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Émeutes au Maghreb : un profond malaise social et un sentiment d’injustice

Publié le 11 juin 2008 par Algy
Les récentes émeutes (ici et ), durement réprimées par les autorités, dépeignent une triste réalité. Les chiffres officiels du chômage parlent d’eux-mêmes. Ils s’élèvent respectivement au Maroc, en Algérie et en Tunisie à 9,7% 13,8% et 14,1% en 2007. Mais pour Kamel Chachoua, ces chiffres sont « en deçà de la réalité » et ne prennent pas en compte le réel malaise social du Maghreb.
Kamel Chachoua, chargé de recherche à l’Institut de Recherche et d’Etudes sur le monde arabe et musulman (IREMAM) explique, pour Afrik.com, le mal-être de millions de Maghrébins d’aujourd’hui, les réactions inadaptés des autorités et les conséquences du chômage sur une société en pleine métamorphose. Voici quelques extraits forts intéressants de cette entrevue (ici):
Afrik.com : Les manifestations, ou émeutes, qui ont eu lieu en Tunisie et au Maroc récemment sont-elles le fruit du seul chômage ?
Kamel Chachoua : Je parlerais plutôt d’émeutes car elles sont spontanées au départ et ne sont pas organisées sur une thématique en particulier. Plus que le chômage, elles découlent d’abord d’un profond malaise social et d’un sentiment d’injustice en raison du fort taux de corruption et du népotisme. Il ne s’agit plus seulement de jeunes chômeurs qui vont protester mais des femmes, des retraités, des travailleurs précaires. Malheureusement, beaucoup savent bien, par pessimisme, que le problème pour lequel ils sont dans la rue ne se réglera pas dans les mois ni même dans les années à venir. Alors ils essaient de tenir le plus longtemps possible, comme en Tunisie, pour tenter de faire fléchir les autorités. Pour l’instant, sans succès.
Afrik.com : Mais pourquoi les États se sentent obligés de réprimer ces protestations ?
Kamel Chachoua : Dès qu’il y a émeute, l’État est obligé de démontrer sa force et montrer qu’on ne peut pas faire tout ce qu’on veut. Dans le cas contraire, ça pourrait être la porte ouverte à leur perte. C’est donc devenu un automatisme étatique. La Tunisie est de loin la plus répressive des pays du Maghreb car la misère sociale s’est accentuée alors même que le pays est l’un des plus développé du continent sur le plan économique. L’État veut aussi conjurer la violence islamiste. La société, qui croyait que l’ennemi n’était qu’extérieur, découvre ces dernières années que le danger peut venir du voisin. L’État veut contrôler chacun des actes qu’ont lieu dans son territoire, ce qui revient à suspecter tout le monde sans distinction. Pour sa propre sécurité, elle lance donc des répressions générales et aveugles. Les autorités qui répriment se trouvent face à leurs échecs et sentent que ces manifestations visent d’abord le pouvoir plus que les revendications pour lesquelles les gens sont descendus dans la rue.
Afrik.com : Quelles solutions proposez-vous pour réhabiliter l’image du travail et résorber le chômage ?
Kamel Chachoua : Réhabiliter le travail, c’est réhabiliter la société toute entière. Et le chômage ne se résorbera pas avant longtemps. C’est très grave mais en même temps c’est tant mieux car, à l’avenir, la multiplication des problèmes sociaux permettra aux populations d’être plus crédibles dans leurs revendications et d’obtenir des droits politiques par des revendications socio-économiques. C’est un espoir politique qui se présente. A mon avis, il faut rendre au travail et à ceux et celles qui le font toute sa dignité, mieux payer les travailleurs ou encore créer une culture du travail plus crédible. Les jeunes découvrent le travail par le chômage et c’est propre à la société du Maghreb. Cependant, réprimer le travail au noir n’est pas la meilleure des solutions car l’économie informelle prend une grande place au Maghreb. Dans les faits, on ne peut discuter sérieusement du chômage et des revendications actuelles des chômeurs que si une réflexion globale sur la société est engagée.

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