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Un autre rapport, une autre expérience

Publié le 11 juin 2008 par Thomas Bertrand

Ce n'est pas comme d'habitude et c'était la première fois pour moi, ici. Moi aussi, j'appréhendais beaucoup, mais ici, c'est coutumier. Il dormait, dans un futon, un léger voile bordé de dentelle pour cacher pudiquement le visage. Un voile vite enlevé pour lui parler. Un peu de riz, de tsukemono et l'encens qui montre le chemin vers le ciel.
A côté, on parle, on rigole même. Les détails matériels restent et la cérémonie doit être réglée comme toute les cérémonies doivent être réglées ici. Malgré la mort, la présence est pesante. Le patron des pompes funèbres a son petit badge, il présente son catalogue.

C'est comme si l'on ne nous apprenait pas à être triste de la même manière. C'est comme si il fallait être triste alors qu'ici, cela ne s'apprend pas.

Jour de cérémonie. C'est comme tous les rassemblement de plus de 10 personnes, mais les costumes sont encore plus sombre que d'habitude en entreprise. Comme dans les réunions autres, on se présente devant une table où 2 filles nous demandent notre nom. Pas besoin de carte de visite, c'est la différence. Ensuite, il faut suivre les autres. Tout est réglé.
Comme dans les émissions de télé, le public reçoit des instructions avant le début. Pas le temps d'être triste, le chauffeur de salle explique avec sa grosse voix les étapes de la cérémonie à venir. Petit rappel concernant l'extinction des téléphones portables, comme dans le métro.

Sansui

Les traditions sont toujours là mais semblent tellement être oubliées par ceux qui restent, qu'une dame avec un micro explique en voix off, une voix douce de supermarché, ce que les moines sont en train de faire.
Etant d'une autre culture, l'espace dérange. La décoration de style mi-1907, mi-1980 du lieu ne convient pas à l'idée de respect que l'on a en soi pour un défunt. Mais là, ce n'est pas l'important.

Sans l'avoir vu arrivé, il y a tellement a observer, le paroxysme de la cérémonie est atteint. Les prières à qui l'on donnerait volontiers le nom d'incantations, se font plus rapide, plus mystérieuses et en même temps, l'un des moines tapent sur un tambour dont j'ai oublié le nom. Un bruit sourd, hyper-régulier et rapide, entraine mon coeur dans une cadence folle. Juste au moment où il faut se lever pour faire ce rituel, comme quand on va communier, mais là, il n'y a rien à recevoir, juste à donner, de l'encens en fins copeaux à déposer sur un charbon ardent. Une courbette. Une prière. Une autre courbette et on se rassoit. De l'encens colle aux doigts moites.

Demachiyanagi

Puis tout le monde mange. Ici, à côté de lui. La vie continue et il ne fait que dormir. Certains lui apportent un peu de bière, d'autres une crevette frite et lui glisse un mot à l'oreille. A table, comme dans toutes sortes de réceptions ici, il y a des bouteilles de Kirin, de grands plateaux de sushis, des crudités, des baguettes en bois jetables, de vielles nappes sur les tables.

L'encens se consume toujours et montre la voix.

Troisième jour. Une autre cérémonie. D'autres proches, les contacts professionnels. Le chauffeur de la salle explique encore les étapes qui vont suivre. On ne me l'a pas expliqué, mais on se rend vite compte que cette fois-ci, ce sera beaucoup plus triste. La mise en scène de cette dernière cérémonie avant la crémation commence par une photo de groupe. Je passe les incantions des moines, l'enncens, les pleures des jeunes étudiants du cercle de la fanfare de l'Université de Ritsumeikan. Ceux-ci crieront un dernier adieu comme une fanfare d'étudiants crie durant les rencontres sportives.
Mais avant cela, il y a eu le speech. Merci à tous d'être venu, etc. Ce n'est pas imposé, c'est normal. Les fleurs sur le corps, le corps que l'on touche. Tendresse rime aussi avec mort.
Cinq ans au Japon, premier choc culturel ?


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