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Une bière anglaise brassée en plein Paris !

Publié le 08 janvier 2016 par Valentine D. @sciencecomptoir
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Testé et approuvé par Pierre, la mascotte du blog.
Dans les coulisses d’une microbrasserie du XIIIe arrondissement de Paris : initiation au brassage d’une bière à l’anglaise made in France, médaillée au championnat de bière artisanale de Dublin en 2015.

Paris, avenue de France, 7 heures du matin. Dans la semi-obscurité d’une rue encore déserte, une brasserie s’éveille.

The Frog and British Library est un pub anglais dans la plus pure tradition : papier peint rose foncé à grosses fleurs, banquettes capitonnées, fauteuils crapaud disposés autour de tables basses, appliques murales pour une atmosphère cosy. Au mur, la Reine Elizabeth II affublée de lunettes de soleil d’aviateur, une pinte à la main, annonce les tarifs du Happy Hours. Le ton est donné.

Dans le pub encore désert, deux serveurs échangent quelques mots joyeux en anglais derrière un imposant comptoir en bois vernis. Derrière lui s’alignent des tireuses à bière aux noms résolument British comme London Pale Ale ou East Kent Golden Ale. La microbrasserie parisienne est fière de ses cervoises, récompensées à plusieurs reprises aux plus grands championnats de bière du monde.

152ème brassin de l’année

Guillaume Beuriot est brasseur dans l’établissement depuis plus d’un an. Chaussé de bottes en caoutchouc et d’un sourire engageant, il s’apprête à commencer le 152ème brassin de l’année. A l’ordre du jour : la Kersplat, une bière blanche légère (4% vol.) aux saveurs florales. Le breuvage estival par excellence, médaille de bronze au Dublin Craft Beer Awards en 2015.

D’un pas enthousiaste, il se rend dans une pièce occupée par 3 larges cuves. La première contient 900 litres d’eau chaude.

De l’immense récipient s’échappent des volutes de vapeur lorsque Guillaume l’ouvre pour y verser une mesure de poudre blanche. « Des sels minéraux, précise-t-il. Grâce à eux, on recrée l’eau londonienne ou d’un autre endroit d’Angleterre à partir d’eau de Paris. » En effet, l’eau a une importance cruciale : sa composition chimique conditionne le goût de la bière.

Une bière anglaise brassée en plein Paris !

Brassin, The Frog and British Library. Crédit image : Science de comptoir.

Préparer le malt à la fermentation

Le brasseur entame avec entrain la première phase du brassin : le mash in, ou saccharification. « C’est dans cette étape qu’on extrait tout le sucre contenu dans l’orge. » Casser les longues chaînes des sucres complexes du malt pour les transformer en sucres simples en activant les enzymes du malt par la chaleur.

Il transvase une partie de l’eau chaude dans une deuxième cuve, en surveillant étroitement la température : elle doit être très exactement à 70°C. « Plus chaud, on détruit les sucres contenus dans le malt. Plus froid, on ne les extrait pas. »

Puis c’est le tour du malt, un mélange aromatique d’orge et de froment cuits et germés importés du Royaume-Uni. Guillaume en associe trois types pour cette recette dont le secret est bien gardé. Parmi eux, le malt blanc joue un rôle fondamental : « il donne sa couleur trouble et jaune à la bière blanche, souligne-t-il. C’est de lui qu’elle tire son odeur. » Il déverse dans la cuve les sacs de malt en remuant vigoureusement au fur et à mesure avec un paddle, spatule métallique géante. La pièce, dans son atmosphère chaude et humide, se remplit d’une odeur douceâtre.

« Infuser pour extraire les arômes »

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Cuves de stockage de la bière, en chambre froide.

La maische ainsi obtenue reposera pendant une heure et demie avant d’être montée à ébullition. Ensuite, il joindra à la préparation un mélange de plusieurs houblons ; pour d’autres recettes, parfois des écorces d’orange ou du gingembre. « C’est la partie où la plante et les ingrédients vont infuser, comme un thé, pour extraire tous les arômes voulus. »

Viendra ensuite la phase de fermentation : Guillaume transférera la préparation dans une autre cuve, y ajoutera du sucre et de la levure. Cette dernière « va transformer tout doucement le sucre en alcool. »

Le moût fermentera pendant plusieurs jours à une vingtaine de degrés, travaillant tranquillement. Puis la bière sera transférée dans la chambre froide pour 2 jours. « Cela permet à la bière de s’homogénéiser et de se clarifier. Si elle est jugée belle à servir, on injecte du CO2 dans la cuve sous forme de microbulles, ce qui permet d’infuser tout doucement la bière et de la rendre pétillante. »

3 semaines après le brassage, la dégustation pourra enfin débuter. « La microbrasserie a un côté humain, résume Guillaume. C’est un travail artisanal qui comprend une grande partie manuelle et physique. La différence avec les bières industrielles, c’est la petite touche personnelle : quand on vend nos bières, on est vraiment fiers de les avoir faites et on sait le travail qu’il y a derrière. Et au niveau du goût, ça change tout ! »

Merci à The Frog and British Library (114 avenue de France, 75013 Paris), et en particulier à Guillaume Beuriot, pour leur joyeux accueil.

Ce reportage a été réalisé dans le cadre du Master Journalisme scientifique de l’Université Paris Diderot.

Si vous avez aimé cet article, vous aimerez peut-être la distribution libre idéale à l’heure de l’apéro (en BD). Plus d’infos sur la fabrication de la bière sur Sciences claires. Pierre (mascotte de ce blog) et moi profitons de cet article, le premier de 2016, pour vous souhaiter à tous une excellente année rock’n roll !

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