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Titre : Boxeurs et Saints Auteur : Gene Luen Yang (dessin et scénario) Editeur : Delcourt Collection : Outsider Année : 2015 Page : 336 et 176 Prix : 40€ Résumé : Petit Bao coule des jours paisibles mais difficiles d'une vie de paysan dans la Chine de la fin du dix-neuvième siècle. Fasciné par le théâtre itinérant, il rêve de ces héros légendaires. Petit Bao ignore que le jour où son chemin va croiser celui de l'étrange vagabond Lanterne Rouge, son destin va changer. Il va alors devenir un élément clé de la future révolte en marche, celle des Boxers, qui marquera le début du vingtième siècle en Chine dans la violence et le sang ! Quatrième est la quatrième fille d'une famille Chinoise. Et c'est la première enfant à survivre. Rejetée par son grand-père, elle va vouloir devenir un diable et croisera la route d'un missionnaire étranger. De fil en aiguille, son chemin va se heurter aussi à celui de la Révolte des Boxers... Mon avis : Deux tomes forment le coffret de cette BD. L'un s'intitule "Boxeurs" et l'autre "Saints". Deux histoires différentes, se déroulant sur plusieurs années mais à la même époque. Deux héros, un garçon et une fille, aux destins opposés avec un fil directeur : la révolte des boxers. De cette idée, Gene Luen Yang tire une tragédie violente, douce, âptre et magique. En effet, au côté de la rigueur de la vie des campagnes chinoises, apparaît une bonne dose de fantastique. Car nos deux héros ont des visions. Sont-ils fous ? Peut-être mais pas si sûr... Au travers de ces deux histoires, l'auteur parvient très bien à nous immerger dans cette époque. Et surtout, il sait nous rendre attachant Petit Bao et Quatrième. Le plus dur est de voir que les choix qu'ils sont amenés à faire vont souvent avoir des conséquences désastreuses sur leur vie ou sur celles de leurs proches. Eux-mêmes vont être confrontés au doute et à l'angoisse des regrets. Mais l'Histoire va tellement vite qu'ils n'auront malheureusmeent pas le temps de prendre du recul et d'analyser la situation froidement.
Et comme toute tragédie, on sait d'avance que les choses ne vont pas bien tourner. Mais l'on se prend à espérer une bonne surprise. L'épilogue en réserve une. Finalement, au milieu de tout ce chaos, reste-t-il une place pour l'espoir ? L'auteur ne fait pas la part belle aux événements historiques mais bien à leur impact sur la vie des paysans de Chine. On ne croisera pas vraiment de personnages célèbres de la période, on entendra vaguement parler des étrangers, plus de l'impératrice. Les batailles ont sans doute des fondements réels mais la place faite au fantastique renvoie l'Histoire au second plan. En effet, peu importe que la véracité historique soit de mise car le regard par lequel nous découvrons tout les événements est celui de Petit Bao ou de Quatrième. Et à leur échelle, l'Histoire n'a aucune importance. Ce sont justement les événements qui comptent. Une statue brisée, un homme détruit, un maître à suivre, un amour familial inassouvi, un père de substitution... Les seules histoires qui tiennent lieu de référence, ce sont celles qui sont proches de la légende. Pour Petit Bao, les héros mythiques du passé, les généraux des trois Royaumes, le Roi des Singes, pour Quatrième, Jeanne d'arc ! Des histoires que la légende a renforcé, où le vrai est parfois si près du féérique, de l'inconnu... Et le regard que donne Yang à ses personnages est original. Car même leurs proches ne les comprennent pas. Quatrième veut devenir un diable, Petit Bao un héros. Au final, lequel de deux atteindra son but ? Les mêmes traits de caractère les habitent : L'obstination, de cette obstination qui conduit à l'erreur quand elle est trop vive. Les mêmes doutes vont les transpercer. Pour eux, la réalité et le mystique se confondent. Et donc pour nous, lecteurs, aussi. Et cela contribue grandement au charme de cette histoire. Les deux tomes se lient profondément car les ellipses effectuées dans l'un seront racontées dans l'autre. Ce qui les rend indépendants. Ils peuvent être lus chacun de leur coté mais restent néanmoins suffisamment complémentaires pour que leur deux lectures enchaînées donnent un nouveau point de vue sur ce récit. Le dessin est à l'image de l'esprit de ces deux jeunes enfants : Naïf. Trait simplifié, couleurs douces, expressions stylisées. Les corps un peu patauds n'en restent pas moins porteurs d'émotion. Pas d'ombres, pas de plis sur les vêtements. Yang arrive à "aplatir" l'image. Il ne cherche pas à lui donner le volume et le relief d'une troisième dimension, il part sur le postulat que l'histoire sera mise à plat. Et le dessin aussi. Les décors, la nature et les maisons, sont eux aussi réduits à leur essence la plus simple. Les couleurs tirent vers des teintes ocres ou brunes, du coup, les autres couleurs ressortent encore plus vivement. Aucun mélange, aucun dégradé, le ciel est bleu, la nuit est noire, le sang est rouge. Ces couleurs ne se veulent pourtant pas réalistes. Car l'histoire porte en elle ce fantastique qui permet à certains moments de partir vers des ciels tirant sur l'orange ou le rouge, sur des cases où le décor disparaît pour laisser des fonds unis aux teintes de l'émotion exprimée par l'image. Ces dessins rappelant d'une certaine manière la ligne claire de Hergé, mais encore moins fouillée, encore plus allégée. Et ça fonctionne ! La composition est elle aussi assez sommaire et se place donc dans la même dynamique que le dessin : De une à quatre bandes composées de une à trois cases. Sur ce canevas, les vairations et les combinaisons nombreuses permettent d'éviter la monotonie. Le cadrage tente quelques variations, comme la plongée sur Petit Bao après qu'il soit intervenu en faveur de ses frères mais l'ensemble repose sur des plans larges ou serrés, alternant afin de nous garder au plus près des personnages, sauf quand l'action le commande. Alors, Boxeurs et Saints, qu'en dire au final ? J'ai été surpris et heureux de découvrir cette grande Histoire par l'histoire de Petit Bao et de Quatrième. J'ai été ému de la perte de contrôle de ses deux jeunes enfants sur leur destin, j'ai été content de trouver un récit loin d'être manichéen avec gentils révolutionnaires d'un côté et méchants étrangers de l'autre. Donc, je vous recommande cette double BD, car les deux tomes étant vendus en coffret, pas de temps d'attente ! Alors faites-vous plaisir... Et je n'allais pas vous laisser sans la superbe bande-Annonce de ce diptyque !
Zéda n'a pas tout saisi de la révolte des Boxers ! David