Unforgotten est une nouvelle série de six épisodes qui a été diffusée sur les ondes d’ITV du 8 octobre au 12 novembre. Le tout commence à Londres alors qu’en démolissant une maison, on retrouve un squelette dans la cave. Ce sont les enquêteurs Cassie Stuart (Nicola Walker) et Sunil Khan (Sanjeev Bhaskar) qui sont immédiatement appelés sur les lieux et après une étude approfondie des os, il s’avère que la victime est Jimmy Sullivan (Harler Sylvester), mort il y a exactement 39 ans; une disparition qui avait fait la une de quelques journaux à l’époque, mais oubliée depuis. De fil en aiguille, Cassie et Sunil finissent par concentrer leur enquête sur quatre suspects qui justement ont plusieurs squelettes dans leurs placards. Qu’il s’agisse de la BBC, de Channel 4 ou ici d’ITV, on peut toujours compter sur les Anglais pour nous offrir des enquêtes à la fois poignantes et originales. Dans le cas d’Unforgotten, il est quasiment impossible après avoir vu le premier épisode, très bien ficelé, de ne pas en demander davantage, que ce soit pour la finesse du scénario ou pour la qualité des acteurs.
Quatre destins brisés
L’aspect intéressant de ce premier épisode est qu’on a droit à une enquête préliminaire visant à connaître l’identité de la victime alors qu’en parallèle, on nous montre des bribes de la vie présente de quatre personnages. Ainsi, l’on a d’abord Lizzie Wilton (Ruth Sheen), qui avec son mari Ray (Brian Bovell), viennent en aide à des enfants issus de milieux défavorisés, Sir Philip Cross (Trevor Eve), à la tête d’une florissante société de vente au détail, le révérend Robert Greaves (Bernard Hill), heureux en ménage avec sa femme et ses deux filles et Eric Slater (Tom Courtenay), handicapé et à la retraite, il prend soin de son épouse Claire (Gemma Jones) atteinte de démence avancée. Tous vivent en apparence une existence tranquille, mais dès que Claire et Sunil parviennent à identifier le squelette et qu’à la fin de l’épisode, ils trouvent un carnet téléphonique avec leurs noms, on les voit sous un autre jour.
Il est assez rare aussi qu’on enquête exclusivement sur des têtes blanches, ce qui est définitivement à l’avantage d’Unforgotten puisqu’à leur âge, ils ont tous l’air vulnérable et l’extrême talent des acteurs aidant, les révélations qu’on apprend petit à petit sur leur passé créent un contraste saisissant. Ainsi, au-delà de l’enquête, c’est un retour en arrière avec quatre destins individuels ponctués d’erreurs de parcours, de regrets et dans certains cas, d’actes carrément ignobles. Ainsi, on apprend ainsi que Lizzie était à l’époque amoureuse d’un skinhead et que racistes, ils sont à l’origine de plusieurs crimes haineux. Du côté de Philip, il s’appelait avant Frankie et n’a pas hésité à voler ou extorquer pour bâtir sa fortune et Robert, un an après s’être marié a eu une aventure avec une mineure. Quant à Eric, son homophobie était notoire et tout porte à croire qu’il est d’un tempérament violent, même en chaise roulante.
Les flashbacks que l’on retrouve au court des épisodes vont dans le même sens. D’un ton sépia, accompagnés d’un son strident, ce qui néanmoins retient notre attention, c’est qu’ils sont tous d’une durée très courte si bien que jamais le téléspectateur ne parvient à voir leur visage, pas plus que celui de la victime, dont finalement on n’apprendra pas grand-chose, mais qui nous importe tout de même, ne serait-ce qu’après qu’on ait fait la connaissance de sa mère (Frances Tomelty), toujours en vie, brisée et avide de connaître la vérité, quelle qu’elle soit. Ce qui importe, ce sont ces gens que Cassie et Sunil ont en face d’eux et qui ont somme toute refait admirablement leur vie : qui parmi ceux-ci, malgré des passés houleux, irait jusqu’à commettre un tel acte. Cette ligne directrice est respectée tout au long de la saison et c’est justement sa force.
Bonne ou mauvaise nouvelle?
Justement, Unforgotten a connu un tel succès que le jour même de sa conclusion, on a annoncé que la chaîne produirait une seconde saison. Avec l’expérience, on se demande s’il y a de quoi se réjouir lorsqu’il est question de séries où une seule enquête occupe toute la place. À titre d’exemple, en 2014, TNT nous arrivait avec Murder in the First ou un couple de policiers tentait désespérément de faire inculper un principal suspect (sinon l’unique) dans une affaire de meurtres. La deuxième saison a été un désappointement total : en fait, on a réalisé que sans le charismatique tueur de la première, les détectives étaient loin le l’être autant pour nous attirer dans une deuxième aventure, laquelle contenait un arc narratif beaucoup trop compliqué et ennuyeux. Les audiences reflètent ce fiasco : une baisse de 28 % de l’auditoire pour la saison 2 qui a fait en moyenne 2,06 millions et une baisse (celle-là encore plus importante) de 31 % chez les 18-49 ans par rapport à l’année précédente.
Avec Broadchurch, on s’y est pris différemment. Comme le titre de la série réfère à une ville en particulier, ç’aurait été pousser la note un peu trop loin que de nous arriver avec une autre affaire de meurtre au sein d’une si petite communauté. On a donc décidé de faire ressurgir une victime du passé du détective, tout en nous présentant le procès du meurtrier de la première saison, lequel a plaidé non coupable. Il était très audacieux de changer complètement de ton la franchise et jusqu’à certains égards, la nouvelle histoire était très bien rodée. Cependant, on était à des lieux de l’intensité émotionnelle ressentie dans le premier opus. Pourtant, on s’en est mieux tiré que la série de TNT puisqu’en moyenne, 6,7 millions de téléspectateurs ont regardé la première saison en direct et qu’il en restait 5,9 pour la seconde.
Que va-t-on faire avec Unforgotten qui a attiré en moyenne 6,44 millions en auditoire? On misera bien évidemment sur le même duo d’enquêteur qui bien qu’attachant, n’est pas assez fort pour garantir le même taux de rétention de téléspectateurs. En entrevue, le créateur, Chris Lang a affirmé ceci : « I am immensely excited to be writing a second series of Unforgotten and relish the challenge of introducing a brand new story, where long buried secrets will once again be slowly brought to light. » Le défi sera donc de nous arriver avec une même intensité concernant le passé des suspects, sans pour autant qu’on ait un sentiment de déjà-vu. Bonne chance.