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L’Abécédaire de Tolstoï

Publié le 29 décembre 2015 par Les Lettres Françaises

22510100547460LEn 1872, entre Guerre et paix (1865-1869) et Anna Karénine (1877), Tolstoï, qui avait fondé une école dans son domaine d’Iasnaïa Poliana, publia ce qu’il tenait pour son grand oeuvre:  un Abécédaire, dans lequel il mêlait méthodes de lecture, contes, légendes, souvenirs, leçons de choses, fables… Une sorte de manuel idéal destiné aux écoliers. Le succès ne répondit pas à ses attentes et, dès l’année suivante, il republia, sous le titre de Quatre livres de lecture, les textes les moins pédagogiques de son Abécédaire. Ce fut le livre de Tolstoï qui, de son vivant, fut le plus populaire et le plus vendu, – republié aujourd’hui aux Belles-Lettres sous le titre saugrenu de Contes, récits et fables. On aurait préféré que fût conservé le titre original, et voir précisé quelque part que cette « Première traduction intégrale » (indiquée en page de titre) était en effet une première traduction intégrale… lorsqu’elle parut pour la première fois en 1928, aux éditions Bossard, avant d’être reprise chez Gallimard. Rien d’inédit, donc, pour le lecteur de 2015, mais un véritable plaisir de lecture, qui bat en brèche l’idée reçue selon laquelle, « pédagogue », ou « moraliste », Tolstoï perdait tout son génie.

On pourrait soutenir le contraire, et que les textes qui constituent les Quatre livres de lecture sont, stylistiquement, les plus achevés de Tolstoï, car s’adresser aux enfants exige une langue simple, dépouillée, qui va droit au but. Parmi ces quelques deux cents morceaux, on trouvera des fables adaptée d’Esope (sujet d’étude : comparer la version du Renard et les Raisins de La Fontaine, et celle de Tolstoï), des souvenirs d’enfance, des poèmes narratifs, des « sujets d’entretien » (Le galvanisme ; La glace, l’eau et la vapeur), des récits d’histoire (Les Oies du Capitole) et, surtout, quelques nouvelles dignes de figurer parmi les meilleurs qu’il ait signé, notamment le palpitant récit d’aventures Prisonnier au Caucase, assez pouchkinien dans sa limpidité et son apparente simplicité.

Et le lecteur français aura la surprise de lire, adapté sous le titre L’Evêque et le Brigand (Histoire vraie), le début des Misérables, et le vol par Jean Valjean des chandeliers de vermeil de Monseigneur Myriel.

Christophe Mercier

Léon TOLSTOÏ Contes, récits et fables (traduit du russe par Charles Salomon, Les Belles-Lettres, 370 pages, 15 euros).



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