Rachid Laïreche —
François Hollande et Cécile Duflot, alors ministre du Logement, dans le Val-d'Oise, en 2013.Photo Philippe Wojazer. Reuters
L’ex-ministre écologiste fustige la décision d’étendre la déchéance de nationalité aux binationaux nés en France.
Vous étiez opposée à cette mesure, vous avez même parlé de faute. Une réaction ?
J’y vois une triple erreur. La première est politique : en faisant sienne cette proposition, le chef de l’Etat capitule devant les idées de l’extrême droite, qui se trouvent validées de la sorte et obtiennent un brevet de respectabilité. Cette concession est de nature à en entraîner d’autres. A force de vouloir couper l’herbe sous le pied du FN, on risque d’appliquer son programme. La deuxième erreur est d’ordre symbolique : en faisant de la binationalité le centre d’une polémique liée au terrorisme, on fragilise le socle du vivre ensemble. Enfin, je crains que cette décision marque un tournant historique. Partout en Europe, les nationaux-populistes prospèrent et tentent d’imposer leur vision du monde. La France n’agit et ne parle pas que pour elle-même. Nous étions un rempart contre la contagion des idées xénophobes. Je crains que nous cessions de l’être.Quel sera votre vote à l’Assemblée ?
Voter contre s’impose. J’appelle toutes les consciences républicaines à se réveiller et à refuser cette pente glissante. Il faut savoir poser des bornes infranchissables. Notre pays doit être fidèle à ses valeurs. Le débat ouvert ne concerne pas seulement la lutte contre le jihadisme, mais en vient maintenant à questionner notre conception de la nationalité. Il est illusoire de croire que remettre en cause notre politique de la nationalité fera reculer les terroristes. Je ne mêlerai pas ma voix à celles des parlementaires FN sur cette question.Vous avez travaillé avec François Hollande, vous échangez encore avec lui, comment analysez-vous sa décision ?
Elle lui appartient. Je pense qu’elle participe d’un contresens sur l’unité nationale. L’unité nationale n’est pas un blanc-seing qui autorise le gouvernement à s’affranchir du mandat qui lui a été confié par les électeurs qui ont rendu possible la victoire de 2012. Sur ces sujets, le rôle d’un homme d’Etat n’est pas de céder à la vox populi ou aux sondages, mais de tracer un sillon constant.
La semaine passée, vous aviez tendu la main au gouvernement, est-ce toujours le cas ?
J’ai tendu la main en prenant mes responsabilités. Aujourd’hui, je vois une nouvelle blessure infligée à nos valeurs. Persister dans cette voix est une folie. La solution n’est pas dans l’accompagnement du système et la recherche d’une synthèse avec la droite. Je continue à penser que la situation politique demanderait au contraire une coalition de transformation pour proposer une nouvelle politique. La décision du Président nous en éloigne. Il lui reste peu de temps pour choisir entre la coalition de transformation que je lui propose et la tentation de la liquidation, dans laquelle la gauche perdrait son âme.Rachid Laïrechehttp://www.liberation.fr/france/2015/12/23/cecile-duflot-j-appelle-les-consciences-republicaines-a-se-reveiller_1422722