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La pensée et le mouvant de Bergson

Publié le 25 décembre 2015 par Christophefaurie
Bergson, La pensée et le mouvant (GF-Flammarion)C’est l’histoire du marteau et des clous. Si vous avez un marteau, vous voyez des clous partout. De même, le langage et la raison sont des outils. Et pourtant ils ont transformé notre vision de la réalité, pour qu’elle leur ressemble. Du coup nous sommes esclaves de ce qui devrait nous servir. Et nous sommes amputés de la meilleure partie de nous-mêmes. 
Le rôle du philosophe, c’est de nous rendre cette partie, essentielle, de notre identité. Le tableau suivant tente de donner une idée de ce dont il s'agit :


Science Métaphysique

Celui qui l’étudie Scientifique Philosophe

Objet Pratique / manipuler la matière Se développer soi

Méthode Analyse (par l’Intelligence), porte sur l’extérieur Intuition (de l’Esprit), porte sur l’intérieur

Principe Immobilité / stabilité Changement / mobilité

Nature du temps Temps = espace (pour la science, le monde est un film cinématographique) Durée réelle

Recherche « L’idée générale », le concept, ce qui est commun (exemple : l’Homme, alors qu’il n’existe pas deux hommes qui se ressemblent) Le particulier (le phénomène) - mais qui amène à l'universel


Science et métaphysique ne s’opposent, mais sont complémentaires, toutes deux procèdent par expérience. Elles se retrouvent à leur frontière commune.
Cependant, ce que dit Bergson peut avoir des conséquences colossales pour la science. Et, pour le peu que j’en sais, sa théorie paraît tout à fait conforme avec ce qui est observé. Mais ceci est une autre histoire.
Quelques thèmes qui me paraissent importants :
Le changement Le monde est changement continu et permanent. « Elan de vie. » La meilleure image que j’ai trouvée pour exprimer cette idée est la dualité onde, matière en physique. En quelque sorte, tout homme apparaîtrait comme matière, mais serait une onde. Changement permanent, insaisissable, et surtout insécable. Chaque homme serait une fréquence de la lumière blanche, l'univers en changement. Nous serions tous les composants d’un changement général. Image incorrecte, cependant. Car il y aurait création permanente. Le présent n’est donc pas déterminé par les informations contenues dans le passé. L’onde de ma métaphore se transformerait de manière imprévisible. Alors que Kant a inventé le passé pour justifier son a priori selon lequel seule la science permet de connaître. D'où des concepts inutiles, et ne correspondant à rien dans la réalité, tels que le néant ou le chaos. Le passé serait contenu dans le présent. Ce que nous masquerait le fonctionnement de notre cerveau : son rôle est de sélectionner les souvenirs utiles à l’action. Cette création permanente aurait pour résidu la matière et les habitudes. Ce sur quoi agit l’intelligence.
La durée La vraie durée est intérieure. La vie est une invention permanente. Par contraste, la science n’a pas de notion de durée. Elle procède à un découpage en instants immobiles. Ce qui est rendu nécessaire par sa fonction : l’action sur la matière.
Le langage Le langage  n’est fait que d’idées générales, de concepts, de conventions. On a cru que cet univers était la réalité. On en a tiré métaphysique et (fausse) religion. Mais, comme chez Gödel, un tel système ne peut produire que des paradoxes. Les querelles sur le sexe et des anges et tous les drames qui en ont résulté viennent de là.
L’intuition L’intelligence agit sur la « vérité » (ce qui est efficace). L’intuition comprend la réalité. L’intuition, c’est aller en soi, se comprendre. Mais c’est aussi comprendre l’univers car nous sommes faits de la même pâte que l’univers.  Contrairement à l’intelligence qui juge, mais ne comprend pas, l’intuition permet, elle, la réelle compréhension. L’intuition doit décrire ce qu’elle perçoit par d’autres procédés que ceux de la science. Elle procède par image, métaphores, et par descriptions multiples et changeantes. L’intuition parle à l’intuition. L’intuition naît de l’absorption de tout ce que l’on sait d’un sujet, notamment de la science. La science dessèche, elle transforme l’animé en inanimé, en concept. Au contraire, l’intuition revivifie la vie. Elle apporte la joie. 
Le philosophe Le philosophe, comme tout homme ?, serait porteur d’une intuition fondamentale, qui lui serait propre. Sa vie consisterait à la préciser sans jamais parvenir à l’atteindre, en utilisant le vocabulaire de son époque.
L’éducation Notre éducation nous déforme. Elle nous fait voir un monde artificiel. Elle détruit notre intuition. Il faut éviter le contact précoce avec concept. Il faut faire, fabriquer. Il faut s’approprier les œuvres humaines par l’expérience et l’intuition.
(BERGSON, Henri, La pensée et le mouvant, GF Flammarion, 2014.)

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