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Jean Gadrey: «Pas besoin de produire plus pour créer plus d’emplois!»

Publié le 08 janvier 2016 par Blanchemanche

PUBLIÉ LE 06/01/2016Par Yannick Boucher

L’économiste lillois, professeur honoraire de l’université, démonte la voie choisie par Xavier Bertrand, le nouveau président de Région depuis lundi. En préférant une croissance aux critères plus écologiques et sociaux.

 « Relancer la consommation pour acheter aux entreprises leurs produits et services de bonne qualité environnementale ou sociale ».  Photo Christophe LefebvreVDNPQR« Relancer la consommation pour acheter aux entreprises leurs produits et services de bonne qualité environnementale ou sociale ». Photo Christophe Lefebvre
La mesure phare de Xavier Bertrand est de créer 60 000 emplois cette année, la moitié des offres non pourvues d’après lui. Qu’en pensez-vous ?« Les demandeurs d’emploi de longue durée peuvent s’agiter de 6 h du matin à 10 h du soir, s’il n’y a pas d’offres d’emploi pour eux... Ces "emplois non pourvus" de Xavier Bertrand, soit selon lui 120.000 dans la nouvelle Région, c'est un mythe que toutes les analyses sérieuses invalident. Si l'on s'appuie sur ces données trompeuses pour réduire le chômage, c'est l'échec assuré. A moins que l'objectif ne soit pas de réduire vraiment le chômage, mais de faire porter le chapeau aux chômeurs eux-mêmes en accentuant encore leur stigmatisation. Pour réduire le chômage, il faut créer des emplois, et c'est possible ».Comment inverser la courbe régionale du chômage ?« Pas en allégeant d’abord les charges aux entreprises, cela ne fonctionne pas. Cette politique est une demande des grandes entreprises et une priorité des gouvernements depuis vingt-ans, ce qui n’empêche pas le chômage d’atteindre des niveaux record. Réduire les charges peut soulager une trésorerie à court terme mais la compétitivité recherchée par les coûts salariaux les plus bas déprime la demande. L’austérité appauvrit beaucoup de gens qui n’ont plus le pouvoir d’achat nécessaire à acheter des produits ou des services à forte valeur ajoutée environnementale par exemple. Au détriment des emplois locaux (circuits courts) et de la santé : il y a 100 fois moins de vitamine C dans une pomme industrielle que dans une pomme bio qui est plus chère. Les inégalités sont un puissant obstacle à l’investissement des entreprises en faveur de produits de haute qualité, lesquels permettent de créer beaucpup d’emplois. »Fait-il donc préférer une politique de demande à celle de l’offre ?« Elle créera en tout cas davantage de travail. Pas besoin de produire plus pour créer plus d’emplois. La croissance quantitative est devenue un mythe, elle doit être à présent qualitative. Les 40 milliards d’allègements de charges offerts par l’Etat sont pris sur des crédits de développement humain, sur la santé, les prestations sociales qui eux, sont directement réinjectés dans l’économie. Les aides aux entreprises devraient être conditionnées à la création d’emplois suivant des critères écologiques et sociaux. On devrait dédier ces milliards à la transition écologique et sociale, à la rénovatin thermique des bâtiments, à une agriculture moins industrielle et de proximité, à des services aux personnes âgées ou handicapées etc. »http://www.lavoixdunord.fr/economie/jean-gadrey-pas-besoin-de-produire-plus-pour-creer-plus-ia0b0n3253843

Diminuer le coût public du chômage

Jean Gadrey, en bon critique de la théorie économique néoclassique dominante, est notamment membre du conseil scientifique de l’organisation altermondialiste Attac. Auteur de Adieu à la croissance (éditions Petits Matins), il a publié de nombreux articles dans des revues de vulgarisation comme Alternatives économiques ou dans les journauxLe Monde et Politis. Et vient de signer aux éditions Fakir un très enjoué et pédagogique entretien « Contre les gourous de la croissance » (4 €), soit tous les présidents de la cinquième République. De quoi pourfendre les politiques publiques menant d’après lui à l’austérité : « Le pouvoir d’achat peut être restauré et financé en grande partie par la réduction des coûts publics du chômage, soit 70 à 80 milliards d’euros pour les 5 millions de Français concernés.Un chômeur longue durée coûte environ 15 000 € par an à l’État. Ils sont 2,4 millions dans notre pays, soit un coût de 36 milliards d’euros. On pourrait en faire des choses avec cet argent, ne serait-ce que dans la rénovation thermique des logements… » Y. B.

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