Ça vaudra ce que ça vaudra, elle me fait me lever à 1h27, semble me dire, "Je n’en ai pas fini avec toi… tu m’as cherché, moi, je t’ai trouvé…"
OK-OK-OK, je peux être aussi fou que toi-même, même si mon nom est minable, même si je n’ai pas de nom, je suis fou, je t’écoute…
Elle aurait adoré se faire photographier/filmer en compagnie de Zlatan l'homme hors-du-temps laissant sur les lèvres la question évidente qui aurait celle de dire "Qui est le plus grand ?"
T’étais abasourdie par Lacan, mais sais-tu ce qu’il a réellement dit ? Je vais te le dire. "Tant pis pour le whisky à haute dose, si elle n’écrit pas, ce serait la catastrophe, la seule et vraie catastrophe…"
Alors je vois un rat géant qui garde l'entrée d'un souterrain géant, un rat géant, borgne, avec un bandeau de pirate comme celui de Jack Ford dont je parlais tout à l’heure avec "Liberty Valance", ce rat bloque mon sommeil et m’embarque vers un clavier. Mon clavier. Quel bonheur un clavier, je ne me serai pas levé pour un stylo-plume chargé à ras bord d’encre magique, pour un clavier oui. Un clavier c’est comme si je savais déjà jouer de la guitare. Bon, mon rat. Mon rat c’est "Écrire" c'est "la mort du jeune aviateur anglais" avec lequel je n’en ai pas fini alors que je croyais le contraire. Je ne sais pas ce rat. Gardien d'un lieu. Pas effrayant. Je ne sais pas ce rat, non.
Tenace M. Costaude de me faire lever. Millions de romans non-écrits pour raison de fainéantise. Je ne parle pas de moi, je parle en général car je pressens. Les romans, les trames parfaitement vraies, déjà écrites, romans magnifiques sont "là" index pointé sur un temporal de la tronche et on ne se lève pas. Le sommeil est le plus puissant des ennemis de l’écrivain. Ça hurle dans ta tête sans bruit la nuit et tu ne te lèves pas. T’as mieux à faire, dormir. C’est comme ça. Là, je ne pouvais pas ne pas me lever car M m’a intimé gentiment l'ordre ou le désordre de le faire. Elle m’a dit, semblé, un truc comme ça, "Tu ne vas pas en rester là de mon soldat, de mon enfant, de ce petit roi en haut de son arbre perché dans son cercueil d’acier, tôles tordues gémissantes, câbles électriques enchevêtrés, branches brisées, nids écrabouillés".
J’ai revu le "Meteor" mentalement. Parfaitement.
Un "Meteor" c’est presque quinze mètres d’envergure, c’est haut comme deux étages, c’est éblouissant, c’est six tonnes et demi de concentré de savoir-faire de merveilleuse technologie aéronautique à réaction. J'aime les avions. Depuis que je respire et regarde en l’air. C’est un avion savant, le premier, enfin presque, je mets un léger bémol car le "Meteor" c’est un peu comme le "Tupolev 144" des soviétiques, copié sur l’incomparable "Concorde", le plus fantastique avion civil de tous les temps, lui. Le "Meteor" les anglais l’avaient copié sur le ME 262 allemand, le plus fantastique avion de guerre de tous les temps, lui. Mais le "Meteor" comme le Tu144 était prouesse folle industrie aéronautique géniale d'un pays en temps de guerre. La guerre développe la folie chez les généraux et chez les ingénieurs. Les hommes subissent, les généraux et les ingénieurs, non.
"Meteor". Un enfant de vingt ans ne peut pas piloter un "Meteor" en juillet quarante-quatre. Im-po-ssi-ble. Je suis têtu, je m’obstine avec ce blocage. Non. C'est non ! Comment as-tu atterri en haut de ton arbre enfant anglais ? Pourquoi les habitants de Vauville ont-ils dit à M que c’était un "Meteor" ? Tu les as crus ? Tu n’y connaissais rien "en avion", aucune importance c’est vrai, je m’obstine, pourquoi vous, tu, n'avez, n’as, pas dit "en avion" ?
Je veux aller me coucher, c’est tes mots que tu m’as forcé à relire en me faisant lever. C'est ton rat géant borgne que tu m'as envoyé. Le gardien vigilant des lieux. Littérature. Je t'aime M.
Je le voyais partout, l’enfant mort. L’enfant mort de jouer à la guerre, de jouer à être le vent, à être un English de vingt ans, héroïque et beau. Qui jouait à être heureux. Je te vois encore : toi. L’Enfant même. Mort comme un oiseau, de mort éternelle… p.82