Saint-François story
Imaginez que vous lisez un roman passionnant (en cherchant bien, on en trouve encore), vous le faites durer pour ne pas l’achever et, stupeur, au moment fatidique, vous découvrez que les dernières pages ont été arrachées. Aucun rapport pour l’instant avec la chronique qui suit.
Au mois de décembre, la rue St-François a été barrée quelques jours pour cause de travaux. Lors de sa réouverture, quelque distrait, négligeant le marquage en pointillés certes un peu dilué, a stationné côté droit de la rue, donc du mauvais côté. La malchance a voulu que les conducteurs suivants, tout aussi distraits ou n’étant pas familiers des lieux (ou de l’usage du marquage au sol) lui emboîtent le pas, jusqu’à la saturation, caractéristique du centre-ville, du stationnement sur cette voie.
Situation tant absurde qu’inextricable. En effet, personne ne pouvait plus prendre l’initiative d’inverser seul le stationnement. Stationner à gauche revenait à boucher la circulation. Pendant plusieurs jours, matin et soir, je me mis à imaginer des scénarii. Le statu quo n’était pas une solution car, bien évidemment, il y avait des garages privés à gauche et la nouvelle configuration contraignait les conducteurs qui voulaient y accéder au contorsionnisme.
Il fallait d’abord que la situation soit repérée par les responsables de la voirie. Combien de temps ? L’option la plus radicale était bien sûr la fourrière. Pour une vingtaine de véhicules. La plus douce barrer la rue et attendre l’évacuation totale. Mais c’était s’exposer au stationnement longue durée et aux petits plaisantins capables d’emprunter la rue en marche arrière pour atteindre le Graal : une place. Et nuire à la fluidité de la circulation dans le quartier. La plus juste pour les « piégés » de bonne foi ? Mettre des panneaux de stationnement interdit et attendre qu’ils libèrent les places. La plus paresseuse ? Modifier le marquage au sol pour légitimer l’erreur. Tant pis pour les contorsionnistes…
C’est avec un engouement nouveau que j’empruntais la rue chaque matin, chaque soir. Pleine d’admiration pour le génie qui avait initié une situation qui ne pouvait se régler que collectivement. C’est presque à regret que je partis en vacances : je ne connaîtrais pas la fin de l’histoire…
Colette Milhé