Noël a une saveur particulière pour les utilisateurs de streaming. Mercredi 23 décembre, ils ont appris l’arrivée du catalogue entier des Beatles sur leurs plateformes d’écoutes musicale en ligne. Le 24 décembre à 00 h 01, les fans du groupe de Liverpool ont eu accès aux 13 albums studio remastérisés de la formation de John Lennon et Paul McCartney ainsi qu’à quatre compilations.
Universal Music, le distributeur des « Fab Four », a signé avec les neuf plus importantes plateformes de streaming : le suédois Spotify, le français Deezer, mais aussi les services des géants californiens comme Google Play, Amazon Prime et Apple Music. Les moins connus comme Slacker, Groove de Microsoft, Rhapsody et bien sûr Tidal, le service du rappeur Jay Z, ont eux aussi droit à la totalité de la musique des quatre Britanniques. Ont tout de même été exclus des sites comme Pandora et Rdio qui relèvent davantage de la Web radio que de la plateforme de streaming.
Les non abonnés peuvent se réjouir : il ne sera pas nécessaire de payer pour avoir accès à Yesterday ou à I am the Walrus. En version gratuite, l’écoute, entrecoupée de publicité, se fera comme pour n’importe quel autre artiste.
C’est à grand renfort de flocons de neige et avec une belle photo du groupe qu’on dirait tirée du Bal des vampires de Roman Polanski que le site officiel des Beatles a annoncé la nouvelle aux fans. « Ecoutez leur musique dès que la première minute de la veille de Noël sonnera », pouvait-on y lire.
Il faut dire que la nouvelle a son importance. Les Beatles étaient le dernier groupe de cette envergure à être absent des services de streaming. Il était certes possible d’écouter quelques-uns de leurs titres, au gré des sorties de compilations rock et autres patchworks inventés par les maisons de disque. Quelque 1,1 million de personnes suivaient même leur page officielle sur Spotify, mais impossible de choisir le titre ou l’album à écouter.
Preuve que les quatre garçons de Liverpool étaient presque les derniers : même le groupe australo-britannique AC/DC, qui s’y refusait depuis des années et qui n’a intégré iTunes, la plateforme de téléchargement en ligne d’Apple, qu’en 2012, a mis à disposition son catalogue en streaming en juin.
L’arrivée de ces deux mastodontes la même année envoie un signal clair : le streaming est devenu un mode de consommation de la musique avec lequel il faut composer. Il sera peut-être même bientôt, selon certains observateurs, le seul mode d’écoute de musique.
« Ça prouve que le streaming est en train de devenir un vecteur fondamental de monétisation de la musique. Les représentants des Beatles ont réalisé que c’était le nouveau modèle et qu’ils ne pouvaient pas ne pas y être », s’enthousiasme Pascal Nègre, président d’Universal Music France. Le haut responsable rappelle que dans l’Hexagone, 5 % de la population dispose d’un abonnement à une plateforme de streaming. En Suède, 90 % des revenus du secteur de la musique proviennent de l’écoute de musique sans téléchargement.
De fait, 2015 a vu le nombre d’utilisateurs des plateformes comme Deezer et Spotify croître de façon significative : les deux sites comptent respectivement 14 et 75 millions d’utilisateurs actifs (abonnés et surfeurs gratuits compris). Selon le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), 41 millions de personnes dans le monde disposent d’un abonnement à un site de streaming. Les revenus tirés de l’écoute de musique en ligne sans téléchargement ont atteint 1,1 milliard de dollars (1 milliard d’euros) en 2014, soit 23 % du chiffre d’affaires de la musique dématérialisée.
« Révolution en marche »
« Le fait que les Beatles arrivent sur toutes les plateformes à la fois, et pas en exclusivité sur une seule, est un signal que l’engouement, déjà massif, va s’accroître », juge pour sa part Simon Dyson, du cabinet d’analyse Ovum. « Ils ne vont pas forcément faire croître tant que cela les bases d’abonnés, qui ne viennent pas pour un seul artiste, fût-il les Beatles, mais ils donnent un signal fort au marché », poursuit l’expert.
N’en déplaise aux derniers résistants, comme le groupe de rock Radiohead ou la chanteuse pop Taylor Swift, qui refusent de mettre à disposition leurs albums les plus récents sur toutes les plateformes. Comme beaucoup d’autres, ces artistes estiment que ce mode de diffusion, rémunéré au nombre d’écoutes, n’est pas assez rentable pour les musiciens.
Pour les observateurs, la chose est entendue : « L’arrivée des Beatles risque d’accroître la pression sur les quelques artistes qui résistent encore à la révolution en marche », insiste M. Dyson. Reste à savoir combien de temps mettront les récalcitrants à céder.
Publié le: Vendredi 25 Décembre 2015 - 00:00Source: lemonde