
L'exposition se concentre sur le cours inférieur, la zone plus peuplée, au cœur d'un énorme marais. Au-delà de la diversité linguistique et stylistique l'exposition est centrée sur la figure des ancêtres. Présents sous des formes diverses, changeantes, ils conditionnent la réussite de toutes les entreprises humaines. "Lorsque je pêche, ce n'est pas moi qui trouve les anguilles, ce sont les ancêtres qui me les envoient", souligne un commentaire qui accompagne la sculpture de l'anguille mère qui sollicitée par des offrandes concèdera aux pêcheurs un ou plusieurs de ses protégés. D'où leur représentation sous d'innombrables formes dans les objets, cérémoniels comme quotidiens, de la pirogue au masque d'initiation. On vit sous leur regard.
Il n'a pas eu d'exposition sur l'art Sepik en France depuis les années 80, alors que d'importantes recherches ont été conduites sur le terrain. A l'origine, le Sepik a été exploré par trois expéditions allemandes, en 1909 et 1912-1913. Philippe Peltier, le commissaire d el'exposition a travaillé en collaboration avec Marcus Schindlbeck et Christian Kaufmann, respectivement conservateurs honoraires au Musée ethnologique de Berlin et au Musée des Cultures de Bâle, qui possèdent les plus grandes collections. L'art Sepik a fasciné beaucoup d'artistes, comme André Breton qui comptait plusieurs pièces dans sa collection (crâne, crochet à nourriture...) La société Sepik repose sur une stricte séparation entre l'espace des femmes et celui des hommes. Une division inscrite dans l'organisation même des villages entre les maisons familiales et de chef de clan, et les maisons des hommes. Ouvert par deux grandes pirogues en forme de crocodiles, le parcours de l'exposition reprend cette topographie. Les objets de la vie quotidienne étaient fabriqués en grande partie par les femmes : coiffes et sacs de fibres tissées, appuie-têtes, colliers.... Quelques poteries aussi dont un étonnant pot destiné à la farine de sagou (une fécule), la nourriture de base. Clans Chaque clan a son "quartier" et son chef, un aîné qui connaît les origines du groupe et dont la maison abrite les pièces liées à son histoire : parures, lances, boucliers, et surtout d'étranges "crochets", de grandes planches de bois découpées et décorées de figures humaines ou animales, aux multiples variations. On y suspendait des monnaies de coquillage, parfois de la nourriture. Spécifiques des sociétés papoues, les maisons des hommes ont des dimensions impressionnantes - jusqu'à 11 m de haut - . Bâties sur pilotis, crues du fleuve obligent, la façade ornée d'un grand masque d'ancêtre, les hommes s'y assemblent pour dormir, souvent, et pour discuter de la conduite du village, lors de débats animés. Ces maisons se caractérisent par une incroyable prolifération plastique : toute surface est peinte, gravée ou sculptée. L'accrochage a cherché à mettre en valeu, selon le commissaire d'exposition, la variété des formes et la puissance esthétique de ces créations: statues monumentales d'ancêtres, surprenantes figures féminines aux jambes écartées, saisissantes frises porte-crânes, panneaux... Parmi les objets conservés dans les maisons des hommes, figurent de grandes flutes (plusieurs mètres de long) jouées lors des grands rituels, comme les cérémonies d'initiation. A ces occasions, se manifeste toute la porosité entre le monde des ancêtres et celui des hommes. L'ancêtre peut apparaître sous n'importe quelle forme, y compris celle d'un homme, d'une femme ou d'un enfant. Cette exposition est à voir absolument. J'apprécie ces moments de fetes et ces derniers jours de l'année où quelques jours de repos m'extraient des convulsions de mon monde du travail où ces derniers jours ont été haletants et révélateurs à jamais de comportements sociaux innapropriés et du monde tout aussi ravageur du politique qui ne facilite pas les rapports. Mon temps est serein.
