Paris. Mars 2007
Tu dois te demander, Diana, pourquoi j'ai tant tardé à raconter cette histoire. Je m'étais promis de le faire un jour, mais plus d'une fois je me suis dit que le moment n'était pas encore venu.
J'avais fini par croire qu'il valait mieux attendre d'être vieille, très vieille même. L'idée me paraît curieuse maintenant, mais longtemps j'en fus persuadée. Il fallait que je sois seule ou presque.
Laura Alcoba
envoyé par Alexandre de Nunez
Je vais évoquer cette folie argentine et toutes ces personnes emportées par la violence. Je me suis enfin décidée parce que je pense bien souvent aux morts, mais aussi parce que je sais qu'il ne faut pas oublier les survivants. Je suis à présent convaincue qu'il est très important de penser à eux. De s'efforcer de leur faire aussi une place. C'est cela que j'ai tant tardé à comprendre, Diana. Voilà sans doute pourquoi j'ai tant attendu.
Mais avant de commencer cette petite histoire, j'aimerais te dire une chose encore : si je fais aujourd'hui cet effort de mémoire pour parler de l'Argentine des Montoneros, de la dictature et de la terreur à hauteur d'enfant, ce n'est pas tant pour me souvenir que pour voir, après, si j'arrive à oublier un peu.
Laura Alcoba, Manèges, Ed. Gallimard, 2007
Bonus...
Laura Alcoba finit son roman par cette phrase « Ça aussi, c'est d'une excessive évidence.
Paris, mars 2006 ».
En mars 2006 avec Jean Lebrun nous préparions une émission autour des 30 ans du coup d'état militaire en Argentine, nous conviâmes des jeunes, fils et petit-fils de l'exil. Est-ce une évidence ? je ne sais pas, mais, ce jour-là, dans la salle du café El Sur où était retransmise l'émission, se trouvait Cecilia accompagnée de sa mère Laura. Cecilia Teruggi, nièce de Diana Teruggi, tragique héroïne de Manèges.
La liberté d'Internet nous permet ici d'associer des histoires croisées sans respecter l'unité de temps, ni de lieu. Pour illustrer alors cette page retrouvez en bonus une émission de radio ; des rencontres qui ne sont certainement pas fortuites.
Alexandre de Nunez
Emission du mercredi 22 mars 2006 « Travaux Publics » France Culture
« 30 ans après le coup d'état en Argentine, les enfants de l'exil »
30 ans après le coup d'état de 1976 en Argentine, Jean Lebrun reçoit, depuis El Sur, les enfants de l'exil Carmela, Manuel, Laura, Silvina, Cecilia, Nicolas, Mariana, Leonardo, Natalia ou encore Ariana, autour de Marina Franco, historienne, Horacio Hormazabal de France terre d'asile, Nora Markman, psychanlyste mais également l'acteur Marcial Di Fonzo Bo ainsi que les musiciens Javier Estrella et Juan Carlos Caceres.
Une émission de Jean Lebrun, préparée par Alexandre de Nunez et réalisée par Doria Zénine.
- Laura Alcoba
La casa de los conejos , EDHASA Argentina, 2008